André Philip est né le 28 juin 1902 à Pont-Saint-Esprit dans le Gard, au sein d'une famille protestante originaire de Marseille. Son père, Louis Philip, est officier et est tué lors de la Première Guerre mondiale. Sa mère, Gilberte Vincent, est originaire de Lyon et issue d'une famille de la bourgeoisie catholique.
André Philip reçoit une éducation protestante assez classique et fait ses études secondaires dans un lycée marseillais où il est marqué par son professeur de philosophie, René Le Senne. Puis il étudie le droit à Marseille et Sciences-Po à Paris.
Après sa licence, il passe un an en Angleterre, ce qui lui inspire sa thèse de doctorat en 1923 sur le syndicalisme anglais.
Passionné très jeune par la politique, il milite à la Fédération des étudiants protestants, puis aux étudiants socialistes. Et à 19 ans, il s'inscrit à la SFIO, la Section française de l'internationale ouvrière.
Après sa thèse, il part aux Etats-Unis pour étudier le problème ouvrier. En parallèle des cours qu'il suit à l'université Columbia de New-York, il travaille dans une usine.
En 1926, André Philip revient en France et est reçu premier à l'agrégation de droit à Paris. Il choisit de s'installer à Lyon où la faculté de droit lui propose la chaire d'économie politique. Il l'occupera plus de 30 ans.
Grand, svelte, les cheveux noirs et le teint mat, André Philip dispose d'un certain charme. Il a un aspect très méridional, a le contact facile. Très bon orateur, il est dans la lignée des grands tribuns du sud comme Mirabeau, Léon Gambetta ou Jean Jaurès.
Il se marie à Mireille Cooreman, fille de pasteur qu'il a rencontré pendant ses études à Paris. Ils ont cinq enfants, dont Olivier, l'aîné, qui deviendra préfet de la région Rhône-Alpes. Et qui aura lui même cinq enfants, dont Christian et Thierry Philip, qui furent respectivement député du Rhône et maire du 3e arrondissement de Lyon.
L'engagement politique d'André Philip repose sur ses convictions chrétiennes. Pour lui, socialisme et christianisme sont indissociables. Tout sa vie, il défendra ce protestantisme social. De plus, il pense que l'émancipation de l'individu ne peut venir que de son engagement dans des mouvements ouvriers et syndicaux.
Sa rencontre avec Gandhi lors d'un voyage en Inde l'influence beaucoup. Ainsi que celle avec Romain Rolland, l'écrivain pacifiste Prix Nobel qui a marqué l'entre deux guerres en France. Sans oublier le belge Henri de Man, l'un des premiers socialistes à considérer le marxisme dépassé.
Une entrée en politique retardée
André Philip ne s'investit toutefois pas immédiatement dans la vie politique lyonnaise. Car il est barré par le secrétaire de la SFIO du Rhône, de tendance guesdiste, c'est-à-dire marqué à gauche, marxiste et très anticlérical.
Homme de conviction avant d'être un politicien, Philip patiente et continue à se battre pour des combats qui lui tiennent à coeur, comme l'obtention pour les objecteurs de conscience d'un statut particulier.
Les choses s'arrangent pour lui aux élections législatives de 1936. La fédération SFIO du Rhône l'autorise à se présenter à la Guillotière, circonscription difficile alors tenue par les radicaux d'Edouard Herriot. Envoyé au casse-pipe, André Philip va en réalité bénéficier de la grande vague du Front Populaire en France, qui obtient la majorité absolue à la Chambre des députés. Avec 10 000 voix, André Philip bat le radical Maurice Roland et décroche son écharpe de parlementaire. Il a 34 ans.
Le maire de Lyon Edouard Herriot est très vexé de ce revirement inattendu. Mais il respecte André Philip, intellectuel et humaniste comme lui.
A Paris, Léon Blum considère aussitôt André Philip comme un ami. Si le président du Conseil ne lui accorde pas de ministère, il le place à la tête de la commission chargée des projets de loi sur les congés pays et la semaine de 40 heures, qui seront les deux grandes réformes du Front Populaire.
Mais la situation internationale devient de plus en plus préoccupante. Et André Philip se démarque d'autres socialistes pacifistes comme Marcel Déat, Paul Faure ou Charles Spinasse, et se veut surtout antifasciste et anti-munichois.
Au début de la Seconde Guerre mondiale en 1939, il s'engage comme volontaire en tant qu'agent de liaison avec l'armée anglaise. En permission au moment de la débâcle française, il échappe au pire.
Direction Londres
Et le 10 juillet 1940, le député du Rhône est convoqué à Vichy où le Congrès est réuni pour que les 569 parlementaires votent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Sauf qu'André Philip fait partie des 80 élus qui disent non.
Au printemps 1941, il est l'un des premiers à s'engager dans la Résistance. Il organise le mouvement Libération dans la zone libre et participe chez Emmanuel Mounier à des réunions où il rencontre Jean Lacroix, Joseph Hours, Martin-Chauffier et François de Menthon, à l'origine par la suite de la création du MRP, le parti démocrate-chrétien.
Le gouvernement de Vichy découvre l'activité clandestine d'André Philip. Révoqué de la fac de droit, il embarque pour l'Angleterre via Gibraltar en juillet 1942, grâce à Pierre Brossolette, socialiste et résistant.
A Londres, Charles de Gaulle le nomme aussitôt membre du Comité de la France Libre. Face à ceux qui, comme le lyonnais Jacques Soustelle, veulent entretenir la haine de l'Allemagne nazie, André Philip préfère se battre pour une Europe démocratique.
S'il le trouve chaleureux, sympathique mais aussi peu organisé et bouillant, Charles de Gaulle lui confie la charge des Renseignements généraux en tant que commissaire à l'Intérieur.
Sa mission ? Unifier les mouvements de résistance dans le Conseil national de la Résistance. L'objectif est de restructurer la vie politique française pour qu'à la fin de la guerre, de nouvelles têtes émergent et forment un gouvernement. C'est, selon le général, le seul moyen d'éviter que Franklin D. Roosevelt n'impose ses hommes et son système en France.
André Philip tentera d'ailleurs de négocier avec le président américain pour qu'il reconnaisse l'autorité de Charles de Gaulle. Sans succès.
Résistant mais pas un homme d'action, le Lyonnais préfère piloter le mouvement depuis Londres, puis Alger à partir de 1943. Et ne revient en France qu'à la mi-septembre 1944, alors que Paris est déjà libérée.
S'ił n'a participé à aucun combat, André Philip est nommé ministre d'Etat dans le gouvernement provisoire.
Réélu député du Rhône en octobre 1945, il fait partie de la commission chargée d'élaborer la constitution de la IVe République. Il milite pour un régime d'assemblée, avec des mandats impératifs, c'est-à-dire la nécessité pour le gouvernement de s'incliner devant la volonté des parlementaires. Mais de Gaulle refuse catégoriquement, préférant un pouvoir exécutif fort. Le général démissionne alors du gouvernement le 20 janvier 1946, et beaucoup pensent qu'André Philip, qui a contribué à son départ, va le remplacer. C'est finalement un autre socialiste, Félix Gouin, qui obtient l'investiture. Et il nomme Philip au double ministère des Finances et des Affaires économiques.
Le Lyonnais préconisait dans un rapport remis à de Gaulle en 1944 l'instauration d'une économie dirigée, la participation ouvrière et la nationalisation des industries. Désormais aux manettes, il met en oeuvre cette politique, avec pour objectif de maîtriser l'inflation.
Mais c'est un échec, car l'inflation reste très forte. On le surnomme alors le pape du dirigisme. Et sa constitution est rejetée par les Français lors d'un référendum en avril 1946. André Philip participe ensuite à l'élaboration d'une nouvelle constitution, accordant plus de pouvoir au chef de l'Etat. Elle est approuvée d'une courte majorité le 13 octobre 1946 et Vincent Auriol est élu président de la République.
Là encore, André Philip est pressenti pour devenir Premier ministre, mais Paul Ramadier est finalement choisi à sa place. Lui reste ministre de l'Economie jusqu'à la démission du chef du gouvernement en novembre 1947.
Un nouveau défi européen
Victime de la vague gaulliste aux législatives de 1951, il perd son mandat de député. André Philip prend alors une envergure internationale en devenant président de la délégation française à la commission économique européenne de l'ONU. Il consacrera le reste de sa vie à se battre pour la construction de l'Europe.
A ses yeux, il faut aller plus loin que Maurice Schuman et créer une fédération d'Etats socialistes d'Europe. Il s'intéresse aussi de près aux relations entre l'Europe et les pays défavorisés, et plaide pour la mise en place d'organismes de stabilisation des prix, pour garantir les ressources financières nécessaires au développement économique des pays du tiers-monde exportant surtout des matières premières et se rendant dépendants des prix mondiaux. A la conférence de Genève de 1964, André Philip propose même l'affectation de 1% du PNB des pays industrialisés aux pays pauvres !
Le Lyonnais se bat également pour l'indépendance des colonies françaises et surtout de l'Algérie. Et s'oppose à la politique algérienne des socialistes Guy Mollet et Robert Lacoste, allant jusqu'à dénoncer dans son livre "Le socialisme trahi" la torture pratiquée par l'armée française. Ce qui lui vaut d'être exclu du comité directeur de la SFIO en février 1957, puis un an plus tard de la SFIO elle-même.
André Philip envisage alors de fonder un nouveau parti socialiste. Il adhère au PSU en 1960 où il retrouve Michel Rocard, Pierre Beregovoy, Jean Poperen ou Pierre Mendès-Frnace, mais démissionne deux ans plus tard, ne supportant pas les prises de position anti-européennes de la formation politique.
André Philip meurt d'un cancer en 1970, un an avant le congrès d'Epinay qui verra François Mitterrand renouveler le parti socialiste.
Grand résistant ayant participé à la reconstruction de la vie politique française à la Libération, il fut un humaniste avant d'être un véritable homme politique. Souvent placé et jamais gagnant, il est passé à côté d'une plus grande carrière nationale. Et ça, Charles de Gaulle lui avait prédit en 1967 : "Comment faire pour être à la fois doctrinaire, c'est-à-dire fidèle, et politique, c'est-à-dire manoeuvrier ?"
Merci pour cette chronique qui nous rappelle ou nous fait découvrir André Philp cet homme politique humaniste et visionnaire..
Signaler RépondreEn quoi cela est contradictoire ? Si vous connaissez l histoire rien de surprenant ! Il suffit de regarder qui n a pas voté les pleins pouvoir à Petain pour comprendre les fakes news actuelles. Et je ne parle pas du grand Blum et des membres de son gouvernement dont la plupart sont morts en sortie de guerre. Ça change des soit disant français qui ont fini par fuir à Sigmaringen espérant une contre attaque allemande
Signaler Répondre👍🏻👍🏻👍🏻
Signaler RépondreEn effet un grand monsieur
Signaler RépondreRien avoir avec certains politiciens lyonnais dont un certain ministre
Ça pourrait très bien revenir à la mode
Signaler RépondreUn vrai résistant
Signaler RépondrePas comme Mitterrand collaborateur.du régime de Vichy ....
"intellectuel et humaniste comme lui" : qu'en termes galants ces choses là sont dites...
Signaler RépondreCa faisait fureur a l'époque
Signaler RépondreMarrant,Il a la même tête que bob le vrai
Signaler RépondreSocialiste et résistant, on est plus à une contradiction près, un peu comme RN et humaniste.
Signaler RépondreLes socialistes d’aujourd’hui capables de se prosterner devant des islamogauchistes pour un plat de lentilles ont bien changé. N’est-ce pas Mr Faure ?
Signaler RépondreC'est vrai qu'a notre époque, on a surtout des faux cul de haut niveaux .
Signaler RépondreLe fameux National Socialisme des années 1930 venu d'Allemagne ?
Signaler RépondreTrès seyante cette petite moustache
Signaler RépondreUn très grand personnage ce monsieur.il etait contre la colonisation.un grand humanitaire.
Signaler RépondreLe pauvre s’ii voyait les socialistes islamos collabos d’aujourd'hui il serait écœuré
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