Pourquoi le national est toujours dans le local

Pourquoi le national est toujours dans le local
Romain Meltz - DR

L’élection municipale du 23 mars prochain a-t-elle une dimension nationale ?

"Non", répond G. Collomb, "Oui", dit M.Havard (je simplifie).
Qu’en penser ?

A mon avis, les élections locales ont une dimension nationale, non pas à cause de la couleur politique du personnel politique local et national au moment du vote, mais parce que l’Etat est partout, et que chaque élection offre la possibilité aux Français de dire ce qu’ils pensent de l’action de l’Etat (et par là celle du gouvernement).

Car l’Etat  se mêle de tout, fourre son nez (de Pinocchio) partout. Il confie des tâches à l’Europe, aux Régions, aux Communautés de Communes, mais sans jamais abandonner complètement ses prérogatives. L’Etat participe ainsi à la constitution de pelotes de ficelle infernales, et quand tout est bloqué, il passe à la pelote suivante (la métropole est sa dernière invention). Heureusement les diverses élections permettent aux citoyens, qui s’arrachent les cheveux, de râler un peu.

Voyons quelques exemples d’…

…Un Etat qui se (mal) mêle de tout

La loi veut que ce soit les communes qui décident ce qu’elles veulent faire de leur sol et non pas l’Etat. Dans les faits, les communes sont-elles libres de décider de l’affectation des sols ? Pas vraiment, non. Car la même loi oblige les communes à se doter d’un PLU, un Plan Local d’Urbanisme, document complexe et long à réaliser (4 ans en moyenne). Pour une petite commune c’est pratiquement impossible à rédiger. Qu’à cela ne tienne : l’Etat est prêt à s’en occuper pour vous, et met à la disposition de ces petites Communes des fonctionnaires étatiques qui réaliseront, à la place des communes, ce PLU pourtant sensé leur permettre de décider ce qu’elles voulaient faire de leur sol.

L’Etat central utilise beaucoup ce double bind: il demande aux Communes, aux Régions, de faire les choses, tout en conservant les moyens de cette politique. La réforme des rythmes scolaires l’illustre bien. L’Etat a décrété (ce n’est pas une métaphore, c’est vraiment un décret) que les élèves devaient maintenant travailler le mercredi matin. Voilà Lyon qui va devoir renoncer à ses "mercredis de Lyon" et aux activités proposées aux 2.700 enfants le mercredi matin et organiser à la place, après 15h45, des activités  pour terminer une journée raccourcie par décision ministérielle.
Et le plus fort dans tout ça : Paris impose ce changement aux Communes mais se dispense lui-même de fournir les programmes scolaires qui iraient avec les nouveaux rythmes qu’il impose (un prof ne fait pas ses cours de la même façon quand on lui donne ses élèves pour 4 longues journées ou pour 9 courtes demi-journées).
Le 20 février dernier, Vincent Peillon a en effet repoussé d’un an la refonte des programmes qui datent de 2008 (date du dernier changement de rythme scolaire). Pelote.

L’Etat central a mille idées d’outils pour enlever d’une main les compétences qu’il donne de l’autre aux Communes. L’un de ces outils est la communauté urbaine (chez nous c’est le Grand Lyon). Une Commune qui adhère au Grand Lyon y transfert obligatoirement une bonne partie de ses compétences (traitement des déchets, transports,  urbanisme…).  Et si une Commune récalcitrante refusait d’entrer dans une Communauté Urbaine, le Préfet (représentant de l’Etat) peut l’obliger à le faire. Millery (gentille ville au sud de Lyon) refuse une première fois en 2007, alors que Givors et Grigny veulent se lier au Grand Lyon.
C’est embêtant, car le principe du Grand Lyon est qu’il y ait continuité territoriale entre les communes qui le compose (c’est-à-dire que les communes du Grand Lyon doivent se toucher). Une 1ere dérogation est accordée à Millery pour ne pas adhérer au Grand Lyon mais qui est dorénavant encerclée au Nord et au Sud. Mais le Préfet revient à la charge ! La loi a changé : plus de dérogation, la continuité territoriale doit être rétablie.

Souriant, Hubert Verthet, adjoint au maire, raconte comment Millery s’en est sortie : "On a donné une bande de notre commune, le long du Rhône à Vernaison et à Grigny" ce qui a permis de rétablir la fameuse continuité territoriale (mais ce qui a obligé des canards et des pélicans à changer de commune). On se croirait au moyen âge : pour rester libre il faut abandonner des terres.

L’Etat ne fait pas cela seulement avec les Communes. Rappelons que depuis les premières lois de décentralisation c’est aux Régions que revient la responsabilité de construire et de rénover les lycées – tâche dont elles s’acquittent fort vigoureusement. Très bien. Mais dans ce cas, pourquoi le Ministère de l’Education Nationale abrite-il encore aujourd’hui un "Observatoire de l’accessibilité des établissements" ? Soupçonne-t-on les Régions de vouloir construire des lycées en forme de château-fort où nul élève ne pourrait pénétrer ?

On pourrait continuer comme ça, je parierai (sans pouvoir le prouver) que l’Etat fait pareil avec les partenaires sociaux, quand il leur intime l’ordre de passer des accords sans lui, et qu’il se met dans un coin de la pièce en sifflotant puis en fronçant les sourcils quand quelque chose dans la discussion lui déplait
En résumé donc : avec un Etat qui fourre son nez partout, y compris dans les Communes, il est normal que les élections municipales soient aussi des élections nationales.

Romain Meltz
@lemediapol

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2 commentaires
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oduesp ertov le 21/03/2014 à 18:49

Le local n'a pas d'autre choix que d'accepter le national entrer dans ses plates bandes. Mais le contraire serait-il préférable ?

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bertranne le 09/03/2014 à 00:30

Pas a VILLEURBANNE qui a le coeur a gauche mais dont les citoyennes et les citoyens contestent la mauvaise gestion du maire P.S Jean - Paul Bret.Il,y a d'ailleurs une liste dissidente conduite par Béatrice Veisselier.
La politique culturelle du maire est inexistante, les espaces verts sont complètement négligés......

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