“Alors que sa compagnie était à Lyon il y a encore quelques jours pour “L’amour-La danse”, je savais que Maurice Béjart vivait ses derniers instants. Pour moi et pour toute l’équipe, le spectacle prenait une dimension et une émotion très particulière. Du coup, aujourd’hui son décès n’est pas une surprise. Car il était malade depuis de très longs mois. Il aurait souhaité un passage vers l’Au-delà en douceur. Ça n’a pas été le cas car il a énormément souffert. Et sa mort est finalement un soulagement.
Maurice Béjart est l’homme qui a rendu la danse populaire. Un art qui avait été confisquée par l’élite et qu’il a redonné au peuple. D’ailleurs c’est aussi lui qui a redonné une place centrale aux interprètes masculins. Avec par exemple George Donn qui était aussi connu que Zidane à l’époque du “Boléro” au début des années 60. Pourtant Béjart n’était pas révolutionnaire. Il utilisait une technique classique mais il avait le pouvoir de créer des images et des émotions exceptionnelles. Son style reste d’ailleurs unique. On reconnaît tout de suite ses solos et ses pas de deux.
Et si à une période se moquer de Béjart était à la mode, il faisait à nouveau l’unaminité. Et c’est normal car même si certaines de ses œuvres n’étaient pas au niveau, il laisse des monuments extraordinaires : “Boléro”, “Le Sacre du printemps”, “Roméo et Juliette”, “Notre Faust”... Des chorégraphies qui sont présentées par les plus grandes compagnies : L’Opéra de Paris, le Tokyo Ballet, Alvin Ailey... Et qui restent incroyablement actuelles.
J’ai souvent rencontré Maurice. Je crois qu’il avait beaucoup d’affection pour moi et j’en avais beaucoup pour lui. C’était un homme fantastique, qui avait un amour de la vie et de la danse que je n’ai trouvé chez personne d’autre. Je pense que son seul regret est finalement de ne pas être décédé au milieu de ses danseurs comme Molière est mort au milieu de ses comédiens.
La saison prochaine, la Maison de la danse proposera “Zarathoustra”, sa dernière création. Une œuvre qui est véritablement le testament de Béjart. Car elle contient toutes ses qualités et ses défauts. Ce sera notre hommage à un des chorégraphes qui a le plus fait avancer la danse.”