Submergés de pigeons et de fiente, des résidents de HLM à bout près de Lyon

Submergés de pigeons et de fiente, des résidents de HLM à bout près de Lyon
Pigeons sur un des toits de la résidence - Photo d'une habitante

Depuis près de huit ans, des locataires de la résidence Paul Debat, à Bron, envahis par les pigeons, mènent un combat pour faire entendre leurs voix auprès de la mairie et de Grand Lyon Habitat, leur bailleur social.

Amas de fiente, nids, naissances de pigeonneaux et cadavres de pigeons, les locataires des 206 et 208 avenue Franklin Roosevelt y sont confrontés tous les jours. Cela fait des années que ces habitants lancent des signaux d'alertes, en vain. Malgré l'installation par Grand Lyon Habitat, unique bailleur social de cet ensemble de logements sociaux, de quelques "piques à pigeons", la situation ne bouge pas et les locataires n'en peuvent plus. Parmi ces logements (environ 150), une cinquantaine sont touchés depuis une dizaine d'années par un développement soutenu d'une population de pigeons nichant sous leurs toits et sur leurs balcons

"La situation […] empire d'années en années"

Selon une habitante, arrivée dans la résidence en 1987, les premiers cas de pigeons remontent à 2007. Or, "la situation s'est dégradée depuis huit ans et empire d'années en années", précise Marc Dubief, conseiller municipal de l'opposition, apportant son soutien aux résidents depuis 2014.

A l'origine de la propagation, une agence immobilière, ayant déménagé entre temps, est pointée du doigt par plusieurs habitantes : "l'agence Century 21 située en bas de l'immeuble avait installé une clim sans autorisation, laissant les pigeons y nicher et y proliférer", rapporte l'une d'entre elles. Cependant, la responsabilité de l'agence dans la situation actuelle n'est pas pour autant avérée. D'autres évènements pourraient aussi expliquer la venue des volatiles. Certains passants auraient nourri par le passé ces pigeons à proximité de la résidence Paul Debat. Le tout aurait également été alimenté par une mauvaise gestion des ordures : "il y a un supermarché au pied de la résidence qui laisse ses ordures à l'extérieur avec le capot la plupart du temps ouvert et les pigeons viennent se servir à l'intérieur. En plus de cela les éboueurs ne passent pas très souvent et ramassent mal les déchets", explique l'une de ces Brondillantes touchées par l'invasion.

Amas de fientes au pied de l'immeuble, à l'endroit où était située la clim - LyonMag

De la fiente étendue sur les terrasses et des habitants vivant dans le noir

Quotidiennement, la cohabitation avec les pigeons est compliquée pour les locataires de Paul Debat : "on sent les gens à bout. Certains vivent toute l'année dans le noir", constate Marc Dubief. En effet, pour se protéger de ces "oiseaux des villes", certains résidents ont étendus des draps sur leur balcon pour qu'ils restent intacts, empêchant le moindre rayon de soleil de pénétrer dans leur appartement. "Le soir, c'est le seul moment où je peux ouvrir mes fenêtres car les pigeons sont en train de nicher, donc ils ne rentrent pas. Du coup le matin je me lève à 6h pour tout fermer. Puis à 11h, quand je cuisine, ils se précipitent tous. Dans ces moments-là, il m'est arrivé d'en retrouver dans mon appartement", explique cette maman de quatre enfants. "La nuit je suis obligée de mettre des boules Quies pour dormir", ajoute une autre habitante, dérangée par le roucoulement des volatiles et le bruit de leurs pattes grinçant sous la toiture.

En plus des nuisances sonores, l'odeur de la fiente, abondamment répartie sur les terrasses des particuliers, est un calvaire pour les locataires. Afin de neutraliser les odeurs et garder leurs terrasses propres, chacun trouve ses méthodes pour son logement : "moi j'utilise de l'eau de javel pour faire mes sols et mon gendre est venu passer un coup de Kärcher pour décoller le tapis de déjections. Mais certains habitants vont jusqu'à utiliser de l'ammoniac voire jusqu'à tenter d'attraper des pigeons. Après je ne sais pas ce qu'ils en font", explique cette même dame, locataire depuis 25 ans.

Un impact sur la santé de certains Brondillants du 206 et 208 de l'avenue Franklin Roosevelt est même fortement soupçonné. La présence des pigeons aurait pu aggraver le cas de certains habitants asthmatiques mais également participer au développement d'hépatites au sein d'un logement. Mais aucune étude qui expliquerait un lien de corrélation n'a été menée à ce jour.

Pigeonneaux chaudement installés dans des pots de fleurs remplis de fiente sur la terrasse d'un logement – Photo d'une habitante

La mairie se dédouane de toute responsabilité

Ne pouvant pas vivre dans ces conditions, certains résidents se sont rapidement mobilisés pour faire valoir leurs droits auprès de la mairie de Bron. "Depuis 2010, on saisit la mairie. Jamais la mairie n'a fait quoi que ce soit ! Nous les avons menacés récemment sur le plan pénal, mais ils ne nous prennent pas au sérieux", s'offusque l'une de ces résidentes. Pétitions, réclamations ou encore reportages photos, tout a été tenté pour faire réagir l'un des deux acteurs. La mairie répond à ces sollicitations sans apporter de réponses concrètes et se contente de répliquer par des copier-coller des lettres précédentes. Dans ces courriers que nous nous sommes procurés, la Ville se présente pourtant comme "soucieuse du bon fonctionnement de la vie des Brondillants". Mais ce n'est pas pour autant qu'elle a agi contre les pigeons dans ces logements sociaux.

"Il y a une sorte d'omerta autour de cette résidence. Je ne comprends pas que rien ne soit fait pour ces logements sociaux. C'est un peu comme si, de par leur situation, les résidents n'avaient rien à dire. Or, il n'y a pas de sous-résidents comme il n'y a pas de sous-citoyens !", déplore Marc Dubief : "il n'y a pas de manque de moyens qui justifie l'inaction de la mairie. Cette dernière aurait également pu prendre une mesure d'urgence obligeant le bailleur à régler le prix [des éventuelles interventions]", précise le conseiller municipal de l'opposition de Bron.

Après avoir été sollicitée à de multiples reprises, la mairie de Bron, a finalement décidé de décliner toutes nos demandes de rencontre. "Nous n'avont pas grand-chose à vous dire sur cette question parce qu'elle touche surtout le propriétaire qui est Grand Lyon Habitat. Nous, nous sommes en relation avec Grand Lyon Habitat qui, à ma connaissance, va cette semaine intervenir de façon plus importante que les actions déjà effectuées, qui n'ont jusqu'alors pas porté leurs fruits. Donc dans le courant de la semaine, il y aura une entreprise qui va intervenir pour la capture des volatiles", assure-t-on du côté de la ville. Mais alors qu'en est-il du côté de Grand Lyon Habitat ?

Grand Lyon Habitat estime faire un travail qui n'est pas le sien

Nous avons donc rencontré le directeur général de Grand Lyon Habitat, Daniel Godet, afin d'en savoir un peu plus. Ce dernier retourne la responsabilité vers la mairie de Bron : "on a saisi l'agence [Grand Lyon Habitat] de Vaulx-en-Velin pour qu'elle alerte la mairie. Malheureusement, nos sollicitations ont plus ou moins été entendues. Il y a une réticence du côté de la mairie pour des raisons que j'ignore. Depuis quelques mois on discute avec la mairie. On a jusqu'alors considéré que c'était à elle de prendre ses responsabilités, parce que ça dépasse nos compétences. Comme ce problème est récurent, on est intervenus [par le passé] à plusieurs reprises pour mettre en place des dispositifs. Nous avons par exemple installé des "piques à pigeons". Le bailleur social avait également opéré un unique nettoyage de la descente donnant sur les garages de la résidence.   

"On a découvert la situation [actuelle] dans le Progrès et de par une lettre d'une locataire qui nous est parvenue le 28 avril dernier. Vues les proportions de la situation on s'est dit 'on y va, s'il y a des risques sanitaires alors on le fait'". Cette lettre, les locataires l'avaient déjà envoyée en avril à Agnes Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, à Stéphane Bouillon, préfet du Rhône, au directeur de la CPAM Lyon, à Jean-Michel Longueval, maire de Bron et Daniel Godet, président général de Grand Lyon Habitat. Cette dernière faisait suite à une pétition signée par 53 résidents. Cependant, ce courrier n'était pas le premier à faire état de la situation actuelle. Une autre lettre envoyée par une habitante à Grand Lyon Habitat le 27 juillet 2017 prouve que le bailleur social était au courant depuis bien longtemps de la situation telle qu'elle est décrite dans l'article. A l'époque, Grand Lyon Habitat indiquait qu'"une action concertée pourrait être envisagée [avec la mairie de Bron]".

Outre cet épisode, Daniel Godet l'assure : "la prise de conscience est suffisante. Il faut qu'on sorte de cette situation par le haut dans le souci du respect de nos locataires. Nous avons donc pris l'initiative de faire venir un fauconnier et la mairie semblerait être d'accord. Nous pensons également passer commande pour envoyer une entreprise de nettoyage qui mettrait au propre les balcons. On espère avoir pu traiter la situation d'ici la fin de l'année. On va demander à la mairie de prendre en charge la moitié des frais".

Afin de justifier quelque peu l'inaction de Grand Lyon Habitat ces derniers mois, le directeur général défend que : "si ça a traîné, c'est parce que l'Etat a fait voter une loi de finance qui pénalise les HLM pour compenser la baisse des APL. Malgré cette loi, on sait qu'on a sauvé Paul Debat en termes d'investissement. Et maintenant on vise à réhabiliter la résidence. En effet, ces logements sont super bien situés, n'ont pas bougé depuis des années et nous avions pour projet d'engager une réhabilitation des bâtiments".

Daniel Godet nous a d'ailleurs confié, qu'après réhabilitation, "la vente d'une partie des logements serait proposée aux locataires".

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34 commentaires
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helam38 le 04/06/2018 à 11:22

erratum : il n'y a pas de nourrissage de pigeons par les locataires, les pigeons se ruent vers les poubelles après leur vidage par les éboueurs.

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Le grand bond en avant le 04/06/2018 à 11:14

Il suffit de mettre un chat sur le balcon.

Quant aux fiente, les récupérer pour vendre comme engrais azoté. C'est un engrais très riche.

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Enzo le 04/06/2018 à 10:24

Habitant dans un logement social, je vois le niveau de propreté de certains habitants en regardant simplement au pied de l'immeuble: certains jettent leurs déchets par la fenêtre !
Avec de telles populations, les pigeons sont ravis !

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Mauvais locataires ! le 04/06/2018 à 09:57

Si certains locataires ne donnaient pas à manger aux pigeons, je pense que l'on ne rencontrerait pas ce type de problème.
A la Duchère, nous avons le même problème, les locataires donnent à manger sur les rebords des fenêtres, ou jettent leurs déchets par les balcons.
Malgré un rappel à l'ordre du bailleur SACVL, ils continuent.
Il faut que les bailleurs soient plus vigilant et méchant envers ces mauvais locataires.
Les autres subissent de plein fouet tous ces désagréments.
Un rappel à la réglementation du locataire n'est plus suffisant.

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