Faluchard un jour, faluchard toujours

Faluchard un jour, faluchard toujours
Photo d'illustration - LyonMag

Dans la grande famille des confréries étudiantes, la faluche occupe une place prédominante.

On lui prête des rites secrets, et certains la regardent d’un oeil circonspect : souvent jugée à tort et à travers, elle n’a pourtant rien de sectaire. Plongée dans cette grande histoire qu’est celle des faluchards (article initialement paru dans LyonMag - Décembre 2023).

Si l’oeil non aiguisé ne voit sur leur tête qu’un béret en velours noir recouvert de bric et de broc plus ou moins clinquants, c’est en réalité
toute une histoire qui se cache derrière cet étrange couvre-chef.

L’association Falus (Faluchards Associatifs Lyonnais Unifiés et Solidaires) nous a reçu dans l’un de ses fiefs attitrés. Niché rue de la Baleine, dans la pénombre du Vieux Lyon, ce bar accueille à intervalles réguliers les "apérals" de l’association, petites sauteries durant lesquelles se réunissent les porteurs de béret de toutes filières d’études confondues. Une pinte à la main, arborant fièrement leur faluche, ils racontent ce que représente pour eux ce symbole étudiant à l’existence pluriséculaire.

Inventée lors du huitième centenaire de l’université de Bologne en 1888, la faluche est née d’un désir de rassembler les étudiants français sous une même enseigne (crânienne) : si les Italiens avaient leur feluca et les Allemands leur propre version imprononçable, pourquoi pas les Français ?

Dans l’émulation estudiantine internationale de l’événement, le mouvement est créé : bien qu’il ait connu ses hauts et ses bas,
notamment lors des guerres mondiales et du Covid, il souffle cette année sa 135e bougie.

L’un des secrets de sa longévité ? "Elle ne se réclame d’aucune appartenance politique, religieuse ou syndicale".

Sa vie et sa personnalité résumées sur la coiffe

Si l’on trouve sur la coiffe des signes en tout genre, du plus fripon au plus symbolique, qui donne souvent un aspect chaotique, l’ensemble est en réalité très codifié : de la couture à l’emplacement des lettres, en passant par les rubans et les broderies, tout est énoncé par le Code (ou presque). Il permet de lire la faluche, et donc la quasi-totalité de l’existence étudiante du faluchard et de ses plaisirs personnels.

Ainsi, si vous décelez la présence d’une fourchette, le porteur est un fin gourmet. Une plume ? Vous êtes en présence d’un amoureux de la littérature, un ourson pour un gros dormeur, un casque de Périclès pour les férus d’Histoire... Prenez garde en revanche si vous trouvez une épée, puisqu’elle ne représente pas un combattant valeureux mais bien un "fin baiseur", ou son équivalent chez ces dames par une pensée.

Le circulaire de la faluche, partie qui fait le tour de la tête, est orné de rubans différents selon la filière d’étude : en velours dans le domaine de la santé (parce que le sang s’y accroche moins facilement), et en satin pour le reste. Ensuite, le type d’études plus précisément décrit, l’année de bac, et autres exactitudes, ornent le tour de tête du faluchard : sur le dessus, la partie "personnelle" décrit la personnalité, les écussons la ville de baptême… faluchard évidemment.

C’est surtout celui-ci qui est entouré d’une épaisse couche de mystère : une intronisation qui n’est pas censée être discutée en détail, mais qui a été remise au goût du jour.

"Les différentes épreuves sont adaptées avec le consentement de la personne. Par exemple si elle est à l’aise, ou non, avec l’alcool ou la nudité", explique Morea, étudiante en psychologie qui a intégré le mouvement il y a un an et demi. Différentes épreuves, donc, qui sont précédées par une plus ou moins longue période d’"impétrance" : durant celle-ci, l’aspirant faluchard doit apprendre le Code propre à sa ville,
variant du Codex National : "Celui de Lyon est parmi les plus complexes", confie Valentin, impétrant depuis plus d’un an.

Condition sine qua non pour être baptisé : avoir un parrain et une marraine, eux-mêmes faluchards, qui adouberont leur "fillot" ou "fillote".
Après un rendez-vous préliminaire avec la Croix, grand maître du mouvement dans la filière ou la ville, la personne est "kidnappée" avec son consentement, et amenée dans un lieu choisi : là, après un entretien de motivation ("pour s’assurer que la personne n’est pas un danger
pour la communauté et elle-même"
), les épreuves diffèrent selon la filière.

Le "sexum", plus courant dans le domaine de la santé, joue sur la nudité. Mais il y a également le "sportum" en STAPS, le "vérum", "téléphum"… Bref, il y en a pour tous les goûts. Rien de bien méchant, donc, comparé à certains bizutages étudiants : ici, "le but, c’est de passer la meilleure soirée de ta vie, avec des gens que tu aimes".

"Les médecines, c’est vraiment les plus trash de la ville"

Maxime, qui s’apprête à enterrer sa faluche à 34 ans, c’est-à-dire mettre fin à son aventure falucharde, décrit ce que représente pour lui ce mouvement qui a meublé 14 ans de sa vie : "Pour avoir vu le monde en dehors de la faluche, on ne retrouve pas ce sentiment de cohésion ailleurs", explique-t-il. Pour Eloïse, étudiante en commerce, "c’est une communauté qui se veut bienveillante, ouverte à tous les étudiants, et est un réseau très important. Peu importe où tu vas, tu auras des portes ouvertes très facilement. Que ce soit pour des stages, un appart, un job, ou même si tu voyages".

À Lyon, l’un des épicentres du mouvement, celui-ci se divise en 17 filières d’études, dont la plus grande est la filière LSH (Lettres et Sciences Humaines). Si chaque filière a ses propres particularités, les plus connues restent celles de la Corpo à Lyon 3, qui mise sur la tradition, et celle de la Catho. Dans le bar, en tout cas, les étudiants s’accordent pour dire que "les médecines, c’est vraiment les plus trash de la ville".

Comme dans tous les mouvements, certains éléments problématiques sont venus entacher la réputation de la faluche, qui a parfois pris du plomb dans l’aile. Pour Quentin et Tom, anciens faluchards, c’est un problème sousjacent à toutes les communautés : "Il y a des cons partout. Comme c’est un truc traditionnel, il peut y avoir des visions passées qui diffèrent, des anciennes générations qui n’ont pas du tout la notion de consentement, par exemple".

Un mouvement qui n’est pas encore voué à disparaître, malgré son opacité et les jugements hâtifs que l’on lui porte encore : vous pourrez en apprendre plus dans deux ans, lors de son 137e anniversaire national qui aura lieu dans la capitale des Gaules.

A.V.

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6 commentaires
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MoNierre le 27/12/2023 à 13:40
Vercors a écrit le 26/12/2023 à 21h55

Ils ont l'air fin avec ce truc ridicule sur la tête.

Infiltré va !

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Vercors le 26/12/2023 à 21:55

Ils ont l'air fin avec ce truc ridicule sur la tête.

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"Elle ne se réclame d’aucune appartenance politique, religieuse ou syndicale" le 26/12/2023 à 21:33

Seulement l'alcoolisme.

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Oui_oui_praline le 26/12/2023 à 16:32

Ça se retrouve dans le vieux Lyon, comme par hasard.........

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ZigZag le 25/12/2023 à 22:40

Aux beaux jours, on voit souvent ces joyeux drilles faire la fête au bord du Rhône près du campus Lyon à, parc de la Feyssine.

L'abus d'alcool est habituel dans ces cas là, c'est mal venut de ma part de faire la morale, ce n'est pas inscrit dans ma "philosophie" de ne pas boire d'acool, mais ce serait dommage pour ces drilles d'en prendre trop l'habitude (ça s'appelle l'alcoolisme).

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Mais oui c'est claire le 25/12/2023 à 15:59

Phallus un jour, phallus pour toujours... alcoolique !!!

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