Alexandre Moulin, commissaire au Redressement productif : "Des milliers d'emplois sauvés en Rhône-Alpes"

Alexandre Moulin, commissaire au Redressement productif : "Des milliers d'emplois sauvés en Rhône-Alpes"
Alexandre Moulin - LyonMag

Alexandre Moulin, commissaire au Redressement productif en Rhône-Alpes, était l’invité ce vendredi de Jazz Radio pour l'émission Ça Jazz à Lyon, proposée en partenariat avec LyonMag.

Vous êtes depuis le mois de juillet dernier le relai du ministre Arnaud Montebourg dans notre région. Au vu de la multiplicité des plans sociaux de ces derniers mois, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous avez du boulot. Est-ce que votre travail est efficace ? Est-ce qu’il porte ses fruits aujourd’hui ?
"Oui, j’en suis convaincu. Bien entendu, on n’arrive malheureusement pas à traiter tous les cas qu’on a. Il y a des cas très difficiles qu’on n’arrive pas à traiter. Mais à chaque fois, on joue un rôle positif. J’ai d’ailleurs des cas très concrets d’entreprises, qui, quand elles sont arrivées chez nous initialement, nous ont fait dire qu’on était trop loin et que ça allait être trop dur faire. Mais au final, grâce à une implication de tout le monde et grâce au rôle de l’Etat, on a réussi à trouver des solutions et à donner de la visibilité."

Quel est votre rôle ? C’est de soutenir les entreprises qui sont en difficulté ainsi que d’anticiper leurs difficultés ?
"On travaille à la fois avec des entreprises qui viennent nous voir en nous disant qu’il y a une urgence ou qui nous disent que d’ici deux trois ans, leur situation va devenir compliquée. Parfois, par un système de veille qu’on a grâce au service de l’Etat, on peut aller voir quelqu’un en disant "écoutez, il nous semble que vous pourriez être en difficulté. Est-ce que vous voulez qu’on en parle et qu’on travaille là-dessus ?"

Cela fait dix mois que vous êtes en poste, avez-vous déjà un bilan chiffré ?
"Le bilan que nous avons fait fin 2012 montre qu’il y a à peu près plus d’une centaine, entre 130 et 150, d’entreprises qu’on suit régulièrement. Sur ces 130-150, il y a une quinzaine d’entreprises auxquelles on peut raisonnablement penser qu’elles n’auront plus besoin de nous les mois prochains. On leur laisse donc vivre leur vie normalement. Mais on continue d’avoir un travail constructif avec toutes les autres parce que c’est dans la durée qu’un cas se traite."

De quel type de secteur sont issues ces entreprises ?
"Le rôle du commissaire au redressement productif, c’est tout ce qui est service de l’industrie. L’idée est de se dire que dans un contexte mondialisé de concurrence éfreinée sur les marchés, la balance commerciale et ses produits industriels sont un élément clé. On ne peut pas se permettre de voir des entreprises françaises disparaitre parce qu’elles ont eu en un "instant t" un petit problème, et que toute leur production ainsi que tout l’emploi soit remplacé simplement par des importations, parce que c’est plus simple et plus facile."

Aujourd’hui, concrètement, peut-on dire qu’on a sauvé 10, 100, 1000 emplois ? Pouvez-vous le chiffrer ?
"Je chiffre personnellement à plusieurs milliers d’emplois sauvés. Je considère que c’est très positif. On ne peut pas dire grand-chose malheureusement sur les entreprises concernées parce que la principale caractéristique de mon travail est qu’il est extrêmement confidentiel. Bien entendu, il ne m’appartient pas de dire que telle entreprise est en difficulté et que je m’en occupe."

Il y a aussi des cas d’entreprises emblématiques en ce moment. C’est le cas de l’entreprise Kem One qui est implantée à Lyon et à Saint-Priest. Arnaud Montebourg et le préfet disent qu’ils cherchent un repreneur, mais cela s’avère très difficile, non ?
"La situation de l’entreprise est très compliquée parce que le marché est compliqué structurellement et mondialement. Les conditions de sa cession et surtout les conditions de sa gestion ont été très particulières. Elle a été vendue par Arkema à un fonds d’investissement américain qui lui-même n’a pas réinvesti dans l’entreprise comme il le fallait. Il y a donc une situation très compliquée de l’entreprise. Et surtout, au-delà de cela, l’ensemble des entreprises de la filière de la chimie sont très intégrées. On recherche au niveau de l’Etat, c’est pour cela qu’on appuie l’entreprise et l’administrateur judiciaire. On recherche une solution globale pour l’avenir de l’ensemble de la chimie."

Avez-vous la capacité de faire pression sur des patrons, notamment sur le fonds d’investissement américain intéressé par Kem One ?
"C’est justement les débats que nous avons eu avec lui."

Mais qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit de faire pression, du coup, sur ses fournisseurs, sur ses éventuels clients ?
"Je ne vais pas dévoiler mes ficelles. Mais ici, l’Etat est un acteur neutre et légitime. On n’a rien à gagner ou à perdre personnellement dans le soutien de ces actions-là. Notre rôle est d’arriver grâce à de la médiation et si nécessaire à de la pression, à construire une solution qui convienne à tout le monde."

Quand justement une entreprise arrive à être reprise, il faut imposer au repreneur d’assumer ce qu’il avait annoncé. C’est le cas de Veninov à Vénissieux. Là aussi, comment faîtes-vous pour imposer à un repreneur de tenir ses engagements ?
"Veninov est un sujet qui est très long. Je l’ai suivi dès le début et il a été extrêmement compliqué. L’Etat a joué un rôle dès le départ pour aller chercher par les cheveux le repreneur parce que toutes les conditions étaient réunies a priori pour que rien ne se fasse. L’Etat a joué un rôle très important avec le liquidateur pour offrir au repreneur Windhager une solution qui lui convienne industriellement."

Mais en ce moment, on voit bien qu’ils jouent avec les nerfs de tous les acteurs, non ?
"C’est un souci qui a toujours été compliqué. Il faut donc sortir par le haut, j’en suis convaincu. L’idée est de trouver une solution qui convienne à tout le monde. Une solution qui convienne à tout le monde est nécessairement une solution de compromis. Pour atteindre un compromis, il faut que tout le monde fasse des efforts. Le rôle de l’Etat est d’accompagner et mettre tout le monde autour de la table pour trouver une solution. Mais il faut aussi que chacun soit prêt à faire un pas."

Globalement, vous, avec cette tâche qui est assez lourde, vous ne ressentez pas parfois un sentiment d’impuissance en revenant chez vous le soir ?        
"Le préfet de région dit toujours qu’un fonctionnaire satisfait est un mauvais fonctionnaire. Il est donc sûr que je ne suis pas un mauvais fonctionnaire car je ne suis pas toujours satisfait. Il faut reconnaître que c’est un rôle un peu ingrat mais qui est extrêmement important pour l’avenir de l’industrie française, en complément de toute une action de développement. L’’idée n’est pas seulement d’éviter les catastrophes industrielles, mais c’est aussi d’accompagner la croissance d’activité et les entreprises qui se développent. Sur 15 jours, on a recueilli une vingtaine de projets de développement d’entreprises. Ils n’étaient pas tous considérables, mais c’est aussi avec des petits pas qu’on peut avancer. Il faut aussi accompagner tout ce qui est positif de manière à créer également de l’emploi industriel en parallèle."

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