Magistrats : "Des boucs-émissaires"

200 magistrats ont manifesté à Lyon en octobre dans le cadre d'une journée d'action nationale contre la politique de Rachida Dati. Les explications de Pierre Garbit, président du TGI.

200 magistrats qui manifestent à Lyon, c’est une grande première !
Pierre Garbit : Oui, surtout que cette manifestation réunissait magistrats et avocats au-delà des appartenances syndicales. D’ailleurs, le procureur et moi-même étions présents pour montrer qu’on était solidaire. Et c’est la première fois de ma carrière que je descends dans la rue pour suivre un mouvement de protestation.
Ce que vous demandez concrètement ?
Que les magistrats soient écoutés avant qu’une réforme soit annoncée, car on a quand même une certaine expertise pour donner notre avis. Exemple : le gouvernement souhaite réformer les tutelles. Du coup, les magistrats devraient réexaminer tous les dossiers. Soit plus de 10 000 rien qu’à Lyon ! Et comme on passe en moyenne 2h par dossier, il faudrait embaucher un juge supplémentaire pendant trois ans uniquement pour faire face à cette réforme. Alors que dans le même temps, on a trois départs à la retraite qui ne vont pas être remplacés. On voudrait donc que le gouvernement mette en place une étude d’impact afin d’évaluer les conséquences d’une réforme avant son application définitive.
Mais vous comprenez que le gouvernement veuille réformer la justice ?
Bien sûr. Les magistrats ne sont absolument pas opposés aux réformes. On demande simplement que le gouvernement nous consulte avant de prendre une décision.
Les magistrats ont d’autres revendications ?
On regrette la gestion politique des faits divers. On a l’impression qu’on ne parle que de nos erreurs. Par contre, on passe sous silence notre travail quotidien, qui est souvent réalisé dans des conditions difficiles. Bref, on est trop souvent les boucs-émissaires du système médiatique et politique.
Donc c’est la faute des médias ?
Non, je ne veux pas attaquer les médias. Je constate juste que, depuis un certain temps, des événements négatifs pour l’image des magistrats sont repris en boucle dans les médias, et qu’on cherche à dénigrer notre métier.
Mais il faudrait peut-être que les magistrats assument leurs erreurs !
Mais les magistrats sont des gens responsables. Après, il faut analyser pourquoi l’erreur a été commise : surcharge de travail, délais d’exécution trop courts... De toute façon, quoi qu’on fasse, on est critiqué ! Si un magistrat est trop sévère, l’opinion publique se plaint de la surpopulation carcérale. Et si le magistrat est plus cool, on va lui reprocher des problèmes de récidives.
Ce n’est pas un peu facile de jouer les victimes !
Je ne cherche pas à déresponsabiliser la magistrature mais j’estime qu’avant de condamner, il faut réfléchir. Car on ne peut pas dire que tous les magistrats sont des fumistes ou des irresponsables. D’ailleurs, un certain nombre de parlementaires font des périodes d’immersion dans les juridictions et quand ils en sortent, ils prennent conscience des contraintes auxquelles nous devons faire face au quotidien.

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