Edouard Aynard a vécu dans une époque de transition politique en France. Le pays fonctionne avec un système autoritaire, avec une Chambre des députés qui se contente d'enregistrer les décisions. La vie politique française se réduit à des articles de journaux ! C'est aussi une période de prospérité économique, malgré quelques grandes crises agricoles et boursières, qui permet à la bourgeoisie de s'enrichir.
Lyon joue un rôle de première importance dans la bonne santé économique du pays grâce à la soie et son développement industriel dès la fin du Second Empire : chimie, métallurgie, mécanique.
Edouard Aynard descend d'une lignée originaire de la Bresse. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, les Aynard vivent dans cette région où ils s'enrichissent dans le commerce du drap. Ils s'installent ensuite à Lyon et se lancent dans le commerce de la soie et la banque. Deux métiers qui vont de pair car la soie est un produit cher nécessitant de gros mouvements de fonds.
Né le 1er janvier 1837, le jeune Edouard fait ses études secondaires au collège d'Oullins, qui deviendra ensuite Saint-Thomas d'Aquin. C'est là que les fils de la bourgeoisie catholique libérale sont élevés, tandis que ceux de la bourgeoisie catholique conservatrice préfèrent les jésuites.
Pas de brillantes études pour le jeune Lyonnais, qui a passé son bac. A cette époque, cela suffisait à donner une véritable culture. Quand il sort du collège, son père Pierre François l'envoie faire un séjour de près de deux ans en Angleterre. Il enchaînera ensuite avec un voyage aux Etats-Unis. Deux étapes à l'étranger très formatrices.
Quand il rentre à Lyon, Edouard Aynard est placé comme ouvrier chez un canut par son père, afin qu'il apprenne sur le tas le métier de la soie. Cette expérience explique sans doute pourquoi il fut toujours sensible aux problèmes sociaux.
Pierre François Aynard est banquier. Et comme Edouard est l'aîné de la famille, il prend la direction de la Maison Aynard & fils. Mais cette fonction ne lui suffit pas.
Véritable colosse au visage large et carré, c'est un débatteur remarquable, excellent orateur toujours courtois et respectueux de son adversaire. Il a également de l'humour, et se montre capable d'être incisif, sans se laisser aller à des injures.
La preuve avec son rapport publié en tant que président de la commission des musées : "Les musées de Lyon présentent une haute médiocrité dans une belle ordonnance". Ses formules frappent fort.
Edouard Aynard mène une vie de grand bourgeois lyonnais. Avec ses douze enfants et sa femme Rose de Montgolfier, descendante de Marc Seguin et des Montgolfier, il vit dans un bel hôtel particulier du boulevard des Belges qu'il a fait construire. Il possède aussi une vaste propriété près de l'Arbresle, dont il est le député.
Servi par une grande culture, il lit beaucoup, autant qu'il écrit. Et c'est un grand collectionneur d'oeuvres d'arts, notamment de tableaux. Véritable mécène, il fera des dons aux musées.
La liste de ses fonctions occupées dans sa vie, de ses rôles et de ses titres est impressionnante : président de la Chambre de commerce, conseiller municipal, député, vice-président de la Chambre des députés, président de la Société lyonnaise des dépôts, régent de la Banque de France, président de la Société d'économie politique, membre de l'Académie des Beaux-Arts…
Libéral, c'est un passionné de la liberté. En politique, cela se traduit par une hostilité viscérale au régime autoritaire. Et dans le domaine économique, c'est un rejet de tout ce qui est intervention de l'Etat dans la marche des affaires.
En 1869, Edouard Aynard publie une brochure où il expose toute sa foi libérale et républicaine à l'occasion d'élections à la Chambre de commerce. Un texte qui fait un effet boeuf et le pose en adversaire des conservateurs lyonnais.
Défenseur de ses idées, il n'est pas un idéologue. Il fait partie des républicains libéraux, un groupe politique qui est un peu coincé entre les conservateurs non républicains et les républicains non libéraux.
S'il accède à autant de postes, et notamment la vice-présidence de la Chambre, c'est donc d'abord grâce à ses qualités personnelles.
Défenseur acharné de la liberté d'entreprendre, d'enseigner et travailler, il porte un certain esprit social, tout en s'opposant vigoureusement aux syndicats qui organisent des grèves politiques.
Il meurt d'ailleurs à la Chambre des députés alors qu'il monte à la tribune pour prononcer un discours sur la liberté d'enseignement. Une mort brutale, à 76 ans. Et toujours son sens de la formule, lorsqu'il voit les ministres se presser autour de lui après son malaise : "Je suis bien malade, puisque les puissants de la Terre se dérangent".
Edouard Aynard a eu une réelle influence dans le domaine social, éducatif, artistique à Lyon. C'est lui qui a créé l'Ecole de commerce, l'Ecole centrale lyonnaise, le musée des Tissus...
Merci et reconnaissance éternelle aux humanistes.
Signaler Répondre