Gourcuff, un joueur utile, le Grand Stade, un projet inutile

Et l’une des manifestations des plus cruelles de cette perte de légitimité dans l’exercice du pouvoir, c’est la répression. On en a eu récemment la terrible preuve, avec le drame de Sivens*. Si la matraque se substitue aux mots, jusqu’à donner la mort, c’est toute la démocratie qui est mise à mal. De Notre Dame des Landes, jusqu’à Décines en passant par le Testet, à chacun son projet inutile.

Concernant le nôtre, le Grand Stade, Gérard Collomb a raison : c’est un "grand projet" ! Tellement grand, que l’on aurait pu se demander s’il n’aurait pas dû être accompagné d’une plus grande concertation, liée à un plus grand respect des contribuables, et surtout d’une plus grande responsabilité écologique et sociale voire même d’une votation.

Deux grands stades dans le Grand Lyon, pourquoi ?

Les équipements liés au Grand Stade ont déjà contribué à l’endettement de nos collectivités publiques, pour une partie estimée, à minima, à 150 millions d’euros.
Le Stade de Gerland est pourtant très bien desservi, par le Métro, ainsi que par le Tramway. Il nous permet facilement d’accéder aux matchs. Il inscrit en lui une histoire, il a su accueillir la coupe du monde de 98 avec succès, stade qui a vu aussi l’OL jouer la Ligue des Champions et gagner ses 7 titres de champions de France consécutifs.  A l’inverse de Lille, souvent cité par les partisans du Grand Stade, son infrastructure historique ne comptait que 18 000 places, contre 42 000 pour Gerland. Ce dernier pouvait donc être agrandi si besoin, à l’avantage du quartier et des commerçants qui en vivent indirectement.  D’ailleurs, que va devenir notre stade?

Au lieu de ça, ils ont choisi Décines. Une localisation aberrante, tant l’absence de métro, de transports type RER ou encore de desserte routière y est criante. La logique d’augmentation de l’affluence de supporters n’est donc pas l’objectif. Celui-ci pourrait en revanche être financier : une plus-value sur les terrains vendus pour un quignon de baguette de pain par le Grand Lyon, ainsi qu’une plus-value sur les activités commerciales de l’OL Land.

Ne faudrait-il pas aussi se questionner au-delà de l’OL ou de la vitrine métropolitaine que l’on nous vend ? Les infrastructures en cours de réalisation sont-elles dimensionnées pour les seuls besoins des "pointes d’affluence" au Grand Stade ? Ou pour anticiper l’ouverture à l’urbanisation des zones agricoles périphériques ? Le coût important de ces infrastructures et le constat probable de leur sous-utilisation (ex : Tram), ne seront-ils pas présentés comme des arguments "évidents" pour les amortir par une extension de l’urbanisation (certainement très juteuse)? D’ailleurs, un constat sérieux a-t-il été dressé sur les effets de la réalisation de la Rocade Est notamment le long du croissant Sud-Est ?

En définitive, Philippe Layat ne sera-t-il pas le premier d’une longue liste à voir ses terres agricoles massacrées ?
   
"T’es contre le Grand Stade ? Donc t’es contre le foot, ton club et ta ville" ?
   
 Non ! Le foot est là et c’est un sport qu’on aime. Et si J-M Aulas cote l’OL en bourse, ce n’est pas pour les amoureux du foot, mais bien parce qu’il traite avec les outils du système et de la concurrence féroce entre les clubs. Le foot business, ainsi que les projets inutiles ne sont pas à indépendants, ils participent à l’ensemble de ce système financier qu’il nous faut dépasser.
 Pour ce type de projets, Jean Viard (sociologue) explique que "les politiques pensent agir en faisant des projets pour les gens alors qu’aujourd’hui il faut faire des projets avec les gens".

 Et bien en politique ce doit être la même chose. L’heure a sonné pour les partis de ne plus agir seuls au monde, en gérant "à l’ancienne" leurs résultats. Tous les éléments, aujourd’hui, sont réunis pour proposer une alternative crédible. Les récents rassemblements en Rhône-Alpes l’ont montré, des hommages à Rémi Fraisse, à la défense d’un environnement sensible face au projet Center Parcs à Roybon en Isère, en passant par la promotion d’un logement pour tous à Lyon, le combat relatif au Lyon-Turin…l’affluence augmente. Jeunes, âgés, organisations politiques, syndicales, habitants, citoyens, associations c’est à nous de traiter, à égalité, pour proposer un débouché politique et mettre à bas les guéguerres de chapelles.

Finalement, ce n’est pas tant les élus qu’il faille changer, mais bel et bien un système qu’il faut promouvoir. Ce n’est pas tant l’opposition pour s’opposer qui nous animent, mais bel et bien une utilisation plus précieuse de l’argent public, responsable écologiquement et socialement, pour le mieux-vivre des habitants, pour des projets utiles. Il ne s’agit pas là d’un doux rêve, mais bel et bien de poursuivre et de reprendre en main l’Histoire de notre République.

*Toutes nos condoléances vont à la famille et aux amis de Rémi Fraisse décédé dimanche

Andréa Kotarac est co-secrétaire du Parti de gauche du Rhône