Il y a 40 ans, la création de la Communauté urbaine de Lyon

Il y a 40 ans, la création de la Communauté urbaine de Lyon

Robert Pitiot qui a fait partie des 12 premiers vice-présidents de la Communauté urbaine de Lyon, raconte la création de cette collectivité locale en 1968 qui a bouleversé la vie politique lyonnaise.

Le contexte
“A l’époque, j’étais conseiller municipal de Lyon mais aussi rapporteur général du budget, ce qui me permettait d’assister à toutes les réunions d’adjoints. Depuis 1960, des communes de l’agglomération s’étaient réunies dans un syndicat à vocation multiple présidé par Louis Pradel. Mais seule une trentaine de communes appartenaient à ce syndicat qui avait un budget réduit, ce qui limitait son intervention à des problèmes d’égouts et de voirie. Résultat, il devenait essentiel de créer un autre organisme qui réunisse plus de communes et qui ait des compétences plus larges. D’autant plus qu’on était en plein exode rural avec des communes autour de Lyon qui s’urbanisaient rapidement, en particulier dans l’Est lyonnais avec Bron, Saint-Priest, Vaulx-en-Velin... D’où un manque d’équipements : transports en commun, collèges, gymnases... Autre problème : beaucoup d’habitants de l’agglomération qui travaillaient à Lyon utilisaient les équipements de la ville. Mais les Lyonnais étaient les seuls à financer ces structures. Du coup, les Lyonnais payaient deux tiers des impôts locaux alors qu’ils ne représentaient que 50 % de la population ! C’est pourquoi il fallait aussi créer une Communauté urbaine pour mieux partager les charges entres toutes les communes.
Et en 1966, le gouvernement a lancé un projet de loi pour créer quatre Communautés urbaines : à Lyon, Bordeaux, Lille et Strasbourg. Mais les élus de l’agglomération critiquaient cette loi parce qu’ils avaient peur que les communes perdent leur autonomie mais aussi leur patrimoine immobilier privé au profit de cette communauté urbaine. De plus, on ne voyait pas comment toutes les communes allaient être représentées au conseil de la Communauté urbaine. Enfin, le projet de loi exigeait que les communes d’une communauté urbaine appartiennent toutes au même département. Alors que 16 communes qui étaient dans la zone d’influence de Lyon se situaient dans l’Ain et dans l’Isère.
Du coup, un certain nombre d’élus refusaient tout simplement la création d’une communauté urbaine en préférant l’agrandissement du syndicat à vocation multiple. Avec à leur tête, René Bayet, un conseiller municipal de Lyon qui était président de l’association des maires du Rhône. Au fond, la crainte de ces maires, c’était surtout de perdre leur pouvoir, et de ne devenir qu’un maire parmi d’autres au sein de la Communauté urbaine dirigée par le maire de Lyon. Mais il y avait aussi des maires de gauche, comme Franck Sérusclat à Saint-Fons, qui étaient des adversaires de Pradel et qui ne voulaient pas entrer dans une Communauté urbaine dont il serait forcément le président.
Alors que Louis Pradel, moi-même et des maires de l’agglomération comme Frédéric Dugoujon pour Caluire et Charles Ottina pour Saint-Priest, on était partisans d’une Communauté urbaine car pour nous, seule une Communauté urbaine pouvait obtenir des subventions importantes de l’Etat pour financer de grands équipement dans l’agglomération”

Les personnages
“Louis Pradel, le maire de Lyon à l’époque, s’est beaucoup battu pour la création de la Communauté urbaine. Chauve et de taille moyenne, souriant, c’était un maire simple et populaire mais d’une grande habileté politique. D’ailleurs, il a su écouter les autres maires de l’agglomération pour comprendre leurs attentes et en tenir compte. Ce qui lui a permis de créer un esprit d’équipe à la Communauté urbaine en sachant répartir les compétences entre élus.
Mais il faut aussi parler d’Etienne Gagnaire, le maire socialiste de Villeurbanne, qui a été le premier vice président de la Communauté urbaine. Un type un peu austère et d’une grande intégrité morale car il savait tenir ses engagements. Avec Pradel, il formait un tandem très efficace à la Communauté urbaine : il connaissait à la perfection les dossiers alors que Pradel, lui, était plus un homme de contact et de terrain, à l’aise avec les gens. Résultat, il y avait entre eux une vraie complicité.
Enfin, il ne faut pas oublier un personnage moins connu, Henri Meulet, le secrétaire général de la Communauté urbaine, c’est-à-dire le plus haut fonctionnaire de cette collectivité locale qui avait une autorité naturelle sur le personnel technique et administratif. Tout en ayant la confiance des élus. Bref, c’était la charnière entre les politiques et les fonctionnaires. Une personne très compétente qui avait fait l’Ecole des impôts à Clermont-Ferrand. Sans lui, cette Communauté urbaine n’aurait pas pu fonctionner.”

Les faits
“En décembre 1966, l’assemblée nationale a voté la loi sur la création des Communautés urbaines avec les modifications que les élus lyonnais avaient demandées sur l’autonomie des communes, la gestion de leur patrimoine immobilier et leur représentation au conseil communautaire. Entre temps, la plupart des maires de l’agglomération sont devenus favorables à la Communauté urbaine. Notamment grâce à Louis Pradel, qui a réussi à les convaincre que c’était indispensable pour améliorer la vie quotidienne de tous les habitants de l’agglomération. Mais il fallait aussi intégrer 16 communes dans le Rhône, ce qui s’est fait beaucoup plus facilement avec le vote d’une loi en décembre 1967.
Résultat : en août 1968, 56 communes ont accepté de rentrer dans la Communauté urbaine, sachant qu’à l’époque, la commune de Saint-Rambert n’avait pas encore fusionné avec Lyon. Soit pratiquement un million d’habitants répartis sur 500 km2, de Solaize au sud à Genay au nord, et de la Tour-de-Salvagny à l’ouest à Jonage à l’est.
Mais la Communauté urbaine est vraiment née en décembre 1968 quand les membres de l’exécutif ont été élus. On siégeait alors au Palais des congrès de la Foire de Lyon qui était situé à l’emplacement actuel de la Cité internationale. On ne s’est installés rue du lac qu’en 1976, dans un bâtiment moderne au coeur du quartier de la Part-Dieu qui faisait la fierté de Pradel. Et c’est justement Pradel qui a été élu président haut la main contre Franck Sérusclat, le maire socialiste de Saint-Fons. Ce qui était logique puisque Lyon était à la fois la commune la plus importante de l’agglomération et son centre. Mais ce succès s&r



Le dénouement
“A la différence des trois autres Communautés urbaines qui ont été créées à l’époque, la Communauté urbaine de Lyon a tout de suite bien fonctionné. Avec des projets importants qui ont été réalisés rapidement : le tunnel de Fourvière en 1971, l’aéroport de Satolas en 1975, le métro en 1978... La raison de cette réussite ? Le pragmatisme de Pradel bien sûr, mais aussi une osmose entre les élus et les fonctionnaires, notamment grâce à Etienne Meulet, le secrétaire général de la Communauté urbaine. Sans oublier une bonne entente entre les maires des petites et des grandes communes. Car on essayait d’associer tous les élus aux décisions. Exemple, en tant que vice-président aux finances, je recevais tous les maires des communes de la Communauté urbaine avant de soumettre le budget en assemblée communautaire. Mais il faut reconnaître que la Communauté urbaine a coûté très cher et coûte encore cher. D’autant plus qu’on est passés de 4 000 à plus de 10 000 fonctionnaires aujourd’hui. Mais en trente ans, aucune commune n’est sortie de la Communauté urbaine. Ce qui prouve que cette collectivité a beaucoup amélioré la vie quotidienne des habitants de l’agglomération lyonnaise qui est devenue une des plus attractives de France.”

Propos recueillis par Jean Barbier

Article publié en 2006 dans Lyon Mag

“Rivaliser avec les grandes villes européennes”
Par l'historien Bruno Benoit.

Quelle est l’origine de la création d’une Communauté urbaine à Lyon ?
Bruno Benoit : La loi de décembre 1966 obligeait Lyon mais aussi Bordeaux, Strasbourg et Lille à créer des Communautés urbaines. Car l’Etat voulait rattraper le retard que les grandes villes françaises avaient pris en terme d’infrastructures par rapport à Paris. Or une Communauté urbaine permet à plusieurs communes de s’associer pour réaliser des grands équipements. Mais c’est aussi un moyen pour Lyon de rivaliser avec les grandes villes européennes qui comptent souvent plusieurs millions d’habitants.
Pourquoi Lyon est la dernière ville à réaliser cette Communauté urbaine ?
Parce que les communes de l’agglomération étaient situées sur trois départements : le Rhône, l’Ain et l’Isère. Un héritage de la Révolution française qui a retardé la création de cette Communauté urbaine. De plus, beaucoup de maires avaient peur de perdre leur autonomie en rejoignant une Communauté urbaine. D’ailleurs, au début du XXe siècle, le maire de Lyon, Victor Augagneur, voulait faire fusionner une dizaine de communes périphériques avec Lyon, notamment Villeurbanne, Bron, Caluire, Vaulx-en-Velin... Et ce projet qui avait été violemment rejeté a marqué la mémoire de ces communes.
Les conséquences de la création d’une Communauté urbaine à Lyon ?
La réalisation d’infrastructures importantes dont vont bénéficier les habitants de toutes les communes de l’agglomération : le tunnel de Fourvière, la gare de la Part-Dieu, des hôpitaux...
Mais la Communauté urbaine permet aussi aux communes de l’est lyonnais de mieux être équipées pour rattraper leur retard par rapport aux villes de l’ouest.
Et sur le plan politique ?
Le poids du maire de Lyon, Louis Pradel, est renforcé parce qu’il devient le président de la Communauté urbaine. Et au niveau national, il devient aussi un interlocuteur privilégié du gouvernement sur certains dossiers. Mais ce n’est pas aux dépens des autres maires de la Communauté urbaine qui donne aux élus de toutes tendances l’occasion d’agir ensemble dans l’intérêt général. D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, Raymond Barre et aujourd’hui Gérard Collomb ont renoué avec cette tradition de cohabitation à la Communauté urbaine de Lyon.

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1 commentaire
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Marie Julie le 26/02/2019 à 18:55

En qu'elle année à ue lieu le départ de Mr Meulet de la Communauté Urbaine de Lyon Merci

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