Il y a véritablement eu deux concerts pour ouvrir cette dernière semaine
de l’édition 2011 des Nuits. Deux concerts car la prestation de Keren
Ann en première partie mérite amplement cette appellation. La chanteuse
israélienne d’origine franco-hollandaise, accompagnée par un bassiste,
un guitariste, un batteur et un clavier a démontré qu’elle fait bel et
bien partie de la crème de ce que l’on pourrait appeler le rock folk.
Ses titres sont efficaces, puissants, arrangés à la sauce électrique
(dans le bon sens du terme), quant à sa voix, s’il fallait la comparer
la liste serait longue car on y trouve du Sheryl Crow, du Shirley Bassey
ou encore du Yael Naim. Elle est restée 57 minutes sur scène, et a
proposé des prestations très punch de plusieurs de ces chansons, comme
Chelsea Burns, My name is trouble et son improbable reprise d’Alain
Bashung de la trop méconnue Je fume pour oublier que tu bois. Keren Ann
s’est finalement retirée sous les applaudissements très nourris du
public qui ne remplissait pas intégralement le Grand Théâtre.
Le public justement, il était cette fois-ci « mâture ». La moyenne d’âge
devait approcher la quarantaine, car Bryan Ferry est d’un autre temps :
il se fait connaître au milieu des années 70 en formant le mythique
groupe Roxy Music, dont l’ambition est tout simplement de mettre en
musique le Pop art. Et il a le look qui va avec son époque, à savoir un
très sobre costume noir, cravate noire cachée par une écharpe, sa célèbre mèche sur le côté et une allure de
dandy dégingandé. Il est ovationné dès son arrivé sur scène, et attaque,
cut, par une énergique reprise de l’immense I put a spell on you de
Screamin’ Jay Hawkins. Pas le temps de reprendre son souffle que voilà
déjà la chanson attendue par toute l’assemblée : Slave to love, ballade
culte s’il en est. Dans la fosse et dans les gradins des couples
dansent, car beaucoup sont venus retrouver, en grande partie grâce à ce
titre, l’époque où il y avait encore des slows dans les soirées. Bryan
Ferry en livre une version très propre, magnifiquement secondé par
quatre choristes à paillettes qui n’auraient certainement pas déplu à
Ray Charles.
Mais il faut parler du décor, extrêmement travaillé et partie intégrante
du spectacle. L’esthète qu’est le britannique est actuellement en
tournée pour son dernier opus intitulé Olympia. C’est donc logiquement
que le visage de la top model Kate Moss, qui a prêté son visage à la
jackette dudit album, orne les deux grosses caisses des deux batteurs (
!). Ferry est un artiste, et pas seulement sous son aspect de musicien.
Derrière lui, sur un écran géant, un rétroprojecteur a diffusé pendant
les 100 minutes du concert des images aussi disparates et chamarrées que
des visages de femmes, des flamands roses, des kaléidoscopes, des
vagues, des bulles, des formes dignes de Matisse et Basquiat, des scènes
de batailles navales (Trafalgar ?), et surtout des images tournées en
direct par plusieurs cameras dont certaines suivaient les protagonistes
sur scène. Du coup, on voyait régulièrement le si long visage de Bryan
Ferry en train de fermer les yeux sur ses refrains, on observait le
sourire des choristes, la maîtrise (sensationnelle !) des deux
guitaristes, le nœud papillon du pianiste, l’élégance virile du
bassiste, la concentration des batteurs et l’épatante facilité de la
saxophoniste dans ses solos surnaturels. Car la star du soir aime la
femme, et sait bien faire les choses. Ainsi deux danseuses déchaînées
mais toujours en rythme venaient en arrière plan se déhancher, soit en
tenue dorée à paillettes et grelots, soit dans une combinaison hyper
moulante. Le tableau en devient presque épique. Une captation intégrale
du concert a été réalisée et un DVD devrait sortir à l’automne.
Bryan ferry n’est pas disert. Ses seuls mots auront été prononcés en
anglais : « It’s a wonderful place, and it’s the first time I’m in. » A
lui aussi, le créateur déstructuré, l’arène du théâtre antique fait très
forte impression. Alors s’il ne parle guère, il chante. Et il y a un
peu de tout dans son répertoire et celui de Roxy Music, dont il a joué
ce qui ressemble fort à un best of, intercalé entre quelques tracks de
son dernier album. Cela va de la si unique Love is the drug, lancée avec
conviction et repris par beaucoup dans la foule, à la ballade Make you
feel my love qui a dû faire à son époque pleurer bien des groupies. A
Fourvière, Ferry a chanté cette chanson en serrant si fort son micro que
ses yeux s’en sont fermés, comme à la parade. Si nombre des spectateurs
attendaient impatiemment Slave to love, nombreux étaient ceux qui
voulaient entendre Avalon, un titre dont le nom est celui de l’île sur
laquelle la légende veut qu’ait été déposée la dépouille du Roi Arthur
après sa mort. Cette chanson tout à fait déroutante de Roxy Music est
bien entendu arrivée, avec un Bryan Ferry au clavier d’un synthétiseur
et une lumière bleue tamisée du plus bel effet. Des briquets ont alors
éclairé la fosse, sur laquelle tombait une légère pluie. Autre standard,
Don’t stop the dance a remporté un franc succès. La foule ne s’est
également pas fait prier pour se laisser emporter par Oh Yeah, dont le
titre simpliste ne rend pas du tout la complexité et l’ingéniosité
musicale du morceau.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais Ferry n’a été surexposé
par les projecteurs, ces derniers préférant se focaliser sur les
musiciens et notamment les deux guitaristes. Même si de prime abord, et
jusque dans les attitudes, on semblait bien loin du cliché de ceux qui
portent la guitare électrique en bandoulière, on a parfois eu
l’impression d’entendre Slash (Guns N’ Roses) dans ses envolées lyriques
tant les solos proposés étaient faits de rifs ciselés de mains de
maîtres. Ferry ne s’y trompait pas en venant près d’eux mimer leurs
gestes. Hommage doit également être rendu à la saxophoniste, qui en plus
de la beauté de ses traits, de sa combinaison et de ses talons hauts
est passé du saxophone à la clarinette avec une finesse de jazzwoman.
Si les spectateurs de Texas la semaine précédente avaient eu le
privilège de partir sur une reprise d’Elvis Presley (Suspicious Minds), ceux de Bryan Ferry
auront eu eux aussi la chance d’entendre une chanson d’un mythe de la
musique disparu. Car Bryan Ferry a une particularité. Il fait partie de
ces très rares artistes capables de reprendre une chanson sur laquelle
tout a été vu et fait (on en dénombre plus de 90 reprises enregistrées),
et de lui apporter un supplément d’âme. Le titre en question est l’une
des ballades les plus bouleversantes de John Lennon, Jealous guy. Aux
premiers accords, tout le monde la reconnaît (elle fait partie des
classiques incontournable de Ferry). Il la chante avec la sensibilité
désabusée, presque flegmatique, qui a fait sa renommée et celle de Roxy
Music. La guitare électrique est un apport qui sied parfaitement à la
chanson, tout comme le saxophone. Et quand Bryan Ferry termine en
sifflant l’air, même si les afficionados savent que cela fait partie de
sa version, Fourvière est sous le charme. Après la pluie de coussins,
dans les rangs qui ramenaient les spectateurs vers les sorties, c’est
cet air que l’on attendait s’élever de ci de là. La grâce quasi ultime
était atteinte.
Les Nuits de Fourvière se poursuivent cette semaine. Mardi c’est Lou
Reed (si si, celui des Velvet Underground), un autre géant du rock,
qui sera sur la scène du Grand Théâtre (le concert est complet),
mercredi ce sera au tour de Paolo Conte, avant de laisser la place à la
Nuit Créole jeudi, à l’ovni Erikah Badu vendredi avant de se terminer
samedi avec l’Eclat final.
un grand concert de rock elegance perfectionnisme puissance musicalite virtuosite titres legendaires 19/20 ET TARIF D/ENTREE ENFIN RAISONNABLE
Signaler Répondrecred ca a fost bestial ,dupa ce mi-ai spus am realizat cine este Bryan Ferry a concertat si in Romania canta foarte frumos......cum a fost vremea sper ca nu a plouat....!!! Te pup....!!!
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