Qui était Camille de Neufville, l'archevêque gouverneur de Lyon ?

Qui était Camille de Neufville, l'archevêque gouverneur de Lyon ?
Qui était Camille de Neufville, l'archevêque gouverneur de Lyon ? - DR

Né en 1606, Camille Villeroy de Neufville est destiné très jeune à devenir ecclésiastique. Chanoine de Lyon à 7 ans, il devient abbé d’Ainay à 11 ans… En fait, ce jeune aristocrate va régner sur Lyon et la région pendant plus de quarante ans, exerçant un pouvoir, à la fois politique et religieux. Un personnage clé pour ce XVIIᵉ siècle où les Lyonnais doivent encore affronter famines et épidémies.

Au début du XVIIe siècle, Lyon est une ville de 80 000 à 100 000 habitants, entourée de remparts dont le territoire est encore limité à la Presqu’île, de Bellecour aux Terreaux et à la rive droite de la Saône, c’est-à-dire aux quartiers Saint-Paul, Saint-Jean et Saint-Georges.

C’est une ville très commerçante. Chaque année se déroulent quatre foires importantes, même si ce ne sont plus les grandes foires du XVIᵉ siècle. Lyon n’est plus la capitale bancaire de l’Europe qu’elle a été au XVIᵉ siècle. Mais c’est encore une grande ville de banque où se fixe le taux de change en France…

Le XVIIᵉ siècle est un siècle très dur en France. Il y a de grandes famines, de grandes épidémies… La grande peste en 1628 est un événement terrible qui, à Lyon, décime un quart de la ville. Et cette épidémie reste plus ou moins larvée jusque vers 1640. De plus, les impôts sont très lourds à cause des guerres et la révolte couve…

Mais les soulèvements ne vont jamais très loin car le pouvoir réagit avec fermeté. Lorsqu’une révolte éclate, l’armée intervient, disperse les foules, arrête les meneurs qui sont jugés rapidement et pendus sur la place publique. Le calme revient alors très vite. Jusqu’à la révolte suivante.

Pour les conditions de vie des Lyonnais, on est encore proche du Moyen Âge. Même les gens riches vivent au XVIIᵉ siècle dans de grandes pièces glacées autour d’une cheminée.

Il y a alors trois pouvoirs à Lyon. Un pouvoir municipal, le consulat, qui représente les commerçants. Il y a bien sûr un pouvoir religieux assuré par l’archevêque, nommé par le roi. Et enfin, le pouvoir militaire du gouverneur qui représente directement le roi.

Une famille proche du trône

À l’origine, les Neufville, parfois orthographié Neuville, sont des marchands parisiens qui se sont élevés dans les charges jusqu’à ce qu’un membre de cette famille, Antoine de Neufville, devienne ministre d’Henri IV. C’est d’ailleurs un ministre fidèle. Et cette fidélité au roi devient une tradition familiale. Avec les Neufville, le roi est sûr d’avoir à faire à des gens qui agiront dans l’intérêt et l’esprit de la monarchie. Sur la question protestante, par exemple, ils sont du côté du roi, sans la moindre défaillance.

La famille s’installe à Lyon quand un des fils du ministre d’Henri IV est nommé gouverneur de Lyon : Charles de Neuville, marquis d’Halincourt arrive à Lyon en 1608.

Charles de Neufville n’est pas très connu. On en parle peu et pourtant il a tenu le gouvernement lyonnais du Beaujolais et du Forez, pendant une quarantaine d’années avec beaucoup d’autorité. C’est lui qui, au nom du roi, a définitivement maté les velléités d’indépendance du consulat. C’est aussi lui qui a établi un régime de paix religieuse à Lyon après l’Édit de Nantes qui accorde un régime de semi-liberté aux protestants.

Le gouverneur résidait à la lyonnaise, dans une maison qui ne payait pas de mine, place du Gouvernement, au bord de la Saône.

Charles de Neufville aura plusieurs enfants dont deux fils. Le fils aîné Nicolas qui deviendra le maréchal de France, puis duc de Villeroy, montera au sommet de la hiérarchie sociale. Et Camille, le cadet, est voué à l’état ecclésiastique, ce qui est le cas pour les cadets dans beaucoup de familles nobles.

Les enfants du gouverneur sont élevés par des précepteurs. Et comme tous les enfants de la noblesse, ils apprennent le maniement des armes, font beaucoup d’exercices physiques. Mais ils apprennent aussi à lire et reçoivent une éducation religieuse.

Camille de Neufville naît en 1606 à Rome où son père est, à l’époque, ambassadeur du roi. Ce n’est que l’année suivante qu’il arrive à Lyon avec sa famille.

Très jeune, Camille de Neufville est destiné à devenir ecclésiastique puisqu’il reçoit la tonsure à l’âge de six ans, l’année suivante, il est nommé chanoine de Lyon… Bien entendu, il n’occupe pas cette fonction, mais il a le pied à l’étrier. D’ailleurs, il entreprend des études de théologie à la Sorbonne qu’il poursuivra jusqu’au doctorat.

Ses parents se chargent de lui faire attribuer un certain nombre d’abbayes. À dix ans, il est abbé de Saint-Vandrille, à onze ans, il est abbé d’Ainay et de l’Ile Barbe… Là encore, il n’exerce pas ces fonctions, mais il a le titre et il reçoit les bénéfices. C’est le fameux système de la commende.

En vertu du concordat de 1516, le roi peut attribuer tel ou tel bien ecclésiastique à des sujets fidèles qu’il souhaite récompenser. Du coup, ces abbayes et ces archevêchés sont dirigés par des abbés et des archevêques qui généralement n’occupent pas leurs fonctions. Ils se contentent d’en toucher les revenus. Et souvent ces institutions perdent leur dynamisme religieux.

Le plus puissant des primats des Gaules ?

Après ses études à la Sorbonne, il ne revient à Lyon qu'en 1646, quand il est nommé lieutenant général pour le Lyonnais, le Beaujolais et le Forez. Son frère aîné qui vient de devenir gouverneur de Lyon s’appuie entièrement sur lui pour gérer les affaires locales. À l’époque, il est déjà prêtre, mais il ne sera archevêque que six ans plus tard.

En 1653, il devient Primat des Gaules, en succédant à Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, le frère du célèbre cardinal.

Camille de Neufville s’affirme rapidement comme quelqu’un de compétent et de sage. Il ne brusque jamais les choses, mais sait aussi être très ferme.

C’est un homme instruit et cultivé, mais ce n’est pas un intellectuel. C’est un pragmatique. Sa principale qualité, c’est sans doute de bien savoir s’entourer et de se faire conseiller.

Il va notamment travailler en liaison étroite avec son demi-frère Antoine de Neufville, un enfant naturel de son père et qui est un prêtre de premier ordre. Camille de Neufville en fera son vicaire général. Mais à Lyon, il va aussi s’appuyer sur deux grandes forces : les jésuites et la compagnie du Saint-Sacrement.

A Lyon, l’enseignement religieux est dominé par les jésuites. Le collège de la Trinité, qui est à l’emplacement actuel du lycée Ampère rue de la Bourse, est une véritable institution : plusieurs dizaines de pères, plusieurs centaines d’élèves… La vie culturelle et intellectuelle à Lyon tourne autour de ce collège. Tous les enfants de la bourgeoisie lyonnaise sont élevés par les jésuites qui fournissent des intellectuels de qualité comme le père Ménestrier, historien réputé, ou le père Lachaise, confesseur du roi. Ils fournissent également des conseillers sûrs à l’archevêque de Lyon.

La compagnie du Saint-Sacrement, elle, est une société secrète composée essentiellement de laïcs. Elle est implantée dans une quarantaine de villes françaises. Son but est de christianiser et de moraliser la société. Elle recrute dans la bourgeoisie et la noblesse des gens qui ont des fonctions et des pouvoirs qui leur permettent d’avoir une influence dans la société.

La compagnie du Saint-Sacrement intervient, par exemple, pour développer les œuvres charitables et pour moraliser les spectacles. À Lyon, elle avait réussi à imposer l’obligation d’arrêter les représentations théâtrales pendant le carême.

Camille de Neufville s’intéresse réellement aux questions religieuses. Il a d’ailleurs une très belle bibliothèque de plus de 5000 ouvrages ecclésiastiques, sur la vie des saints, la théologie, l’histoire de l’Église… Une bibliothèque qu’il léguera, à la fin de sa vie, au collège des jésuites de Lyon. Il sera d’ailleurs toujours très proche des jésuites. Dans la querelle qui les oppose au jansénisme, il sera à leurs côtés.

Camille de Neufville et le roi Louis XIV ont d'excellentes relations, comme avec le reste de la famille Neufville de Villeroy. À tel point que c’est lui qui sera choisi pour présider la cérémonie de mariage du souverain avec l’infante d’Espagne.

Il a ainsi un rôle politique très important. À Lyon, il est le représentant du roi. Il est lieutenant général du roi pour le Lyonnais, le Forez et le Beaujolais, et il est gouverneur de fait de la ville de Lyon.

Un peuple lyonnais qui souffre

À l’époque, le problème essentiel, c’est de nourrir les populations. Il y a encore de grandes famines qui frappent durement la population. Camille de Neufville va, par exemple, encourager le développement des “greniers de l’Abondance”, dont la mission est d’acheter du blé quand il est abondant et peu cher et de le revendre à bas prix lorsque les récoltes sont mauvaises.

L’hôpital de la Charité, un très grand hôpital moderne, est construit sur ses ordres, tout comme un hospice pour les vieillards à la Croix-Rousse.

Il s’intéresse à l’éducation des jeunes filles pauvres. Il fait venir à Lyon des religieuses, les “filles de Sainte-Elisabeth” qui s’occupent des jeunes filles abandonnées.

Et c’est lui qui fait achever la façade de la primatiale Saint-Jean, qui n’était pas terminée depuis le Moyen-Âge, et qui décide de la construction de l'Hôtel de Ville, indispensable selon lui pour montrer aux Lyonnais la puissance royale.

Une ville va même prendre son nom pour lui rendre hommage. Vimy, au nord de Lyon, devient en 1966 Neufville-l'Archevêque. On la connaît aujourd'hui comme Neuville-sur-Saône ! Camille de Neufville y avait acheté le château d'Ombreval, où il séjournait en alternance avec l'archevêché à côté de la cathédrale Saint-Jean.

A la fois gouverneur et archevêque, Camille de Neufville cumulait deux pouvoirs considérables. Et il meurt à Lyon en 1693 à 87 ans, après avoir exercé le pouvoir pendant quarante-sept ans. Il restera toutefois entre les mains de la famille, puisque son neveu lui succède au poste de gouverneur. Le dernier des Neufville meurt sur l'échafaud en 1793.

Camille de Neufville est un homme qui a laissé un très grand souvenir à Lyon. Il a marqué la ville par son action, par son rôle de protecteur, de gouverneur et d’archevêque. Pourtant, il n'existe aujourd'hui qu'une petite rue à son nom, une impasse même dans le 9e arrondissement.

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