Historiquement, Lyon a toujours été la capitale française de la soie. Du moins, après 1530 et le choix de François 1er d'en faire sa base arrière durant les guerres d'Italie. Le roi avait ensuite donné à la ville le privilège d'être la seule du royaume à pouvoir tisser de la soie. Le système de cour mis en place par Louis XIV à Versailles, attachant beaucoup d'importance à l'apparence, avait fait exploser la demande et Lyon attirait beaucoup de main d'oeuvre venue des campagnes voisines, du Beaujolais, du Bugey et du Dauphiné.
Au début du XVIIIe siècle, le tissage de la soie est encadré par deux organisations professionnelles : la Confrérie et la Fabrique de la soie. Elles règlent les rapports entre les marchands et les travailleurs de la soie, maintenant avec succès la paix sociale. D'autant que tout le monde ou presque peut prétendre accéder au statut de marchand-fabricant.
Or, en 1744, ces mêmes marchands-fabricants vont obtenir du roi qu'il modifie certaines règles. Ce qui va bloquer toute possibilité d'ascension sociale et provoquer la colère de ceux qui en sont subitement exclus.
La Fabrique de la soie était organisée de la manière suivante. En haut de la hiérarchie, il y avait environ 300 marchands-fabricants qui achetaient le fil de soie pour le faire tisser dans les ateliers puis revendre les pièces à leurs clients, les aristocrates français et européens.
Juste en dessous existait la catégorie originale des marchands-ouvriers. Environ 500, ils étaient propriétaires de leurs ateliers et pouvaient aussi vendre les pièces confectionnées.
Puis venaient les 5 à 6000 maîtres-ouvriers, des chefs d'atelier à la tête d'un ou de plusieurs métiers à tisser, sans droit de vendre ce qu'ils fabriquent.
Et enfin, sous leurs ordres, des milliers de compagnons, de femmes et d'enfants.
Quant à la Confrérie de la soie, c'est une association religieuse créée en 1554 qui réunit marchands-fabricants, maîtres-ouvriers mais excluent les femmes et les compagnons.
La cupidité des marchands-fabricants
Les marchands-fabricants menaient un travail intense de lobbying auprès de la monarchie depuis le début du siècle pour bloquer l'ascension sociale des ouvriers. Premier succès avec l'obtention de l'arrêt du conseil du roi le 8 mai 1731 qui interdit de cumuler les fonctions d'ouvrier et de marchand…
Dans un premier temps, les maîtres-ouvriers répliquent en tentant de convaincre à leur tour le roi Louis XV. Ils envoient un notaire lyonnais, Me Etienne Saulnier, qui obtient en 1737 que deux des quatre courriers de la Confrérie de la soie soient à nouveau des maîtres-ouvriers. Et que la moitié des postes de maître-garde de la Fabrique soient aussi choisis dans leurs rangs.
Mais les marchands-fabricants ne se laissent pas faire car ils veulent garder toute latitude sur le montant des salaires. Ils envoient plusieurs mémoires au souverain, lui expliquant qu'ils ont un statut supérieur de par leur éducation et que les maîtres-ouvriers n'agissent que pour détourner l'argent de la Confrérie.
Convaincu par ces derniers, le Bien-Aimé impose que les quatre courriers soient des marchands-fabricants et que la Fabrique reste entre leurs mains. Ce qui va pousser les travailleurs de la soie à se révolter.
Ce ne sont pas leurs conditions de travail, pourtant précaires avec 12 à 13h par jour entassés dans de petits appartements, qui les poussent à agir. Ni même le chômage, très faible à cette époque.
Début juillet 1744, Bertrand René Pallu, intendant du roi à Lyon, distribue le nouveau règlement à 1500 exemplaires. Tout semble calme mais les maîtres-ouvriers et les ouvriers de la soie sont en train de s'organiser lors de réunions discrètes dans les cabarets des faubourgs de Lyon, particulièrement à la Guillotière, alors en dehors de la ville et appartenant même au territoire du Dauphiné. Ou encore à Vénissieux.
Les maîtres-ouvriers qui organisent ces rassemblements sont ceux qui avaient envoyé le notaire Saulnier pour négocier avec le pouvoir royal. Ils savent lire, écrire et ont l'habitude de diriger des compagnons. Toutefois, aucun véritable meneur ne se détache, le mouvement est spontané et large.
Ces réunions se succèdent pendant un mois. Et le 3 août, dans une auberge de la montée de Choulans, une centaine de taffetassiers décident de lancer une grève générale.
Presqu'un Lyonnais sur deux en grève
Le mouvement est très suivi, car les grévistes passent dans tous les ateliers lyonnais et menacent d'une amende les chefs d'atelier et les ouvriers qui continuent de travailler. Le mécontentement est si fort que cela se fait sans violence, et les rangs des grévistes s'étoffent rapidement.
Dès le 4 août, plus de 1000 ouvriers cessent de travailler. Et ils sont vite des dizaines de milliers. De quoi paralyser toute la capitale des Gaules, qui avait le travail de la soie pour principale activité à l'époque. Un Lyonnais sur deux travaillait dans la soie, soit 50 000 personnes. C'était la plus forte concentration d'ouvriers en Europe !
Lyon était dirigée par le Consulat, composé de quatre échevins et d'un prévôt des marchands, généralement recruté parmi les marchands-fabricants. A l'époque, le prévôt était Jacques Claret de la Tourette de Fleurieu, un aristocrate de 46 ans qui avait mené jusque-là une vie assez tranquille de rentier.
Débordé, pas préparé à un tel évènement, il fait placarder des affiches dans les rues le 5 août, interdisant toute manifestation. Sauf qu'il ne dispose que de 70 hommes armés avec la compagnie du guet, une milice bourgeoise mal armée habituellement chargée de surveiller Lyon la nuit.
Quant au gouverneur militaire, le duc de Villeroy, issu de la haute noblesse, il passe plus de temps à Versailles qu'à Lyon où il ne dispose d'ailleurs d'aucune troupe.
Jacques Clauet de la Tourette de Fleurieu envoie tout de même la compagnie du guet et le corps des arquebusiers à la Guillotière pour rafler une dizaine d'ouvriers grévistes, arrêtés au hasard. A leur retour à Lyon par le pont de la Guillotière, ils tombent sur une centaine de femmes qui leur lancent des pierres. Obligée de relâcher les prisonniers, la milice vient de donner naissance à une émeute.
Le peuple devient maître de la rue avec des milliers de travailleurs de la soie qui donnent des sueurs froides aux bourgeois se rappelant de la Grande Rebeyne de 1529 et de ses pillages.
Dès le 6 août, tous ceux dont l'activité est liée à la soie se mettent aussi en grève : les crocheteurs, les transporteurs de colis, les teinturiers, les charpentiers qui construisaient les métiers à tisser… Une grande partie de la population soutient le mouvement, ainsi que les jésuites et les chanoines de la cathédrale Saint-Jean, souvent par opposition au Consulat. Les négociants ne travaillant pas dans la soie et jalousant la fortune et le pouvoir des marchands-fabricants aident également les grévistes, l'un d'eux ira jusqu'à prêter un immeuble pour leur permettre de se réunir.
L'intendant de Lyon Bertrand-René Pallu écrit le 6 août au Contrôleur général des finances qui faisait partie du Conseil du roi. Il réclame l'abolition du nouveau règlement pris qui écartait les maîtres-ouvriers de la Confrérie de la soie : "Je vous supplie à genoux de suspendre l'édit de 1744. Les ouvriers de la soie sont actuellement les maîtres de Lyon, ils nous donnent la loi parce qu'ils sont en très grand nombre".
Sans même attendre la réponse du pouvoir royal, il va suspendre le règlement le 7 août pour revenir à l'ancien.
L'effet est immédiat, car dès le 9 août, les ouvriers se remettent au travail. Il n'a fallu que quatre jours de grève, sans pillage ni violence, pour obtenir ce qu'ils réclamaient.
Mais le pouvoir royal ne supporte pas que des sujets rejettent son ordonnance. Et six mois plus tard, le règlement favorable aux marchands-fabricants est rétabli.
Mieux préparé, le roi envoie ensuite en janvier 1745 une armée de 300 hommes avec le comte François de Gélas de Lautrec à sa tête. Un maître-ouvrier et un crocheteur, dénoncés comme étant des meneurs des grévistes, sont arrêtés et pendus sans aucun procès à l'entrée du pont de la Guillotière. Et quelques dizaines d'ouvriers sont envoyés aux galères à La Rochelle.
Toujours aussi mal organisés, les ouvriers savent qu'ils ne peuvent plus se battre sans risquer de lourdes pertes.
La révolte de 1744 est un évènement fondateur pour le peuple lyonnais qui a pris conscience du pouvoir de la grève générale, une arme redoutable jamais utilisée auparavant par les travailleurs de la soie.
En 1786, les ouvriers se soulèveront à nouveau lors de la Révolte des deux sous, cette fois pour obtenir une augmentation du tarif, c'est-à-dire du prix payé pour une pièce tissée. Et trois ans plus tard, la France fera sa Révolution.
l homme est un lou-loup pour l homme
Signaler RépondreVous avez raison sur le fond , en 2018 , je suis rentré aux urgences un samedi matin et j’ai été sauvé par miracle un lundi par un chirurgien altruiste qui n’a pas hésité comme certains a le descendre au bloc opératoire pour me sauver la vie en catastrophe. Une autre chirurgienne n’a pas voulu m’opérer de leur de me rater , en gardant une paralysie faciale , elle fait , cette personne m’aurait laisser mourir malgré son serment d’hypocrite.
Signaler RépondreJe remercierai jamais assez ce chirurgien qui à rassurer ma famille , qui me voyait déjà mort , à cause de cette spécialiste incompétente, qui leur avait en plus raconter n’importe quoi sur mon état de santé dégradée. Comme quoi , certaines personnes ont le pouvoir de vous sauver la vie quand d’autres font tous pour vous détruire et vous laisser mourir.
Certes , mais ils sont juste des là, pour tester votre humanité. Certains partagent le pain avec le mendiant pour s’élever dans l’univers , d’autres le garde pour Que pour eux sans partage, mais finissent toujours un jour par s’étouffer avec , tel est le prix à payer pour être démoniaque.
Signaler Répondrequi elevent l esprit humain,ce qui n enleve rien au fait qu on est poussiereS...et d autres passifs et feignants comme des couleuvres...
Signaler RépondreQue dire ? Juste que l’être humain a toujours été Cupide , avide d’argent et à même été capable d’exploiter sa propre Famille et ses propres enfants pour des richesses qui n’ont jamais été partagés mais bien Confisqués par une infime minorité de trou de cul qui se prenaient pour des Dieux vivants, alors qu’ils n’ont été QUE poussière est sont retournés à la poussière .
Signaler Répondretout à fait...
Signaler Répondreen faveur d une communaute ,au detriment d une autre,ce qui a manifestement de bien lourdes consequences , deshinibant tous les cerveaux dejà fragilises de certains fanatiques bien electrises...
Signaler Répondre"de par" et non "de part" mais cela n'en est pas moins interessant :-)
Signaler Répondredecision d entreprendre la defense des interets d une certaine theocratie...
Signaler RépondreParole toute droit sortie de la bouche d'un mec qui n'a jamais rien foutu de sa vie ...
Signaler RépondreC'est pour ça qu'il n'y a plus de gauche... parce qu'il n'y a plus de travailleurs.^^
Signaler RépondreToute une histoire...merci pour ce rappel de notre histoire lyonnaise...
Signaler RépondreDeux erreurs :
Signaler Répondre1 — Les prévôts des marchands étaient tous nobles de naissance et n'avaient rien de commun avec le monde de la Fabrique
2 — ll faut lire Claret de la Tourette (et non Clauet)
Précisions complémentaires :
Les anxiétés des ouvriers étaient aussi relatives à la mécanisation des métiers, et le célèbre Vaucanson, constructeur d'automates, dut s'enfuir de Lyon.
Le marquis de Lautrec qui mena la répression était un spécialiste du rétablissement de l'ordre ; en 1744, il venait d'intervenir à Genève sur demande des autorités de cette république. Si cette répression n'eut lieu à Lyon que très tardivement, en 1745, c'est que les autorités avaient cru pouvoir jouer l'apaisement en 1744, mais qu'une seconde émeute avait eu lieu en 1745, provoquant cette fois une réaction immédiate.
Tous des faineants ces ouvriers. Ça n'a pas changé.
Signaler RépondreLes ouvriers, devenus denrée rare en France depuis l'ouverture de la Chine et le capitalisme mondial à outrance, où social comme chez nous et profits exagérés ne font pas bon ménage...
Signaler Répondreces personnes travaillaient énormément et respiraient des vapeurs nocives
Signaler RépondreDans la série des révoltes populaires de l'Ancien Régime. En parallèle, il y a eu toutes les révoltes des croquants dans le Sud Ouest. Les temps ont changé, Les ouvriers sont moins nombreux dans la population et moins unis. Il y a de plus en plus d'employés dont les aspirations sont différentes. Il n'y aura sans doute plus de révoltes ouvrières. Mais l'avenir reste ouvert, on ne peut savoir ce qui se produira dans les années qui viennent.
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