Georges Villiers est né le 15 juin 1899 à Charbonnières-les-Bains, dans un milieu aisé. Son grand-père et son père, Henri Villiers, sont ingénieurs des mines. Sa mère, Louise de la Chomette, est issue d'une grande famille de la Haute-Loire.
Benjamin des quatre enfants du couple, Georges Villiers grandit dans un bel appartement du boulevard des Belges au début du siècle.
Le jeune Georges reçoit une éducation très stricte. Elève au lycée Ampère, puis au lycée du Parc, il est plutôt attiré par les lettres et la musique, mais décide finalement de devenir ingénieur. Il s'inscrit à Paris au lycée Louis le Grand où il prépare le concours de l'école des mines de Saint-Etienne, alors très réputée.
Mais la Première Guerre mondiale éclate et Georges Villiers est mobilisé et envoyé dans les Vosges en mars 1918, quelques mois avant l'armistice du 11 novembre. S'il n'a pas eu à combattre, il voit sa formation prendre du retard. Il sort de l'école des mines en 1922. Le voilà ingénieur comme ses aïeux, il a 23 ans.
Son premier emploi est fugace. Il ne reste pas longtemps à la Société de constructions mécaniques Derobert car sa famille l'aide financièrement à créer sa propre entreprise de constructions métalliques. Installée à Gerland, elle se développe rapidement et emploie jusqu'à 200 salariés.
Patron moderne, attachant beaucoup d'importance au social, Georges Villiers est proche de ses employés et délègue d'importantes responsabilités à ses cadres. A 1000 lieues de la grande majorité des chefs d'entreprise de l'époque !
Homme énergique, déterminé, c'est un séducteur qui a le sens du contact et une certaine allure.
Georges Villiers est attaché aux droits de ses employés, mais cela ne l'empêche pas de mener une vie de grand bourgeois lyonnais. En 1924, il épouse Florence Aynard, petite-fille du banquier Edouard Aynard, président de la chambre de commerce, député et personnage central du développement économique de Lyon à la fin du XIXe siècle.
Le couple Villiers a quatre enfants. Mais en 1935, au cours d'une ascension dans le massif du Mont-Blanc, Florence fait une chute mortelle.
Pour oublier cette tragédie, Georges Villiers se plonge dans l'action. En 1936, il devient président de la chambre syndicale de la métallurgie. Sous son impulsion, il participe à la création de l'école du boulevard des Hirondelles, futur lycée des Tchécoslovaques, puis à celle de la rue Dedieu à Villeurbanne.
Il fonde aussi en 1938 l'Association Métallurgique Prévoyance (abrégée AMP), devenu aujourd'hui le groupe APICIL.
En France, les ouvriers font entendre leurs voix, le Front Populaire vient d'arriver au pouvoir et fait peur aux patrons.
Inspirant confiance aux chefs d'entreprise, aux salariés et aux politiques, Georges Villiers est désigné comme relais de ses pairs pour négocier la fin des grèves des ouvriers. Sa carrière prend une tournure nationale, car il participe aux accords de Matignon avec Léon Blum.
Maire de Lyon choisi par Pétain
En juin 1940, les Allemands envahissent Lyon, déclarée ville ouverte par le maire Edouard Herriot. L'état-major allemand s'installe dans sa maison du boulevard des Belges durant quelques semaines. Car après l'armistice, le régime de Vichy prend le relais et impose sa loi à Lyon.
Le préfet Emile Bollaert est remplacé par Alexandre Angéli, un fonctionnaire borné et tatillon. Le conseil municipal est dissous et remplacé par une délégation de huit membres nommés par Philippe Pétain. Parmi eux, Georges Villiers, qui devient maire de Lyon en mai 1941.
Comme la plupart des Français de l'époque, il fait confiance à Pétain en estimant qu'il n'y a pas d'autres façons d'agir face aux Allemands.
Le maire de Lyon organise le ravitaillement de la ville en développant les jardins ouvriers et les échanges avec les départements voisins qui sont plus agricoles. Il joue aussi de ses relations avec le ministre du ravitaillement, le lyonnais Paul Charbon.
Il comprend également qu'en lançant des chantiers, il permettrait aux Lyonnais de rester sur place pour travailler, plutôt que d'être envoyés en Allemagne. Il reprend donc les travaux du tunnel de la Croix-Rousse, réhabilite le quartier Saint-Jean, dégage l'Odéon à Fourvière…
De plus, Lyon devient la capitale intellectuelle de la France. Sous la direction de Proton de la Chapelle, les Célestins et l'Opéra connaissent un véritable renouveau. Et la plupart des grands journaux parisiens se sont repliés à Lyon, comme Le Figaro, le Temps, Paris Soir.
On croise alors à Lyon Pierre Brisson, Wladimir d'Ormesson, Albert Camus, Léon Daudet, Charles Maurras, Araga, Colette, Paul Valéry, Elsa Triolet…
Quand les Allemands occupent Lyon en novembre 1942, le gouvernement de Vichy marginalise les maires en donnant plus de pouvoirs aux préfets. Et le 31 décembre 1942, Pierre Laval révoque Georges Villiers.
Le Lyonnais essaie de convaincre Pétain de quitter la France. En vain. Il entre alors en contact avec la Résistance. Un émissaire de Charles de Gaulle lui propose de rejoindre Giraud à Alger. Mais il refuse, s'estimant plus utile au mouvement en restant à Lyon.
A l'époque, la plupart des Lyonnais sont restés fidèles à Pétain. Ce dernier est d'ailleurs acclamé lors de sa visite à l'hôpital de la Charité à l'été 42.
Georges Villiers aide l'armée secrète à se reconstituer en lui procurant de fausses cartes d'identité et du ravitaillement. Il intervient également auprès de ses amis industriels pour qu'ils freinent leur production destinée aux Allemands. Mais il refuse d'entrer dans le Conseil national de la Résistance que vient de créer de Gaulle.
A ses yeux, le CNR est trop politisé, avec des communistes et des gaullistes. Lui préfère rester libre de ses choix. D'ailleurs, il garde des contacts avec le gouvernement de Vichy. Ce qui lui permet d'intervenir en faveur de certains juifs traqués.
Menacé de mort par la Milice en mars 1944, Georges Villiers est arrêté par la Gestapo et incarcéré à Montluc le 6 juin 1944, jour du Débarquement.
Accusé de faire partie de la Résistance, il est brutalisé par le célèbre milicien surnommé Gueule tordue, avant d'être interrogé par Klaus Barbie lui-même. Georges Villiers refuse de parler et pense qu'il va subir le même châtiment que ses compagnons de cellule comme Albert Chambonnet, le responsable régional des Forces françaises de l'Intérieur (FFI), à savoir une exécution sommaire. Mais le préfet Boutémy intervient en sa faveur et lui sauve la vie. A la place, Georges Villiers est déporté à Dachau.
Sur place, le Lyonnais est un prisonnier comme un autre. Il travaille 12 heures par jour pour construire une usine d'armement souterraine. Mais la guerre se termine, les bombardements se multiplient et les morts ne sont même plus enterrés. Georges Villiers ne parvient à survivre qu'en volant des pommes de terre dans les cuisines des SS. Il est à l'agonie lorsque les Américains libèrent le camp.
Davantage de pouvoir et d'aura pour faire bouger les lignes
A la Libération, contrairement à beaucoup d'autres de ses pairs, Georges Villiers n'est pas inquiété pour ses liens avec Vichy. Considéré comme un véritable résistant, il devient même une personnalité majeure de l'après-guerre.
Face à la montée en puissance des communistes, qui se concrétise notamment par une vague de nationalisations, il décide de créer un syndicat des patrons en juin 1946. C'est le fameux Conseil national du patronat français, le CNPF, qui se donne pour objectif de défendre les intérêts des chefs d'entreprise face aux syndicats, mais aussi mieux faire entendre la voix des petites sociétés de province. Georges Villiers est élu président à l'unanimité.
Son profil plait : il est un provincial, résistant, et n'appartient pas aux 200 familles les plus riches du pays, ni au puissant comité des Forges.
A la tête du CNPF, et en accord avec le gouvernement, il demande aux entreprises d'augmenter leur production de matières premières pour accélérer la reconstruction de la France. En contrepartie, il obtient la restitution de certaines entreprises qui avaient été mises sous séquestre.
Il se bat contre l'intervention excessive de l'Etat qu'il considère comme un frein au développement économique. Pour lui, il ne peut y avoir de progrès social sans progrès économique.
Européen convaincu, il participe avec ses amis Robert Schuman et Jean Monnet à la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier en 1953. Ni plus ni moins que l'ancêtre de l'Union européenne !
Il devient aussi président du Conseil des fédérations industrielles d'Europe. Pour lui, l'union économique aura forcément pour terme l'union monétaire afin de rivaliser avec les Etats-Unis et l'URSS.
Georges Villiers fait passer l'économie avant ses considérations politiques. Il n'hésite pas à faire des tournées en Amérique, en URSS, au Proche-Orient, en Espagne franquiste… D'ailleurs, suite à plusieurs entretiens avec Nikita Khrouchtchev, il crée une chambre de commerce franco-soviétique qui doit permettre aux entreprises françaises d'avoir de nouveaux débouchés à l'Est.
Après l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958, il négocie avec la puissante fédération des industries japonaises.
Avec Charles de Gaulle, il créer l'assurance-chômage, l'UNEDIC et l'ASSEDIC. Il se passionne également pour la formation professionnelle.
Il garde aussi la direction de son entreprise jusqu'en 1974 et meurt le 13 avril 1982, après avoir publié ses mémoires "Témoignages".
Georges Villiers restera comme l'homme qui a su redonner une certaine légitimité aux patrons français qui, pour la plupart, ont une attitude ambiguë pendant la Seconde guerre mondiale. Il aura également marqué le syndicalisme patronal en dirigeant le CNPF pendant 20 ans, affirmant toujours ses préoccupations sociales;
Très intéressant, merci pour l’article
Signaler Répondremerci , très instructif
Signaler RépondreUn patron déporté. C'est tout à son honneur. Il y a eu d'autres chefs d'entreprise qui ont résisté comme ils pouvaient à l'envahisseur, mais aussi d'autres qui se sont bien enrichis pendant la guerre...
Signaler RépondreTout à fait
Signaler RépondreLorsqu'on lit cette biographie, on trouve Incroyable que son nom ait été oublié.
Très intéressant.
Signaler RépondreMerci
Très intéressant...
Signaler RépondreUne chose est sûre : c’est pas Romain Blachier 😏
Signaler Répondreet ce Monsieur mériterait bien une rue a son nom a Lyon
Signaler RépondreC’est vrai, ces articles historiques apportent une autre dimension à LyonMag. L’auteur mérite d’être connu.
Signaler RépondreMerci à lui, ou elle.
"Georges Villiers est arrêté par la Gestapo et incarcéré à Montluc le 8 juin 1944, jour du Débarquement."
Signaler RépondreLe débarquement, à ma connaissance, c'était le 6 juin... Ceci mis à part, l'article est vraiment intéressant, Merci !
Pourquoi cet article n'est pas signé ?
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