Uber Pop contre Taxis de Lyon : les nouveaux barbares ?

Uber Pop contre Taxis de Lyon : les nouveaux barbares ?
Romain Blachier - DR

C’est sans doute le sujet casse-museau (casse gueule en lyonnais traditionnel) à traiter. Raison de plus pour le faire.

Le Préfet du Rhône a pris un étrange arrêté : il a interdit (théoriquement puisque le service continue de tourner) le service de transport de passagers exercé par des particuliers dénommé Uber Pop. Ceci au motif que son exercice troublerait l’ordre public. Depuis des mois les taxis de France, de la Métropole de Lyon et du Rhône sont en lutte contre ce mode de transport souple et à grand succès qui leur fait concurrence.

Le risque de tension entre les deux, les menaces et violences commises par des taxis contre des Uberpop (et leurs clients comme à Strasbourg l’année passée)  d’une part ainsi, qu’à l’inverse, une agression au couteau d’un Uberpop contre un taximan à Roissy, faisait craindre au Préfet  des débordements. C’est une décision des plus discutables qui a été prise : si on commence à interdire un service parce que certains concurrents sont mécontents et menacent de troubler l’ordre public, c’est un vrai souci.

Rappelons un fait : le conflit ne porte que sur Uber Pop, pas sur l’ensemble des alternatives aux Taxis proposées sur le marché par la société californienne Uber, aujourd’hui start-up la plus valorisée du monde.

Uber Pop a pour caractéristique de faire appel à des chauffeurs non professionnels, qui utilisent leur véhicule personnel. On démarre l’application, on attend que le client se signale, on fait la course. Et Uber  prélève 20% du prix. On s’arrête quand on veut.

C’est une opportunité pour des étudiants, des chômeurs, des salariés à temps partiel de gagner un peu d’argent en travaillant. C’est aussi une opportunité pour de nombreuses personnes de faire des trajets en véhicule pour un prix accessible à tous. Il y aurait 200 personnes qui proposeraient leurs services dans notre région contre environ 1200 taximans traditionnels.

Seulement les taxis ont peur de se faire retirer le pain de la bouche.  Conduire les personnes c’est leur métier. A plein temps en ce qui les concerne. C’est ainsi qu’ils vivent et nourrissent leurs familles. Et ils ont pour beaucoup des licences de taxis et des véhicules professionnels à rembourser.

Ces licences, pourtant délivrées gratuitement par le service public, ont été, à la demande de ces mêmes taxis, restreintes pour éviter trop de véhicules en concurrence.  Et donnent lieu à une spéculation forte de ceux qui en disposent et les revendent à prix de vacances des Balkany. Du coup les taxis ont endetté d’autres taxis en profitant d’un système établi pour limiter les acteurs sur le marché. Résultat les nouveaux entrants, Uber et les autres, se passent de ce dispositif.

Qu’il soit clair : Uber n’est pas en soi un ange. Placements dans les paradis fiscaux, flicage, dumping, commissions lourdes et précarisation du travail. Le géant US est sans doute la face la plus sombre de l’économie du partage qui est en train de révolutionner nos économies et nos manières de travailler. Au risque de transformer, si nous n’y prenons pas garde, la promesse d’autonomie que peut permettre la sharing economy, en précarité généralisée dans tous les domaines.

Mais comment ne pas voir aussi qu’en bousculant la profession, de l’aveu même de certains syndicalistes du taxi, Uber a révélé des besoins et des manques qu’il fallait combler.

Le prix est certes un facteur important pour beaucoup de gens qui ne peuvent pas s’offrir les services d’un taxi. Mais ce n’est pas le seul élément dans l’histoire : preuve en est que Uber Berline, la partie professionnelle de Uber fonctionne également très bien alors que ses prix sont comparables aux taxis.

Et que de nouvelles entreprises, comme les lyonnais de Naveco, se lancent sur le marché sur ce même segment de coût. Mais en proposant des prix plus transparents, un service plus souriant (sans doute parce que usagers et uber se notent) et de petites attention (ne pas être contraint de subir la radio du taxi mais choisir sa station, une bouteille d’eau, des bonbons) , la géolocalisation du véhicule qu’on attend et surtout le fait, peu fréquent chez les taxis, de pouvoir payer en carte bleue de façon systématique sans compter qu’il n’y a jamais de refus de prendre des passagers,  Uber a montré les manques qui existent et les demandes des consommateurs.

Les taxis, si il veulent survivre, ne doivent pas s’en prendre physiquement aux usagers des Uber Pop comme c’est arrivé en Alsace l’année passée. Ou comme semble-t-il ce week-end à Lyon où un jeune homme, que les taxis avaient refusé de prendre, s’est fait frapper par ces mêmes taxis lorsqu’il s’est décidé à prendre un Uber Pop. Ils ne doivent pas insulter une mère de famille avec son bébé l’autre jour en presqu’ile parce qu’après avoir été refusée par un taxi pour cause de trajet trop court (Cordeliers-Jean Macé) elle a ouvert l’application d’Uber. Ils ne doivent pas s’en prendre à vingt contre un à leurs concurrents pour saccager son véhicule ou ses pneus.

Ce n’est pas non plus, mes collègues élus me pardonneront, en mettant en place des pis-aller comme à Paris à Toulouse ou encore à Lyon, qui géolocalisent les stations de taxis que les collectivités locales aideront les taxis. Outre le fait qu’on en est à la préhistoire du numérique avec ce genre de dispositif, ce n’est pas du tout à ce type de demande que répondent aujourd’hui les Uber. Pas plus que l’installation de tablette n’est bien nécessaire dans les taxis. On est dans l’ordre du gadget.

Mettre en place une réflexion sur le prix des petits trajets, besoin qui est peu comblé par les taxis, surtout pour ceux qui n’ont pas les moyens. Et puis créer place des applications faciles à utiliser, qui fonctionnent correctement (j’ai du faire 14 tentatives pour me géolocaliser correctement sur l’une d’entre elles), qui permettent une évaluation du service, de localiser et qui ne se résument pas à un gadget, qui permettent de commander facilement un véhicule aussi. C’est tout de même surprenant que des géants des centrales de réservation de taxi n’y arrivent pas quand la toute petite équipe de Naveco y arrivent très bien. Tout cela ce serait déjà un grand pas. Et ça permettrait à beaucoup de revenir aux taxis.

A l’Etat aussi de réfléchir à ce système de licence. Et de cesser les atermoiements. Oui ou non Uber Pop est-il légal ? Et si il est légal, ce qui semble le plus rationnel puisqu’il y a une demande des consommateurs et une offre de conducteurs, à quelles conditions fiscales, juridiques et d’assurances ? Et d’ailleurs, s'il est légal, alors (et même si il ne l'est pas, nul ne doit se faire justice lui-même), il faudra donc sanctionner ceux qui commettent des violences à leur égard.

Plutôt que de laisser s’installer un climat barbare, des interdictions et des agressions, il s’agit que chacun se remette en cause. Je vous laisse je vais rater mon bus.

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Romain Blachier

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60-110 sur 61 commentaires
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Larutap le 23/06/2015 à 17:45

trés bien comme article

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