Henri Giraud, l’atterrissage oublié

Henri Giraud, l’atterrissage oublié

Le 23 juin 1960, Henri Giraud, aviateur français, posait son Choucas sur le Mont-Blanc, sur un « terrain » de 30 mètres de long. L’exploit n’a, à ce jour, jamais été renouvelé. Aviateur civil génial, insoumis et épris de liberté, ses exploits, souvent illégaux, sont à l’origine de la qualification de « pilote de montagne. » Alors, cinquante ans plus tard, que reste-t-il de l’exploit et du personnage ? Trop peu de choses, à en croire le nombre quasiment nul de célébrations prévues pour la date anniversaire. Sa fille, Françoise Giraud, nous révèle quelques épisodes croustillants de la vie d’un homme qui, selon ses propres termes, ne « savait que voler. »

Lyon Mag : Qui est Henri Giraud ?
Françoise Giraud :
Mon père est né dans un petit village de la Bièvre. C’était un enfant qui adorait les oiseaux, les dénicher en particulier. Il était épris de nature. C’est en voyant ces oiseaux voler qu’il a eu le désir de voler lui-même. Il a été pilote à 16 ans. A dix-huit ans, il était pilote deuxième degré. Après, c’est enchainé la carrière aéronautique, puis le vol en montagne. C’était un homme épris de liberté, et un insoumis.

Toute sa carrière s’est faite dans l’aviation civile ?
Il a fait l’école de l’air au moment de la guerre. Mais toute sa carrière s’est faite dans l’aviation civile. Il était trop jeune pour être actif avec un avion durant cette période. Il a toutefois pris le maquis.

Comment lui est venue l’idée d’aller défier le plus haut sommet d’Europe ?

C’était, pour lui, le summum. Il s’agit du plus haut point d’Europe, et en France. Il a fait quelques atterrissages aussi périlleux, voire plus, que le Mont-Blanc. Mais le Mont-Blanc est le plus représentatif. Il s’est également posé sur des terrains extrêmement restreints. Le Mont-Blanc représente un certain panache. En matière de représentation aéronautique, il n’y avait pas de meilleure zone. Mais il n’en attendait aucune reconnaissance, il aimait défier l’extrême.

Parait-il qu’après avoir informé par télégramme le Général de Gaulle de son exploit, celui-ci ne lui a jamais répondu ?
Mon père était un insoumis de nature. Que le Général de Gaulle lui réponde ou pas, cela n’aurait rien changé à sa carrière. Il n’a pas ressenti, je crois, de déception. Il l’a informé par respect pour le statut, car il s’agissait de la plus haute personnalité de l’Etat. Mais il n’attendait pas de retour. Cela ne l’a en rien contrarié.

Henri Giraud a toujours, semble-t-il, privilégié son art à une approche carriériste de l’aviation civile. Est-ce exact ?
Mon père était totalement au-dessus des conflits de personnes. Il s’en fichait éperdument. Ce qu’il voulait, c’était voler. Après, il pouvait peut être déranger certaines personnes. Mais cela ne le dérangeait pas de déranger.

On imagine qu’il y a eu quelques manifestations prévues mercredi pour le cinquantième anniversaire de l’atterrissage sur le Mont-Blanc ?
Nous sommes très surpris, mais non. Nous pensions que la presse écrite aurait consacré quelques lignes à cet anniversaire. Même pas. C’est dommage pour la postérité. C’est un exploit qui n’a jamais été renouvelé. C’est un exploit qu’il a fait seul, avec beaucoup de respect pour son pays. 

Même les territoires de montagne seront muets ?
Il y aurait dû avoir à l’Alpe d’Huez une cordée au Mont-Blanc mercredi, mais tous les refuges étaient complets. Cela aurait dû être avancé au 16 juin, mais le temps ne le permettait pas. Le 2 juillet a été évoqué... Nous verrons bien. C’est dommage que cela n’ait pas été un peu anticipé, car le 23 juin, date anniversaire des 50 ans de l’atterrissage sur le Mont-Blanc, aurait été idéale.

On vous sent particulièrement déçue de ce manque de reconnaissance. Est-ce la joie ou la tristesse qui l’emporte pour ce cinquantième anniversaire ?
C’est dommage. Il faut bien savoir que l’atterrissage sur le Mont-Blanc est une performance exceptionnelle, qui n’a jamais été renouvelée. Si cela n’intéresse plus personne, tant pis. Mais je n’ai aucune amertume, l’exploit surpasse tout cela.

D’un point de vue plus personnel, que garde-t-on d’un père aussi singulier ?

J’ai vécu dans l’ombre de mon père. J’ai été très admirative de ce qu’il a fait. Mais c’était l’aviation avant tout ! Mon père était très attentif en tant que père, mais surtout en tant que grand-père. Il aurait adoré avoir un fils, et il a eu deux petits fils. Cela l’a rendu extrêmement heureux. Mais à la fin de sa vie, quand mon père m’appelait, il me disait : « Ma chérie, dans ma vie, je n’ai su faire que voler. » En tant que fille de mon père, je donne beaucoup et j’attend aussi beaucoup en retour. Et mon père était quelqu’un qui donnait beaucoup, dans tous les sens du terme.


Le livre-anniversaire « Les carnets de vol d’Henri Giraud », édité à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’atterrissage sur le Mont-Blanc, peut être directement commandé auprès de Françoise Giraud à l’adresse suivante : BP 12 - Roybon 38940.
Toute personne intéressée par l’ouvrage peut également laisser un message avec son adresse mail sur le site, nous le transmettrons à Françoise Giraud.

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2 commentaires
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BGN 77 le 10/01/2014 à 13:25

Bonjour,
J'ai découvert la vie fantastique de votre père de ce point de vue en volant sur son avion F-BOPT, l'abeille", cet été dans le Trièves (survol du mont aiguille, un autre atterrissage de légende), et en remettant cela, toujours avec le F-BOPT sur un vol entre Le Versoud et Courchevel.
Le nom de votre père qui est peint sur l'avion m'a donné envie d'en savoir beaucoup plus, j'ai acheté ses mémoires pour en savoir plus, et je n'ai pas été déçu.
Je prends maintenant énormément de plaisir à résumer ses atterrissages de légende, dont le mont blanc, à inviter les amateurs à surfer sur internet pour y retrouver ces vidéos d'un autre temps.
J'admire cet homme et son approche, et je revolerai dès cet été sur cet avion, car quand je monte dedans maintenant, je pense à lui et à tout ce qu'il a ouvert.

Bruno GUERIN

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xlt60 le 31/08/2013 à 10:58

Bonjour, un ami vient de me faire découvrir l'existence de votre père , je ne suis féru ni d'aviation ni de haute montagne mais apprécie les gens qui par leur passion font évoluer le monde et bousculent les principes établis

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