Acanthe : un rescapé en pleine forme

Acanthe : un rescapé en pleine forme

Après avoir frôlé à deux reprises le dépôt de bilan, le Lyonnais Antoine de Jouffrey a réussi à redresser Acanthe, une marque de prêt-à-porter BCBG qui compte aujourd’hui 43 boutiques.

Comment vous vous êtes intéressé à la mode ?
Antoine Morand de Jouffrey : Par hasard. J’ai monté mon entreprise en 1983, à l’âge de 22 ans avec un bac en poche. J’avais fait toute ma scolarité à Lyon, puis je m’étais installé à Paris pour m’inscrire en classe préparatoire. Mais les études, ça me rasait. Du coup, j’ai laissé tomber la prépa et je me suis lancé dans la vente de vêtements à domicile. A cette époque-là, je n’avais pas du tout l’intention de monter une boîte. D’ailleurs, je n’avais aucun projet professionnel ! Pour moi c’était juste un job d’étudiant pour gagner un peu d’argent.
Pourquoi avoir choisi la vente à domicile ?
Parce que j’en avais déjà fait un an auparavant avec un copain et je m’étais bien amusé. Mais, je ne me suis pas posé beaucoup de questions. J’ai emprunté 20 000 francs à ma banque et j’ai contacté quelques copines qui ont recruté à leur tour d’autres amies étudiantes. Ensuite j’ai commencé à dessiner quelques chemises puis à les faire fabriquer en France et à l’île Maurice.
Mais vous n’étiez pas styliste !
C’est pour ça que j’ai conçu des modèles classiques : des chemises à rayures, à carreaux, des costumes gris... Dès le départ ce que j’ai cherché avant tout, c’est des coupes classiques et des belles matières, du lin, du coton, jamais de polyester. Car j’ai toujours ciblé une clientèle précise : des bourgeois bon chic bon genre, qui recherchent des vêtements élégants et de bonne qualité mais pas trop chers.
Et ça a marché ?
Au début oui. La vente à domicile était très à la mode dans les années 1980, et grâce au bouche-à-oreille, j’ai rapidement recruté des vendeurs et convaincu des acheteurs. J’ai aussi élargi mes collections aux femmes, aux enfants et aux bébés, tout en recrutant des stylistes pour dessiner les modèles. En revanche, je continuais à concevoir moi-même les collections hommes. Malheureusement, au bout de quelques années, j’ai été confronté à un certain nombre de problèmes.
Quelles difficultés vous avez rencontrées ?
Quand les vendeurs organisaient des ventes, il fallait leur livrer des collections pour qu’ils puissent les présenter. Puis les reprendre ensuite car ces collections n’étaient pas vendues, c’était de la démonstration. Du coup, on avait parfois jusqu’à 1000 cartons à livrer et à reprendre dans toute la France ! Et bien sûr ensuite, il fallait livrer les clients. En plus, mes vendeurs travaillaient surtout pour se faire un peu d’argent de poche et s’amuser. Résultat, aucun ne voulait organiser de ventes pendant les vacances scolaires, les ponts et les week-ends. Du coup, je ne vendais rien 6 mois par an ! J’ai essayé de les motiver en leur organisant des voyages. Comme en 1988 : j’ai emmené 440 salariés en Tunisie par avion spécial pendant une semaine et j’ai fait venir l’humoriste Yves Lecoq, mais aussi un groupe de rock... Sans résultat puisqu’en 1988, j’ai déposé le bilan.
Comment vous avez réussi à relancer Acanthe ?
J’ai fait entrer dans mon capital des professionnels de la vente à domicile pour trouver des solutions. En vain. La vente à domicile était passée de mode et nos problèmes de logistique devenaient insolubles. De plus au sein de l’entreprise, l’enthousiasme des débuts avait disparu. Du coup, en 1996, on était à nouveau au bord du dépôt de bilan avec des pertes d’exploitation qui s’élevaient à 1,3 million de francs pour 9,9 millions de francs de chiffre d’affaires alors qu’on employait une quinzaine de salariés.
La solution ?
J’ai refusé de baisser les bras. En 1998, j’ai abandonné la vente à domicile et j’ai ouvert mon premier magasin à Rueil-Malmaison sans changer les prix, ni le style de mes vêtements. Dans l’entreprise, on n’était plus que 6 salariés mais tout le monde s’y est mis : moi-même, j’aidais à décharger les camions, je m’occupais des clients dans le magasin, je dessinais toujours les collections hommes... A ce moment-là, j’ai senti que je jouais ma dernière carte, car en abandonnant la vente à domicile, mon chiffre d’affaires est descendu à zéro.
Comment vous avez réussi à tenir le coup ?
C’est important d’être entouré de sa famille et de ses amis pour tenir le coup. Mais ça ne suffit pas. Il faut être vraiment tenace et savoir sortir la tête de l’eau en demandant des conseils à des chefs d’entreprise pour prendre du recul.
Mais ça coûte cher d’avoir des magasins ?
Pour nos concurrents oui, car ils investissent énormément pour s’acheter un emplacement bien situé, pour la déco, la pub... Moi, j’ai fait le pari inverse : dans mes boutiques, il n’y a pas de moquette, pas de décoration, les chemises et les pantalons sont posés sur des étagères basiques. Résultat : alors que chez mes concurrents, le coût du magasin représente 20 à 30% du prix, chez nous, c’est 15%. Et pour la promotion, je compte sur le bouche-à-oreille. Résultat, en 4 ans, on a réussi à faire remonter les ventes et à ouvrir 6 magasins.
Où vous en êtes aujourd’hui ?
On a 43 magasins en France dont un à Lyon et un à l’île Maurice. Mais on a surtout développé notre réseau à partir de 2002 quand j’ai convaincu le fonds d’investissement de BNP Paribas d’entrer au capital à hauteur de 27%. Grâce aux 400 000 euros qu’ils ont investis, on est passés, en 5 ans, de 1,7 à 6,7 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2007, j’ai réalisé un bénéfice net de 100 000 euros avec 110 salariés dont environ la moitié à temps plein. On fait fabriquer nos collections dans le monde entier : en Inde, à Madagascar, en Bulgarie, en Lituanie...
Vos projets de développement ?
Après plusieurs années difficiles, l’entreprise va mieux et comme je suis quelqu’un d’optimiste et d’entreprenant, j’ai pas mal de projets en tête. D’abord, on ouvrira un site internet marchand cette année, sur lequel les internautes pourront acheter du linge de maison. Je vais aussi réaliser plusieurs études de marché pour ouvrir, d’ici un an, des magasins en Belgique, en Espagne et en Suisse.
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3 commentaires
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Gus le 18/06/2014 à 15:28

C bien papa

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NT le 21/05/2012 à 22:37

Etiez vous parent à Jacques ?
Je l'ai très bien connu à Hautefort où j'ai passé toutes les vacances de ma jeunesse.
Je vous félicite pour la réussite d'Acanthe, mais malheureusement le magasin de Dijon ferme en fin juin ?
Ouvrez-vous une autre boutique au centre ville ?
Merci de me répondre
france-marie.gauthey@humericable.fr

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ninite le 09/02/2010 à 11:05

antoine morand de jouffrey

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