Nucléaire : "Des usines complètement obsolètes"

Nucléaire : "Des usines complètement obsolètes"

Depuis cet été, plus d’une dizaine d’accidents ont eu lieu dans la région. Stéphane Lhomme, porte-parole de l’association Sortir du nucléaire, dresse un constat inquiétant.

Il y a eu beaucoup d’accidents nucléaires dans la région ?
Stéphane Lhomme : Oui. L’association Sortir du nucléaire a comptabilisé plus d’une dizaine d’accidents nucléaires ou industriels depuis le mois de juillet dans la région Rhône-Alpes. Soit plus de deux accidents par mois.
Les accidents les plus graves ?
Sans aucun doute celui du 7 juillet dernier, où 360 kilos d’uranium se sont échappés de l’usine Socatri d’Areva, installée sur le site de Tricastin dans la Drôme. Dont plus de 75 kilos d’uranium qui se sont déversés dans  une rivière, la Gaffière. D’où une interdiction totale de consommer l’eau et de pêcher. Mais ce n’est pas la seule affaire de ce genre. Le 18 juillet, on a découvert que la tuyauterie d’une usine à Romans-sur-Isère était rompue depuis plusieurs années et que de l’uranium se déversait dans la nature. Même chose le 22 août, où il y a eu une fuite d’uranium à l’usine Comurhex de Pierrelatte. Encore un problème de canalisation qui était rompue depuis plusieurs années. Cette usine, qui appartient à Areva, a d’ailleurs reconnu que 250 grammes d’uranium ont pu être rejetés dans le sol chaque année.
Les industriels minimisent les risques ?
C’est évident ! D’ailleurs, ils s’arrangent toujours pour classer les accidents en niveau 1 sur une échelle de risques qui va jusqu’à 7. Pour tenter de faire croire que les rejets radioactifs sont faibles, sans risque réel pour la santé. Alors que dans la majorité des cas, on pourrait classer les accidents en niveau 3. Mais les industriels veulent éviter toute polémique.
Comment expliquer ces problèmes à répétition ?
Ce sont des usines complètement obsolètes. Mais au lieu de construire de nouvelles installations, les industriels bricolent en réalisant des travaux ponctuels. Résultat : on va avoir une multiplication de ce genre de problèmes, voire un accident très grave, surtout dans la région Rhône-Alpes.
Rhône-Alpes est une zone à risque ?
Oui. Car c’est une région très nucléarisée, notamment avec le site du Tricastin qui compte des dizaines d’entreprises à risque : Eurodif spécialisée dans l’enrichissement d’uranium, Comurhex et Cogema, des usines de chimie de l’uranium... Mais surtout la Socatri qui traite des effluents radioactifs. En plus, la région compte quatre centrales nucléaires : à Tricastin dans la Drôme, à Saint-Alban en Isère, dans le Bugey et à Cruas en Ardèche. Car notre région est près du Rhône, un fleuve large et puissant, où les industriels peuvent déverser leurs saloperies plus discrètement.
Mais des prélèvements sont réalisés régulièrement !
Bien sûr, mais on ne sait pas quand sont réalisés ces prélèvements, à quel endroit... Souvent les industriels attendent que les produits chimiques soient un peu dilués pour pouvoir minimiser les dégâts. Il faut aussi savoir que le nucléaire rejette énormément de produits chimiques dans l’environnement. D’ailleurs, le 19 novembre, il y a eu une fuite d’huile industrielle qui provenait de la centrale nucléaire du Bugey. Résultat, une centaine de litres d’huile s’est déversée sur plusieurs kilomètres dans le Rhône.
Ceux qui sont les plus touchés par ces rejets radioactifs ?
Les riverains qui habitent à proximité d’une centrale nucléaire ou d’une usine à risque. D’ailleurs, une étude publiée récemment par des scientifiques allemands a prouvé que les gens qui vivaient à 50 km autour d’une zone à risque contractaient plus facilement un cancer à cause de rejets radioactifs réguliers. Sans oublier les salariés qui sont aussi particulièrement touchés par ces risques radioactifs.
Le profil de ces salariés ?
Ils sont généralement dans une situation précaire, en intérim ou en CDD, et ils réalisent plus de 80% des opérations dangereuses. Ce sont eux qui vont resserrer des boulons ou changer des tuyaux dans les zones irradiantes. On les appelles d’ailleurs les nomades du nucléaire, car ils vont de centrale en centrale, selon les opérations de maintenance à réaliser. Le pire, c’est qu’une fois qu’ils sont bien irradiés, EDF les licencient. Comme ça, ils n’apparaissent pas dans les statistiques des salariés du nucléaire.
Vous n’exagérez pas un peu ?
Pas du tout ! Rien qu’en juillet dernier, 15 salariés ont été contaminés après une fuite dans la centrale nucléaire de l’Isère, à Saint-Alban. Et 100 autres ont été irradiés à la suite d’une erreur de manipulation lors d’une opération de maintenance à la centrale nucléaire d’EDF à Tricastin. Mais c’est difficile d’évaluer le nombre de salariés qui ont contracté une maladie après une exposition à répétition, car les cancers se déclarent plusieurs années après.

Propos recueillis par Nadège Michaudet
n.michaudet@lyonmag.com

4 milliards
Contactée par Lyon Mag, EDF ne s’estime pas responsable des différents incidents nucléaires survenus depuis cet été dans la région : “Les événements qui ont eu lieu sur les centrales nucléaires de Tricastin, Bugey et Cruas n’ont pas de lien (entre eux) et n’ont eu aucune conséquence sur les personnes, l’environnement et la sûreté des installations”. Même réaction d’Areva, qui a également réagi par un communiqué : “On a toujours tout dit, sans essayer de minimiser quoi que ce soit.” Et d’ajouter : “Areva a rappelé dès le mois d’août sa volonté de continuer la modernisation des installations (plus de 4 milliards d’euros investis sur le site du Tricastin). Nous construisons des usines neuves en ce moment, ce qui ne veut pas dire que les actuelles ne sont plus sûres.”

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