L'Art lyonnais de la rencontre par Alexis Jenni

L'Art lyonnais de la rencontre par Alexis Jenni
Alexis Jenni renocntrait vendredi ses lecteurs lyonnais à la librairie Decitre place Bellecour à Lyon - LyonMag

L’écrivain lyonnais, qui a remporté le prix Goncourt 2011 pour son roman L’art français de la guerre, était vendredi chez Decitre place Bellecour pour une rencontre-dédicace avec ses lecteurs lyonnais.

Barbe rousse et inamovible chemise blanche, manches retroussées aux trois quarts, Alexis Jenni a l’allure légère, décontracté sur sa chaise. Face à lui, une cinquantaine de Lyonnais, et presque autant dans le petit couloir qui mène à l’arrière salle de la librairie Decitre. Un peu plus tôt dans l’après-midi, le frais Goncourt 2011 dispensait son cours de sciences et vie de la terre à ses élèves du lycée Saint-Marc, rue Sainte-Hélène. « Ça me fait du bien de revenir vers eux », confesse-t-il. En guise d’accueil, le professeur Jenni a eu droit à sa caricature au tableau noir. Et à une standing ovation. « Mon premier cours cet après-midi était sur le thème de l’évolution, précise-t-il. J’espère pour ma part ne pas avoir muté, mais évolué. » Car si le Goncourt peut changer la vie, il n’a visiblement pas dévoyé la personnalité de son récipiendaire.

Dans son échange liminaire avec le chargé de la programmation de la Fête du Livre de Bron Yann Nicol - préalable à la séance de dédicaces, Alexis Jenni pose immédiatement le paradigme de son ouvrage. « C’est un roman, c’est une fiction, ce n’est pas un ouvrage historique », explique-t-il. Puis continue dans une triple acception. « J’ai essayé de dépeindre quelqu’un qui a vécu la guerre, qui la raconte, et comment son histoire résonne dans la tête de son auditeur. » La rencontre entre Victorien Salagnon, militaire à la retraite et peintre amateur, et un trentenaire désoeuvré cristallise cette triple ambition dans L’Art français de la guerre. Elle en est également le « moteur intime », selon l’auteur. « La relation de maître à disciple dans ce binôme est fondamentale, justifie-t-il. C’est comme cela que l’on peut transmettre, avec subtilité et profondeur. » Les deux protagonistes passent alors un marché : le narrateur écrira l'histoire de Victorien Salagnon en échange de cours de dessin.

S’il présente son ouvrage comme un « diagnostic des violences contemporaines » du point de vue du roman, Jenni confesse également sa dimension cathartique. « Ce livre a été une machine à comprendre pour moi, reconnait-il. J’en sais plus, mais pas beaucoup plus. » Ce chaos provoqué par « le fantasme français de la violence et l’image particulière de la force » a guidé la plume de l’auteur. Jusqu’à son point final. « La presqu’île était alors à feu et à sang, explique-t-il, évoquant les émeutes urbaines d’octobre 2010 à Lyon qu’il voyait depuis sa fenêtre alors qu’il terminait la rédaction de son ouvrage. Des CRS-Ninjas attrapaient des gamins de 14 ans... » Une déviance sécuritaire qu’il juge « absurde et inspirée du grand art français de la guerre, quant à l’utilisation de la force à tort et à travers », témoignage mortifère d’une « société éclaté, hiérarchisée et inégalitaire. »

Clin d’oeil évident à L’Art de la Guerre de Sun Tzu, traité taoiste qui fustige déjà, cinq siècles avant JC, l’échec de la force, L’Art français de la guerre est un ouvrage éminemment politique. Même si son auteur s’en défend. « Demandez moi comment gérer la délinquance en France, je ne saurai pas vous répondre », se prémunit-il. Mais les thématiques de la transmission et de l’engagement, telles qu’elles éclatent dans le roman, ont valeur d’aveu. L’échange informel entre l’auteur et son auditoire prend fin. Pour laisser place aux dédicaces. Exercice jubilatoire auquel se prête Alexis Jenni. De bonne guerre.

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