Guy-Pierre Turco : "La Croix-Rousse devient bling-bling"

Guy-Pierre Turco : "La Croix-Rousse devient bling-bling"

Les concerts sont de moins en moins nombreux sur les pentes de la Croix-Rousse. Réaction de Guy-Pierre Turco, le patron du Bistroy, un café-concert qui pourrait bientôt fermer.

Pourquoi le Bistroy est aujourd’hui fermé ?
Guy-Pierre Turco : Parce que la préfecture nous refuse l’ouverture jusqu’à 3 heures du matin. Et comme c’est entre minuit et 3 heures du matin qu’on gagne de l’argent grâce au bar, le Bistroy n’est plus rentable. Mais ce refus de la préfecture n’est que la suite d’un véritable acharnement administratif contre le Bistroy depuis trois ans.
Quel genre d’acharnement ?
Des contrôles abusifs et une multiplication des procédures, car on nous reprochait de faire trop de bruit. Donc on a fait des travaux d’insonorisation, mais cela n’a pas suffi. On a vécu trois ans d’emmerdements à cause du service d’Ecologie urbaine de la ville de Lyon dirigé par le docteur Ritter qui veut la mort des cafés-concerts, car pour lui ce sont, je le cite, “des centrales nucléaires en centre-ville”. Alors que parallèlement la Ville nous soutient en nous accordant le label “scène découverte” et des subventions. Bref, on nous aide d’un côté et on nous flingue de l’autre !
Le Bistroy pourrait fermer définitivement ?
Oui, on pourrait bientôt déposer le bilan. Car depuis septembre 2007, on a programmé une dizaine de concerts seulement. Résultat, j’ai perdu 80% de mon chiffre d’affaires, notre dette s’élève à 200 000 euros, j’ai dû licencier mon salarié... Aujourd’hui je suis au bout du rouleau. Et c’est ma femme qui me fait bouffer. Ça ne peut plus durer.
Mais avouez que vous avez aussi fait des erreurs !
Qui n’a pas jamais fait d’erreurs ? J’ai toujours essayé de faire évoluer le lieu, de l’adapter aux nouvelles normes... Après, c’est vrai qu’entre 2004 et 2006, j’ai un peu lâché les commandes, car je pensais avoir trouvé une équipe qui pouvait diriger le Bistroy. Mais quand j’ai constaté que ça ne marchait pas, je suis vite revenu. Peut-être trop tard. Cela dit, le vrai problème, c’est qu’on est installé en centre-ville.
Le Bistroy a toujours sa place à la Croix-Rousse ?
Franchement, je me pose la question. En 1995, il y avait une quinzaine de cafés-concerts à la Croix-Rousse, comme les Loufiats, le Bock’son... La proximité et la diversité des salles faisaient la qualité des pentes. On pouvait passer du rock à de la musique orientale ou à un concert brésilien. Mais aujourd’hui, il n’y a plus que le Bistroy. La mairie préfère installer des galeries, des créateurs de mode dans le passage Thiaffait... La Croix-Rousse devient bling-bling.
Comment vous expliquez cette évolution ?
En fait, il y a un changement sournois mais efficace, qui s’explique par l’augmentation des prix de l’immobilier. Certains appartements ont pris 400 % en dix ans ! Du coup, la Croix-Rousse est devenue un des quartiers les plus chers de Lyon. Résultat, les étudiants ont été remplacés par des bobos et des dandys qui veulent garer leur 4x4 en bas de chez eux. Et ils se plaignent du bruit dès que quelqu’un parle un peu fort à la sortie des bars le soir. Alors qu’on était là bien avant eux !
Mais c’est normal de vouloir vivre au calme !
Le calme en centre-ville, c’est une utopie ! Dans le 1er arrondissement, il y a 358 débits de boissons, la population double en fin de semaine... Quand on achète un appartement, on regarde le cadre de vie, l’environnement, les transports... mais aussi les nuisances éventuelles !
Tous les centres-villes sont condamnés à devenir des quartiers calmes ?
Non, il suffit de voir Berlin, Amsterdam ou Barcelone qui ont gardé un centre-ville animé et vivant. Mais en France, notamment dans les villes dirigées par la gauche, on installe en périphérie les lieux réservés à la culture. Avec par exemple le quartier de la Rhumerie à Nantes ou le Confluent à Lyon. Mais moi je n’ai pas envie d’un Disneyland de la culture au Confluent ! Il faut que la culture, notamment les lieux de concerts, restent en centre-ville. D’ailleurs, si Lyon veut devenir la capitale européenne de la culture en 2013, ça ne pourra pas se faire sans nous.

Propos recueillis par Laurent Sévenier

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