Aménagement du C3 : micmac autour de la procédure d'indemnisation proposée par le Sytral

Aménagement du C3 : micmac autour de la procédure d'indemnisation proposée par le Sytral
Une partie du chantier cours Lafayette - LyonMag

Ce lundi, le Sytral annonçait la refonte de la procédure d'indemnisation amiable destinée aux commerçants qui pâtissent des conséquences économiques du chantier d'aménagement de la ligne C3 sur le cours Lafayette. Même si cette annonce est louable, reste que cette procédure d'indemnisation telle qu'on la connaît pose quelques questions.

Bien que tardive, l'annonce du Sytral a certainement soulagé quelques commerçants lyonnais. Depuis bientôt deux ans, nombreux sont ceux, exerçant sur le cours Lafayette, qui voient leur activité fortement impactée par les travaux d'aménagement de la ligne du C3. Si certains s'en accommodent, pour d'autres, la perte est telle qu'une indemnisation de la part du Sytral aurait été bienvenue.

"Mon activité commence à souffrir. De mois en mois, je vois mon chiffre d'affaires baisser. (…) On a perdu au moins 20 à 25 % de notre fréquentation", avait estimé Sylvain Prévost lors de son passage à LyonMag.

D'autres, sur le cours, évoquent des pertes qui atteignent jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires. Pas étonnant donc, que ces derniers souhaitent solliciter une indemnisation. Mais c'était sans compter sur la complexité de la procédure d’indemnisation amiable proposée et censée éviter les contentieux devant le tribunal administratif ainsi que sur les méthodes parfois douteuses du Sytral.

Mais cela ne serait que du passé, nous a confirmé par téléphone Fouziya Bouzerda, la présidente du Sytral. "Moi, je souhaiterais proposer aux élus du Sytral, au prochain comité, un allégement de la procédure afin de ne pas imposer la saisine du tribunal ou la désignation d'un expert judiciaire. Si les élus me suivent, les commerçants pourront déposer un dossier avec des pièces administratives et comptables pour instruire et justifier".

Pourtant, les commerçants ne sont pas crédules. Sylvain Prévost nous a confié sentir "que tout ceci n'est que de la communication, d'autant plus que rien n'est actuellement voté." Avec un comité syndical tous les deux mois et le dernier ayant eu lieu début février, cette nouvelle procédure ne sera en effet pas entérinée avant avril. Soit seulement quatre ou cinq mois avant la fin des travaux annoncée ce lundi et qui devrait intervenir avec quelques mois d'avance sur le calendrier initial. Il est donc moins probable que des commerçants initient des demandes d'indemnisation amiable une fois que cette nouvelle commission sera effectivement instaurée.

"Ne pas ouvrir la boîte de Pandore"

Mais avant d'annoncer ce changement de stratégie, le Sytral a semble-t-il tout fait pour ne pas avoir à indemniser les commerçants du cours Lafayette. Si la complexité de la procédure peut, de prime abord, en décourager la plupart, ce n'est là pas l'unique écueil que ces commerçants ont pu rencontrer.

Nombre de professionnels se sont sentis totalement abandonnés, alors que la communication du Sytral a bien souvent été légère. "La communication est nulle, et même avec nous. C’est-à-dire que parfois on n'est pas au courant des trucs. (…) Ce chantier est une vaste fumisterie, tout ça pour un truc qui ne servira plus à rien", nous a confié un proche de Pascal Blache, le maire du 6e arrondissement. Un sentiment partagé par Sylvain Prévost, qui assure avoir eu "très peu de contact" avec le syndicat mixte. Même son de cloche pour la gérante de la pharmacie Lafayette, qui regrette "le manque d'informations données par le Sytral, notamment sur les délais de chantier".

Même le médiateur nommé par le Sytral a, semble-t-il, brillé par son absence. Un second doit être désigné. Mieux vaut tard que jamais, paraît-il. La présidente du Sytral, elle, rappelle qu"'il est à disposition des commerçants, qui ont sa ligne directe. Et moi, qui reçois des courriers pour tous les chantiers, je n'ai reçu que deux courriers de commerçants et pas plus. " Une stratégie quelque peu attentiste, donc.

Autre fait étonnant, la manière avec laquelle l'autorité qui gère les TCL présente la procédure d'indemnisation. Dans un courrier signé de la main de Fouziya Bouzerda, que LyonMag s'est procuré et reproduit ici, il est expliqué que "les frais d'expertise souvent mis à la charge du demandeur (estimés à environ 7 000 € TTC) ne sont remboursés par le Sytral qu'en cas d'octroi d'une indemnité." Un montant très certainement basé sur l'expertise facturée à Nils Girard – un commerçant qui a lancé une procédure – mais qui reste néanmoins hasardeux annoncé tel quel.

Le coût d'une expertise judiciaire peut en effet varier très fortement en fonction de différentes contraintes. Une donnée confirmée par le tribunal administratif de Lyon. Ce dernier rappelant "qu'il est impossible, en amont, de définir le coût d'une opération d'expertise, qui comme je vous l'indiquais, dépend de très nombreux facteurs difficiles à anticiper."

D'après Fouziya Bouzerda, le Sytral ne se serait pas essayé à ce genre d'estimation. "Ça me semble surprenant (…) que ce soit nous qui estimions", a reconnu cette dernière, alors que le courrier est signé de sa main. Ceci tend à confirmer l'hypothèse selon laquelle tout est fait pour ne pas avoir à indemniser les commerçants. Par ailleurs, un membre de cette commission d'indemnisation nous a expliqué que "le Sytral n'a pas de politique d'indemnisation a priori. Il n'indemnise que sous la contrainte." Et d'ajouter que le syndicat se refuse à indemniser pour "ne pas ouvrir la boîte de Pandore."

Une commission juge et partie ?

Aussi, le fonctionnement de la commission d'indemnisation peut être pointé du doigt. Une commission instaurée par Annie Guillemot, ancienne présidente du Sytral et reconduite lors du comité syndical du 13 octobre 2017 par Fouziya Bouzerda, quelques jours après l'élection de cette dernière à la tête de l'organisation. D'après cette dernière, seul un dossier y a été déposé, celui de Nils Girard. Dans son rapport, l'expert judiciaire conclut que "les baisses de chiffre d’affaires de la société ESPACE CAMERA (…) susceptibles d’avoir été causées par les travaux réalisés par le SYTRAL à proximité de son magasin ont été estimées à 3 986 euros s'agissant des ventes réalisées sur place en boutique [et] 5 683 euros s'agissant des ventes réalisées à distance via son site internet." Ce qui correspond, toujours selon l'expert, à une baisse de résultat de 4 564 euros.

Pourtant, lors du vote de la commission, un avis défavorable a été émis. Il faut dire que l'objectivité de cette dernière peut être contestée en certains points. Elle est en effet composée de six élus du Sytral, auxquels il faut ajouter les présidents de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), de la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) et le comptable public du syndicat. Soit de nombreuses voix pour aller dans le sens du Sytral.

D'autant plus que, le jour du vote sur le dossier de Nils Girard, si Stéphane Guilland (élu LR) et le représentant de la CCI sont les deux seuls à avoir voté en faveur d'une indemnisation comme leur rôle le suppose, ce n'est pas le cas de la CMA. Ou du moins de l'élu à qui la CMA a donné son pouvoir, qui est de fait un membre du Sytral. Par ailleurs, si l'avis de la commission n'est que consultatif et que la décision finale revient à l'exécutif, Nils Girard reste aujourd'hui sans réponse. Une réponse qu'on lui avait pourtant promise pour mi-janvier. Par téléphone, la présidente du Sytral se veut rassurante : "On va regarder. On va faire en sorte qu'il ait une réponse."

Si la présidente du Sytral a annoncé ce lundi des changements dans la gestion des demandes d'indemnisations, reste que cela intervient tardivement. Certaines lacunes, tant en termes de relations avec les commerçants ou sur cette épineuse question des indemnisations peuvent en effet être pointées du doigt. À voir si les changements annoncés par Fouziya Bouzerda sont réellement suivis d'effets.

Mais en attendant, les commerçants, eux, ont lancé en février une pétition afin de demander "une indemnisation forfaitaire de 10 000 euros ainsi que la prise en charge du préjudice économique." Pas sûr que cela ne soit suffisant pour ouvrir la boite de Pandore.

Au cœur de ce conflit entre le Sytral et les commerçants, il y a aussi peut-être la double casquette de Fouziya Bouzerda qui, en plus de ses fonctions au Sytral cumule le poste d'adjointe au Commerce à la Ville de Lyon. Et malgré des exonérations de redevance d'occupation commerciale, la casquette est peut-être un peu lourde à porter.

Valentin d'Ersu

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9 commentaires
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@vendeur de rêve le 16/03/2018 à 14:02
Toujours le fric ? __ et sa censure a écrit le 16/03/2018 à 13h07

Vous confondez la mesure que chacun doit établir, avec l'outil monnaie.

Sans monnaie, vous mangeriez uniquement des gâteaux pour repas ? Non. Cela nuirait à votre santé. Et bien ce serait la même chose pour le reste des consommations.

Sans monnaie vous auriez 3, 4 ou 5 voitures ? Vous passeriez juste pour un gaspilleur, ou un malade qui collectionne parce qu'il a peur de perdre. Vous auriez l'image inverse du monde actuel qui glorifie celui qui accumule sans l'usage.

La mesure est un établissement de valeurs dominantes dans nos têtes. Et la non utilisation de monnaie ne fait pas disparaître cette mesure, cet équilibre là.

Toujours dans votre monde irréel impossible PM
.dans le cas présent on est en présence d un préjudice de perte de chiffre d affaire mesurable qui ne peut se régler qu avec un instrument de mesure monétaire et pas une réputation simplement de "responsable immoral" comme vous le suggérer dans un londe de bisounours et qui ne changerait en rien le fait de pouvoir remettre en situation les victimes comme si les dommages n avaient pas eu lieu:la monnaie est autant un instrument de mesure et de responsabilité que vous le vouliez ou pas
"article 1240du code civil dit que quiconque occasionne un dommage doit le réparer selon une indemnisation mesurable et vérifiable"pas avec des excuses plates de votre monde déresponsabilisant et de paresse

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Toujours le fric ? __ et sa censure le 16/03/2018 à 13:07
réparation légitime des dommages a écrit le 15/03/2018 à 18h50

une vie sans mesure (monnaie) des responsabilités: quel capharnaüm ce serait dans votre imaginaire!

Vous confondez la mesure que chacun doit établir, avec l'outil monnaie.

Sans monnaie, vous mangeriez uniquement des gâteaux pour repas ? Non. Cela nuirait à votre santé. Et bien ce serait la même chose pour le reste des consommations.

Sans monnaie vous auriez 3, 4 ou 5 voitures ? Vous passeriez juste pour un gaspilleur, ou un malade qui collectionne parce qu'il a peur de perdre. Vous auriez l'image inverse du monde actuel qui glorifie celui qui accumule sans l'usage.

La mesure est un établissement de valeurs dominantes dans nos têtes. Et la non utilisation de monnaie ne fait pas disparaître cette mesure, cet équilibre là.

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LoL le 16/03/2018 à 12:29
JPS a écrit le 16/03/2018 à 11h21

Est-ce que les commerçant reverseront une part de leurs bénéfices lorsque le cours Lafayette sera devenue une artère calme et accessible?

Quelle blague...
Le cours Lafayette restera un enfer pour les piétons, les cyclistes et les automobilistes.
Parce que c'est le projet de la Métropole...
Bientôt cours Vitton !

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JPS le 16/03/2018 à 11:21

Est-ce que les commerçant reverseront une part de leurs bénéfices lorsque le cours Lafayette sera devenue une artère calme et accessible?

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Subjective POV le 16/03/2018 à 08:19
râleurs a écrit le 16/03/2018 à 07h35

Les commerçants sont bien entendus toujours présents pour se plaindre!!!
Heureusement qu'il existe des procédures pour demander une indemnisation. Il faut que les revenus antérieurs aient bien été déclarés, et justifier d'une baisse significative due au chantier.
Il s'agit d'argent public alors merci à tous d'être prudent dans sa gestion.

J'aimerais vous y voir ! Essayez de tenir un commerce avec des barrières tout autour pendant deux ans sans vous "plaindre". Un commerçant, ce n'est pas comme un salarié, il n'a pas son salaire qui tombe automatiquement à la fin du mois. S'il ne peut pas faire son chiffre, il n'a pas de salaire.

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râleurs le 16/03/2018 à 07:35

Les commerçants sont bien entendus toujours présents pour se plaindre!!!
Heureusement qu'il existe des procédures pour demander une indemnisation. Il faut que les revenus antérieurs aient bien été déclarés, et justifier d'une baisse significative due au chantier.
Il s'agit d'argent public alors merci à tous d'être prudent dans sa gestion.

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cumularde le 16/03/2018 à 06:37

Un peu légère l'avocate...et beaucoup de communication :)

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réparation légitime des dommages le 15/03/2018 à 18:50
Toujours le fric ? __ a écrit le 15/03/2018 à 17h48

C'est fou ce que ça peut faire perdre de temps de s'occuper de cet outil merveilleux... Bonne guerre aux belli - gérants !

une vie sans mesure (monnaie) des responsabilités: quel capharnaüm ce serait dans votre imaginaire!

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Toujours le fric ? __ le 15/03/2018 à 17:48

C'est fou ce que ça peut faire perdre de temps de s'occuper de cet outil merveilleux... Bonne guerre aux belli - gérants !

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