Classes de CP dédoublées à Vénissieux : entre espoir et interrogations

Classes de CP dédoublées à Vénissieux : entre espoir et interrogations
LyonMag

Légère perturbation dans l’école élémentaire Max Barrel de Vénissieux ce mercredi matin (la ville est restée à 5 matinées de classe).

Marie-Danièle Campion, rectrice de l’académie de Lyon, accompagnée de l’Inspecteur d’Académie Guy Charlot et son adjointe, Françoise Ritter, de l’Inspectrice du secteur Noëllie Goulefer, de la maire PCF de Vénissieux Michèle Picard, puis des différentes équipes et journalistes conviés, a décidé de venir voir comment se déroule, dans cette école de 333 élèves dirigée par Brahim Benrabaa, l’une des mesures phare du candidat Macron : limiter à 12 élèves par enseignants les élèves de CP et CE1 dans les zones prioritaires.

Une visite

Une bonne humeur générale – celle des enfants, des enseignants de l’AESH (Accompagnante d’Enfant en Situation de Handicap) et du directeur, contamine très vite la petite troupe visiteuse. Le spectacle de l’école est assez réjouissant car tout le monde y met du sien. La Maire de Vénissieux était prête à élever des cloisons pour séparer en deux classes cet ancien CP de 24 élèves à dédoubler (la mairie dépense déjà 850 000 euros par an pour l’entretien de ses écoles). Cela n’a pas été nécessaire : l’école Max Barrel avait en réserve des salles libres. Et d’ailleurs, les deux instituteurs, Mathieu Bourdin et Laurent Berroud ont décidé de réunir leurs deux classes de 12 pour en faire une de 24.

Pour le reste, il manque encore de l’équipement. Mais le directeur a récupéré des PC dont la Métropole de Lyon ne voulait plus, et Laurent Berroud a apporté son propre portable dernier cri. Mathieu Bourdin a aussi mis à disposition son vidéoprojecteur personnel. Certes Laurent Berroud reconnait qu’il n’était pas chaud pour la vidéo-projection au départ, mais l’insistance et l’enthousiasme de son collègue avec lequel il covoiture ("c’est un tiers-lieu d’échange pédagogique", s’extasie la Rectrice) l’a fait changer d’avis.

Le directeur de l’école se réjouit de la qualité des échanges de ses enseignants, il y voit la promesse qu’en cas de mutation de l’un, le savoir chèrement acquis soit transmis à son collègue.

Retour à la réalité

Les enfants semblent vraiment travailler. Dans le calme ils essaient d’apprendre à lire la curieuse lettre "S" qui, quand elle est "mal à l’aise entre deux voyelle" (dixit Laurent Berroud) se met à zozoter. Rokaya  - une élève du petit groupe - tente la lecture de "Suisse", "Moustache", "sous-sol" sans grand succès. On passe à l’écriture. Les problèmes s’accentuent. Sur l’image à décrire, un animal souriant, habitué à ronger les arbres de ses immenses canines, tient dans la main ce qu’il reste d’un traditionnel HB. Sur son cahier, Mohamed a écrit : "le castor man le crion".

La Rectrice Marie-Danièle Campion le reconnait sans détour, le système éducatif fonctionne assez mal. Les enquêtes internationale (PIRLS - 2016) montrent que les résultats des enfants français sont en dessous de la moyenne européenne. La décision de dédoubler les CP dans les écoles en difficulté fait partie de la stratégie consistant à réorienter les moyens disponibles vers le primaire avant tout.

Cela va-t-il fonctionner ? Le dossier de presse fournit par l’académie estime que "les professeurs des écoles en charge des classes dédoublées ont souligné les nets progrès des élèves", tout en rappelant, en gras, que "pour être pleinement efficace, le dédoublement des classes doit s’accompagner d’un renouvellement en profondeur des pratiques pédagogiques". A l’école Max Barrel, ce renouvellement semble pourtant être bien avancé. Pour apprendre les dizaines et les unités les élèves de CP ont des pièces et des billets (factices) et s’achètent et se vendent des articles étiquetés en euros.  Les CM2 sont aussi entrainés par leur institutrice dans un "jeu" où chaque équipe doit trouver avant les autres le moyen d’atteindre 67 avec les quatre opérations plus des chiffres tirés au hasard.

Si cela ne suffit pas, l’outil des récentes évaluations nationales au CP est présenté comme une étape décisive. Un clic sur le dossier de son élève et on sait tout de ses difficultés par rapport à l’ensemble de la nation. Un autre site et des kyrielles d’exercices sont proposés pour l’aider à progresser. La masse des données disponibles, la pression pour la réussite, semblent un peu inquiéter les enseignants présents. La Rectrice cite le sociologue Pierre Bourdieu (mort en 2002) et son livre Les Héritiers (1964).

Les si chaleureux élèves de Max Barrel ne sont pas des Héritiers à qui l’école est donnée. Le dédoublement de leur classe de CP suffira-t-il à leur donner la chance de le devenir ?

@lemediapol

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CP

4 commentaires
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DTC le 17/03/2019 à 09:32

Des salles de classe ??? On devrait déjà s occuper des écoles en France où les problèmes persistent avant d aller dépenser à l étranger ...

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Cartable le 16/03/2019 à 11:29
Coco24 a écrit le 16/03/2019 à 09h00

Les enseignants travaillent avec leurs ordinateurs et vidéoprojecteurs personnels?

Tout comme les enseignants meublent et fournissent leur classe en matériel et livres. Je suis enseignante dans cette commune. Tout mon matériel de maths, matériel d'arts plastiques, livres de classe et de pédagogie, tapis, coussins, meubles,... Sont payés avec mes propres sous. Et c'est comme ça dans beaucoup de classes de mon école.

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Coco24 le 16/03/2019 à 09:00

Les enseignants travaillent avec leurs ordinateurs et vidéoprojecteurs personnels?

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Plotine le 15/03/2019 à 09:34

Pour que ce dispositif soit réellement efficace, il faudrait une baisse des effectifs dans les classes de maternelle. Les élèves qui arrivent en CP avec des retards de langage ont des difficultés à apprendre à lire, or comment les faire progresser en langage dans des classes (de maternelle) où ils sont 29 ou 30 élèves?

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