Qui était Henri Germain, le financier audacieux, fondateur du Crédit Lyonnais ?

Qui était Henri Germain, le financier audacieux, fondateur du Crédit Lyonnais ?

A l'origine du Crédit Lyonnais, il y a bien sûr... un Lyonnais. Henri Germain, agent de change et fils de soyeux a créé la banque en 1863, en pleine révolution industrielle. Là où ses concurrents se contentaient de gérer le patrimoine de riches dynasties, lui a innové en finançant des projets, s'impliquant dans la vie économique.

Né le 19 février 1824, Henri Germain est un fils de la bonne bourgeoisie lyonnaise. Son grand-père était échevin, son père soyeux... Il reçoit une éducation classique au collège Royal de Lyon, où se retrouvent à l'époque tous ses semblables. Mais les études ne l'intéressent guère. La priorité est donnée à l'enseignement du latin et du grec, lui rêve d'apprendre d'autres langues vivantes. Les cours de philosophie avec l'abbé Noireau le passionnent toutefois.

Henri Germain s'accroche et part ensuite à Paris suivre des études de droit. Puis il travaille comme agent de change quelques années, avant de revenir à Lyon à 26 ans. Il épouse Laure-Clotilde du Moy, une jeune Lyonnaise dont le père est un riche négociant en soie. La dot apportée par ce dernier est colossale : plus d'un million de francs en actions, foncier et capitaux. Henri Germain dispose ainsi d'un confortable coussin pour se faire une place parmi les entrepreneurs lyonnais.

Le déclic, Henri Germain l'a lors de conversations avec des chefs d'entreprises saint-simoniens, ce groupe d'humanistes convaincus que l'avenir de la société passe par son industrialisation. Parmi eux, François Barthélémy Arlès-Dufour, important homme d'affaires de la capitale des Gaules. C'est ensemble qu'ils décident de créer un nouvel établissement de crédit.

La révolution industrielle bat son plein et les entrepreneurs ont besoin d'argent pour lancer leurs affaires, leurs projets. Sauf qu'à l'époque, la majorité des banques sont des institutions familiales repliées sur elles-mêmes et les deniers qu'elles protègent. Elles se contentent de gérer la fortune d'une clientèle très riche.

Avec son projet novateur, Henri Germain réussit à fédérer autour de lui 200 chefs d'entreprises convaincus. Et en 1863, il fonde le Crédit Lyonnais, dont il installe les bureaux dans le Palais du Commerce, l'actuel Palais de la Bourse aux Cordeliers. Une rue porte aujourd'hui son nom dans le quartier.

Le succès est immédiat, car pour lancer sa banque, Henri Germain propose aux bourgeois lyonnais de faire travailler leurs économies qui dorment dans des bas de laine. La promesse est une vraie révolution à l'époque : un taux de 2% par an ! En un an, il réussit à conquérir 10 000 clients, dont il utilise l'argent pour prêter aux entrepreneurs lyonnais qui se lancent.

Pas question toutefois de prêter à n'importe qui et risquer le capital de ses clients. Henri Germain invente un système de renseignements qui lui permet de savoir si l'entreprise est sérieuse. Prudent, il veut maîtriser les risques, comprenant rapidement que la crédibilité est la clé de voûte d'une banque.

Une ascension fulgurante

Parmi les grands projets que le Crédit Lyonnais finance, on retrouve la première ligne de chemin de fer construite entre Lyon et Saint-Etienne par Marc Seguin. Ou la Lyonnaise des Eaux en 1879. Il investit également beaucoup sur la Côte d'Azur, un concept qu'il contribue à lancer, à Cannes notamment.
Et à la fin des années 1870, il est l'un des premiers banquiers à prêter aux Etats étrangers, prenant soin de sélectionner les pays offrant d'excellentes garanties.

Pas de grande aventure sans échecs. Et Henri Germain en enregistre plusieurs. En 1866, il investit massivement dans une entreprise de colorants chimiques. Mais la Fuschine dépose le bilan. Même sort pour une usine à gaz en Espagne.

Et puis il y a les évènements de Marseille, qui le poussent à arrêter la banque-industrie, et revenir à des activités plus traditionnelles. Le Crédit Lyonnais avait prêté de l'argent à de petites banques marseillaises qui ont toutes fait faillite. Leurs clients, pensant que le Crédit Lyonnais allait déposer le bilan à son tour, avaient voulu retirer leurs fonds en même temps, ce qui exigeait des liquidités énormes. Henri Germain avait rapidement réagi, transférant des fonds à Marseille, sauvant sa banque d'une crise dont elle ne se serait pas relevée.

En privé, Henri Germain est un homme intelligent, rigoureux, ferme et doté d'un important sang-froid. Mais aussi très autoritaire, y compris avec son entourage qui le craint et lui obéit.

Son train de vie est celui d'un bourgeois lyonnais tranquille. En 1864, il a acheté un superbe château à Rillieux-la-Pape où il reçoit beaucoup. Mais en 1867, sa femme décède des suites d'une grave maladie. Une épreuve difficile pour Henri Germain, qui se remarie deux ans plus tard avec Blanche Vuitry, fille du gouverneur de la Banque de France.

Son sang-froid est mis à rude épreuve, car les crises se succèdent. Comme en 1882, avec le crash de l'Union Générale à Lyon. Sous l'effet de la spéculation, les actions de cette banque montent très vite. Henri Germain comprend que les agents de change qui misent sur cette valeur vont se ruiner. Il donne alors des ordres très stricts pour que les prêts soient remboursés à très court terme.

Henri Germain est très attaché à Lyon, mais une dizaine d'années seulement après la fondation du Crédit Lyonnais, il installe son siège à Paris. Et lui-même s'installe dans la capitale en 1882. La faute en partie à sa femme qui ne supporte pas ses amis lyonnais qu'elle juge trop provinciaux.

Quitter Lyon n'est pas facile pour Germain, mais ça lui permet de côtoyer l'élite politique et économique.

Quand il ouvre une agence à l'étranger ou qu'il signe un gros contrat, il se déplace en personne. Henri Germain aime savoir avec qui il fait affaire et ça lui permet de sentir l'ambiance du pays, considérant ses agences comme des thermomètres du climat social et politique.

Il s'implante en Europe, au Moyen-Orient, en Russie, en Asie... Une agence ouvre à New-York en 1879 mais l'un des directeurs prend des risques en investissant dans une affaire de ferraille. Henri Germain préfère alors se retirer en 1881, à regret car le marché américain est une opportunité unique avec ses milliers de kilomètres de chemins de fer à construire.

En moins de 30 ans, le Crédit Lyonnais est devenu la première banque du monde. En 1900, Henri Germain est un homme très influent et tous les chefs d'Etat le connaissent.

Tenté par la politique, il se fait plusieurs fois élire député entre 1869 et 1893. Son fief était à Trévoux dans l'Ain. Libéral, il serait classé aujourd'hui au centre gauche.

Si certains scandales mêlant politique et affaires comme celui de Panama éclatent à l'époque, Henri Germain passe à travers les gouttes. Il a la réputation d'un homme droit et honnête. Personne ne le contestera jusqu'à sa mort à Paris en 1905.

Son fils André aurait pu lui succéder, mais c'est un littéraire qui déteste le monde bancaire. C'est donc son gendre, puis les cadres du Crédit Lyonnais qui prennent la suite.

A sa mort, le Crédit Lyonnais emploie 12 915 salariés, avec un bilan qui augmente chaque année. En 1901, il est de 1700 millions de francs. Et il grimpe à 2830 millions en 1913. La guerre de 14-18 plonge ensuite de nombreux Français dans la ruine, et plus de 1500 employés ont été tués au combat. Suivront ensuite la nationalisation de la Banque après la Seconde guerre mondiale, les scandales dans les années 80...

A Paris, le portrait et la statue d'Henri Germain trônent toujours au siège du Crédit Lyonnais. Tout le monde invoque son nom, y compris les syndicats, car il était un patron social.

3 commentaires
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oui sauf que le 10/03/2025 à 17:31
Ex Précisions a écrit le 09/03/2025 à 16h46

Le Crédit Lyonnais est encore aujourd'hui associé à Bernard Tapie, Henri Germain a dû se retourner moult fois dans sa tombe...

les déboires du Nanard , c'était peanuts dans le désastre du CL ; c'est bien l'incompétence et l'inconséquence des copains de Tonton qui ont coulé ce fleuron de la France

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Ex Précisions le 09/03/2025 à 16:46

Le Crédit Lyonnais est encore aujourd'hui associé à Bernard Tapie, Henri Germain a dû se retourner moult fois dans sa tombe...

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Tatin le 09/03/2025 à 13:26

"Collège Royal de Lyon" sous la Restauration, initialement Collège de la Trinité, Lycée Impérial sous Napoléon, Lycée Ampère depuis 1888.

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