De la dioxine à Dardilly

De la dioxine à Dardilly

L’analyse de la décharge du Bouquis, que Lyon Mag a dévoilé en exclusivité dans son numéro de novembre, révèle la présence de 425 000 tonnes de déchets toxiques. Mais ce site est loin d’être une exception.

Dioxine, furane, arsenic, cadmium, cuivre, mercure, plomb... Le bilan des analyses chimiques récemment réalisées sur l’ancienne décharge de Dardilly confirme que ce site est dangereux. D’autant que ces produits toxiques, tous cancérigènes, sont présents en quantités très supérieures aux seuils autorisés. Pour le cadmium par exemple, un des métaux lourds trouvé sur le site, on est à 22 fois la norme. Alors que les teneurs en cuivre et en mercure sont dix fois plus élevées que dans un terrain comparable.

Mais il y a également des tonnes de résidus pétroliers. “De fortes concentrations”, insistent les experts du cabinet Tauw, qui a réalisé ces analyses et qui est une référence dans son domaine. Des analyses effectuées à la demande de la famille Pitance, propriétaire du site, qui s’interrogeait depuis des années sur l’activité exacte des entreprises qui ont successivement loué ce terrain.
Et ce n’est pas tout. Ces spécialistes ont évalué la quantité de déchets à environ 425 000 tonnes ! Alors que le propriétaire lui-même parlait encore de 250 000 tonnes il y a quelques mois. Certains déchets étant enfouis à près de 10 m de profondeur. C’est donc un des sites les plus importants et les plus pollués de l’agglomération lyonnaise.

Mais d’où viennent ces déchets ?
A l’époque, les pétroliers passaient des contrats avec les garagistes pour ramasser leurs huiles usagées. Mais au lieu d’être traitées, voire recyclées comme aujourd’hui, elles étaient déversées à même le sol. Or, ces huiles, en graissant les moteurs, s’étaient chargées de métaux toxiques. D’où sans doute la présence de ces métaux lourds. Quant aux dioxines et furanes, cela veut dire que de fortes quantités de matières plastiques ont été brûlées sur le site en dégageant des matières toxiques. Sans parler des odeurs. A moins que de la dioxine ait été déversée directement sur le site. “C’est ce qui a été découvert à Montchanin en Saône-et-Loire, une décharge exploitée par la même entreprise que celle qui a travaillé au Bouquis”, souligne Alain Chabrolles, porte-parole régional de la Frapna. Bref, entre le pétrole et les feux de plastique, les riverains de l’époque avaient largement de quoi se plaindre, au minimum, des odeurs !

60 millions d’euros
D’ailleurs, la dépollution du Bouquis serait très coûteuse. Car il faudrait trier puis évacuer tous ces déchets vers des usines spécialisées situées à 30, voire 60 km du site. Ce qui exigera près de deux ans et des allers-retours incessants de camions. Les terres souillées doivent par exemple subir une “désorption thermique”, c’est-à-dire être chauffées à 600° pour que les polluants se volatilisent avant de passer par des cheminées équipées d’une série de filtres. Au total, les experts de Tauw évaluent cette dépollution à pas moins de 60 millions d’euros !
Qui va payer ? C’est loin d’être clair car tout le monde se renvoie la balle. Simone Pitance accuse les pétroliers de ne pas assumer les activités de leurs filiales qui ont comme par hasard déposé leur bilan. Alors que ces pétroliers considèrent que cela relève de sa responsabilité de propriétaire. Mais la justice est saisie.

En effet, l’ancienne décharge du Bouquis empoisonne la vie de Dardilly depuis bientôt trente ans. Mais c’est la première fois que des analyses aussi poussées sont réalisées. Et pour cause. Jusque-là, tous les acteurs ont plutôt minimisé le problème. Pourtant, dès 1976, la décharge fait parler d’elle. A l’époque, les Briqueteries de Limonest, dirigées par le mari de Simone Pitance, acceptent de louer leur ancien site de Dardilly à Elipol, une filiale d’Elf, pour ouvrir une décharge. C’est la Sopaluna, filiale d’un autre groupe pétrolier, Motul, qui va finalement l’exploiter. Le préfet accepte que soient entreposés des déchets, dont maximum 40% d’origine industrielle. Ce qui est déjà beaucoup. Car ce terrain de 7 ha est situé à proximité du village et juste au-dessus d’un petit ruisseau qui se jette dans l’Azergues qui, elle-même, rejoint la Saône. Les riverains se plaignent rapidement des nuisances mais la préfecture attendra quand même quatre ans pour fermer cette décharge. Puis Daniel Lemaire, maire RPR de Dardilly de 1990 à 1995, va carrément racheter le terrain pour en faire un parcours sportif. L’idée étant, là encore, de faire oublier cette décharge en la couvrant de terre plutôt que de dépolluer le site. Mais Michèle Vullien, qui lui a succédé en 1995, fera annuler la vente pour un vice de forme car elle a compris le danger et veut à tout prix éviter que les contribuables de sa commune payent la dépollution. Il faut dire qu’une série de lois et de règlements vont être alors votés sous la pression de l’Europe et des écologistes pour recenser et surveiller ces anciens sites pollués. Et le Bouquis est rapidement identifié. Une station d’épuration est même installée sur le site pour récupérer et traiter les eaux de ruissellement qui traversent la décharge avant de les rejeter dans le réseau communal.

12 000 sites pollués
Faut-il vraiment évacuer ces 425 000 tonnes de déchets toxiques ? “Il n’y a pas de danger immédiat pour les voisins car la décharge a été recouverte de terre. Donc il n’y a pas d’émanations toxiques”, souligne Frédéric Bover qui a rédigé le rapport pour Tauw. En revanche, rien ne certifie que toutes les eaux traversant la décharge sont bien récupérées et traitées par la station d’épuration. D’autant que Noël Mangereau, un spécialiste lyonnais des sous-sols qui a aussi réalisé une étude du site, a constaté que les eaux de ruissellement sortent de façon irrégulière de cette décharge. Du coup, il recommande de vérifier l'étanchéité de la couche d’argile sur laquelle ont été déversés les déchets car elle était censée éviter une pollution en profondeur.
Aujourd’hui, l’Etat a tendance à surveiller de près ces sites plutôt qu’à les évacuer sauf s’il y a un danger immédiat d’intoxication du voisinage. “Mais c’est autant un problème éthique que de

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