Hormone de croissance : "On veut la vérité !"

Hormone de croissance : "On veut la vérité !"

Le procès de l'hormone de croissance s'est ouvert à Paris hier. La réaction de Jeanne Goerrian, présidente de l'association des victimes de l'hormone de croissance, dont le fils est mort à Lyon en 1994, et qui vient de sortir un livre sur ce scandale sanitaire.

L'histoire de votre fils ?
Jeanne Goerrian : Mon fils Eric est né le 23 mai 1969 à Saint-Etienne. Il a eu une tumeur cérébrale quand il était enfant et il a fallu l'opérer. Le problème c'est qu'à l'issue de cette opération, son hypophyse ne produisait plus d'hormone de croissance. Donc à partir de 10 ans, Eric ne grandit plus et il reçoit un traitement. Chaque jour, on lui fait une piqûre pour lui injecter de l'hormone de croissance. Mais cette hormone avait été prélevée dans des cerveaux malades et mon fils a été atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Et le 30 mars 1994, il meurt à l'hôpital neurologique Pierre-Wertheimer de Lyon, à l'âge de 24 ans, après une agonie épouvantable.
Comment s'est passé le procès hier ?
L'ambiance était assez lourde pour les familles parce que c'était la première fois qu'elle se retrouvait en face des responsables : les responsables de France Hypophyse, l'association qui collectait les hormones de croissance prélevées sur des cadavres, ceux de l'institut Pasteur, et ceux de la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris qui distribuait l'hormone.
Ce que vous avez ressenti en arrivant au palais de Justice ?
On a tous eu une pensée pour nos enfants. Mais on était aussi très uni et très solidaire car on veut tous la même chose : la vérité.
Ce que vous attendez de ce procès ?
On veut comprendre ce qui s'est passé, quels ont été les dysfonctionnements qui ont abouti à cette catastrophe. Et j'ai peur que ce ne soit pas facile car les scientifiques mis en examen se défendent en disant : “on ne savait pas”. En fait, ces personnes sont de véritables mandarins, imbus d'eux-mêmes et persuadés qu'ils sont les seuls à détenir la vérité alors que nous, on est incapable de comprendre parce que nous ne sommes pas des scientifiques. Or, l'enquête judiciaire a mis en avant des faits complètement ahurissants.
Vous avez des exemples ?
Les hormones de croissance injectées dans le corps de nos enfants ont été prélevées dans des hôpitaux psychiatriques et des instituts médico-légales, sur des cerveaux de cadavres atteints d'Alzheimer, de démence, de cancer... Alors que c'était interdit. Un médecin de l'institut Pasteur de Lyon avait même alerté les autorités parce qu'il s'était aperçu que des lots d'hormone comportaient des éléments cancérigènes, ce qui n'a pas empêché ces lots d'être écoulés.
Ce qui explique cette négligence ?
Quand le traitement de l'hormone de croissance a été mis au point, il y a eu énormément de demandes dans les années 80, de la part de parents dont les enfants ne grandissaient pas ou peu. Du coup, pour satisfaire cette demande, France Hypophyse a cherché à se procurer de l'hormone de croissance par tous les moyens possibles et entre 1984 et 1985, elle va distribuer des lots d'hormones nocives qui vont tuer plus d'une centaine d'enfants en France.
Le procès va durer combien de temps ?
4 mois. Et j'espère que la Justice sera juste. Tout ce qu'on demande, c'est la vérité, pour la mémoire nos enfants.

Propos recueillis par Emmanuel Derville

Jeanne Goerrian : Ils ont tué mon fils deux fois, Bourin éditeur, 2008, 19 euros


Crédit photo : Louis Monier

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