Guerre des familles à Vaulx-en-Velin

Les incidents se multiplient depuis deux ans entre deux familles de Vaulx-en-Velin pour des raisons obscures.

Mardi 16 septembre 2008, 19 h, Mas du Taureau à Vaulx-en-Velin. Une Peugeot 405 percute une Golf à un carrefour. En apparence un banal accident de voiture. Mais le conducteur de la Peugeot embraye et revient plusieurs fois à la charge pour pousser la Volkswagen sur un talus où elle s’immobilise définitivement. Les occupants s’extirpent de leur voiture et c’est la bagarre générale Très vite, un attroupement se forme. Des pierres volent, des couteaux sortent... Puis les deux bandes courent jusqu’au chemin des Plates. Une troisième voiture surgit, une Peugeot 206 qui stoppe à son tour. Son conducteur descend, se faufile parmi les curieux, et tout à coup, il dégaine un pistolet et tire à quatre reprises. Ryad Boubeker, 26 ans, s’écroule, mort. Et dans la confusion générale, le meurtrier disparaît. Rapidement sur les lieux, les policiers sont pris à partie et ils vont devoir utiliser leur flash-ball pour se dégager. La victime est un jeune homme sans histoire.

Mais les enquêteurs ne trouvent ni l’arme, ni la balle, ni même une simple douille. Le projectile a traversé l’omoplate de Boubeker, sectionnant une artère et provoquant une hémorragie fatale. “Un revolver, type Magnum, utilisant dans doute des balles blindées”, suppose un policier. Seule certitude : le tireur devait être à quelques mètres de sa victime.
Quant aux témoignages, ils sont confus et contradictoires, voire délirants. Certains parlent même d’un homme qui aurait tiré d’une fenêtre avec un fusil à pompe. Mais le tireur est identifié. Il s’agit de Nordine Yahoui, une jeune homme lui aussi réputé sans histoire.

Les policiers de Vaulx-en-Velin découvrent également que Ryad Boubeker, la victime, était accompagné de deux fils Djellali qui ont déjà affronté à plusieurs reprises les Guillal, dont Yahoui a épousé une des filles. En février 2007, Abdelkader Guilal, 22 ans, a été tué place Guy Moquet, à Vaulx-en-Velin, de deux coups de ciseaux dans la nuque par le petit frère de Ryad. Il se rendra trois jours plus tard en affirmant s’être simplement “défendu” contre une agression. Avant de se retrouver en prison, mis en examen pour ce meurtre. Et ce n’est pas le seul épisode violent dans cette guerre qui oppose ces deux familles de Vaulx-en-Velin.
“Plusieurs plaintes ont été déposés par ces familles”, confirme un éducateur de Vaulx-en-Velin en évoquant des affrontements à la hache, au couteau... Mais Yahaoui, le suspect, a disparu. Les policiers apprennent qu’il se cache dans un camping à Agde, dans l’Hérault, où la famille est propriétaire d’un cabanon. Mais quand ils débarquent le 23 septembre, le cabanon est vide.

Une semaine plus tard, coup de théâtre. En pleine nuit, le meurtrier se présente de lui-même à l’hôtel de police, avenue Marius Berliet, accompagné de son avocat, Me François Heyraud. Et lui aussi n’a pas un profil de délinquant. Fils d’un ouvrier et d’une employée dans un hôpital, il a toujours travaillé. Il vient même de passer son permis poids lourd pour décrocher un job de chauffeur routier. Marié, père d’un enfant, il en attend un deuxième. Mince, assez athlétique, cheveux courts, lunettes, s’exprimant aisément... Il  reconnaît sans difficulté devant les policiers que c’est lui qui a tiré. En revanche, il a du mal à justifier son geste. Il leur racontera que ce soir-là, il était à Villeurbanne, quand il a croisé des amis qui lui ont demandé de les emmener dans une épicerie hallal de Vaulx-en-Velin. Et c’est une fois sur place qu’il aurait découvert l’accident en constatant que la Golf appartenait à un cousin de sa femme. Rejoignant l’attroupement, il aurait alors ramassé “par hasard” un pistolet tombé à terre et il aurait tiré en l’air à quatre reprises. Son cousin était-il en difficulté ? Voulait-il disperser la foule ? A-t-il été menacé ? Visait-il viser quelqu’un de précis ? Ses réponses restent floues. Mais les enquêteurs ont des doutes sur cette histoire de pistolet trouvé par hasard. Ce qui ne l’empêche pas de maintenir sa version, en précisant n’avoir jamais utilisé une arme avant ce soir-là. Ce qui explique pourquoi, pris de panique, il a pris la fuite. Avant de se dénoncer quelques jours plus tard.

Pourquoi ce jeune homme s’est-il dénoncé alors qu’aucune preuve n’existait ? s’interrogent les enquêteurs qui redoutent de nouveaux affrontements sanglants. D’ailleurs la victime avait été touchée de près par une mort violente. Puisque son meilleur ami a été tué il y a un an, en manipulant une arme à feu. Vrai accident ?

En tout cas, ça commence à faire beaucoup de morts violentes dans ces deux familles originaires d’Algérie. Reste à savoir l’origine de ce conflit. Mais aujourd’hui, c’est la loi du silence. Etrange. Du coup, les imaginations s’enflamment au Mas du Taureau. Affaire d’honneur ? Règlement de comptes entre voyous ?  Affrontement pour le contrôle d’un territoire ? “On ne me fera pas croire qu’on tue pour rien”, répond un enquêteur.
Un crime qui souligne en tout cas que les armes se sont banalisées dans les banlieues lyonnaises.  Ce que confirme un commerçant du quartier : “Certains jeunes ont désormais un réflexe : sortir une arme à la moindre embrouille.”

Article publié dans le numéro de novembre de Lyon Mag

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