Jésuites : "Une tradition d'ouverture"

Les Jésuites qui viennent d’élire leur “pape”, l’Espagnol Adolfo Nicolas, sont bien implantés à Lyon. Explications du père Louis Blanc, polytechnicien et professeur de maths de 1958 à 1989 au lycée Saint-Marc.

Comment les Jésuites sont arrivés à Lyon ?
Louis Blanc : On estime que la compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola pour prêcher l’Evangile à travers le monde, s’est implantée à Lyon à la fin du XVIe siècle. Et très vite, l’église catholique va leur confier une mission différente de leur vocation initiale : ouvrir des collèges pour contrer l’influence de la Réforme protestante en Europe. D’où la création du collège de la très Sainte Trinité dans la Presqu’île, qui deviendra le lycée Ampère.
L’importance de ce collège ?

Il va devenir le centre intellectuel de la région, avec une vingtaine de Jésuites qui donnent des cours de la 6e jusqu’à l’équivalent de la Terminale voire des études supérieures en théologie aux enfants de l’aristocratie, mais aussi de la bourgeoisie lyonnaise. Mais il faut signaler que l’éducation est gratuite à cette époque, car les collèges sont financés par le conseil municipal de l’époque. Avec un professeur de lettres incontournable à cette époque : Claude La Colombière.
Qui est Claude La Colombière ?

Un Jésuite né en 1641, originaire de Saint Symphorien d’Ozon, qui va être envoyé à Paray le Monial où il va rencontrer Marguerite Marie Alacoque qui a fondé le culte du Sacré Cœur, dans lequel Dieu n’est plus menaçant mais aimant. En 1676, il devient le prédicateur de la Duchesse d'York, la future Reine d'Angleterre. Mais il est dénoncé comme conspirateur, jeté en prison puis banni d’Angleterre. Il passera les dernières années de sa vie à Paray le Monial. Et il sera canonisé par Jean-Paul II en 1992.
L’influence des Jésuites à Lyon à cette époque ?
Il y a seulement une vingtaine de Jésuites dans la Presqu’île. Et un petit établissement primaire dans le quartier Saint Jean à partir de 1730. Mais les Jésuites vont devoir fermer leur collège, car ils sont bannis de France en 1762, après avoir encouragé des esclaves sud américains à se rebeller contre l’occupant portugais. De plus, si cette communauté est appréciée de personnalités comme Voltaire, elle s’est attirée la haine des Encyclopédistes anti-cléricaux mais aussi des catholiques intégristes qui les trouvent trop ouverts. La plupart des jésuites lyonnais vont alors se réfugier à l’étranger ou entrer dans le clergé.
Pourquoi la communauté ne disparait pas ?
Parce que la Russie orthodoxe dirigée par la grande Catherine accepte d’accueillir certains jésuites, qui vont revenir à partir de 1814 en Europe occidentale. Puis à Lyon vers 1830. Mais l’archevêque de l’époque refuse qu’ils rouvrent un collège à Lyon. Du coup, les jésuites s’implantent à Villefranche vers 1860, avec l’internat de Mongré, grâce à une donation de Mademoiselle de la Barmondière, dont on dit à l’époque qu’elle peut aller de Villefranche à Lyon sans quitter ses terres !
Et quand les Jésuites reviennent à Lyon ?
Il y a déjà une petite communauté rue Sala mais qui n’enseigne pas. Et en 1864, ils achètent un terrain à proximité, rue Sainte-Hélène, pour édifier leur résidence, avec une magnifique chapelle mais aussi pour accueillir des œuvres sociales. Finalement, en 1871, ils ont le droit de créer un petit collège, de la 6ème à la 3ème, dans une maison située impasse Catelin : l’Externat Saint-Joseph. Et en quatre ans, ils vont beaucoup se développer. Dans le même temps, ils construisent un bâtiment rue de Sèze, qui est l’actuel mairie du 6e arrondissement, pour accueillir un petit collège, la Trinité. Mais qui n’ouvrira jamais
Pourquoi ce collège n’ouvrira jamais ?
Parce que dès 1880, les Jésuites sont de nouveau bannis de l’enseignement après les décrets de Jules Ferry sur la laïcité. Cette fois, ils ne fuient pas. Ils continuent de dispenser leurs cours en secret. Et ce sont les familles chrétiennes qui vont racheter les bâtiments de la rue Sainte-Hélène, alors confisqués, pour permettre la réouverture de l’établissement au début du XXe siècle. Mais cette congrégation ne sera autorisée en France qu’à la fin des années 90 !
Cet ordre religieux a été interdit tout le XXe siècle !

Officiellement oui. Mais dans les faits, il y a une communauté dans le 2e arrondissement, composée d’une trentaine de membres. D’ailleurs, c’est entre les deux guerres que l’influence des Jésuites va véritablement se développer dans l’enseignement. Car en 1920, il y a 600 élèves, de la maternelle aux terminales, à l’externat Saint Joseph. Avec en plus, dans le 6e arrondissement, l’externat de la Trinité, un établissement plus modeste. Mais les Jésuites ont aussi d’autres terrains d’action.
Quels autres terrains d’action ?

D’abord, le père André Charignon fonde une association d’aide aux étudiants en médecine, rue Laurencin. Une structure baptisée le “cha” et qui existe toujours aujourd’hui sous le nom de la Maison des Etudiants Catholiques. Ensuite, les Jésuites vont se mobiliser pour l’accueil des jeunes ouvriers en ouvrant des foyers qu’on appelle aujourd’hui les Majo. Il y en a a encore plusieurs dans l’agglomération.
Et comment les Jésuites traversent la guerre ?
Le collège de la rue Saint Hélène est réquisitionné en mai 1944 par la gestapo et le fameux Klaus Barbie. Les salles de classes deviennent même des salles de torture... Mais les Jésuites sont plutôt proches de la Résistance. Avec la fameuse faculté de théologie de Fourvière animée par le père Pierre Chaillet, un Jésuite qui a beaucoup voyagé en Autriche et en Allemagne. Avec également le père Gaston Fessard et Henri de Lubac, il va créer en 1941 Témoignage Chrétien, un mouvement de résistance qui va éditer clandestinement des cahiers pour dénoncer l’idéologie nazie au nom des valeurs chértiennes. De plus, Gilbert Dru, le résistant fusillé place Bellecour en 1944 était un proche des Jésuites. Comme Tom Morel, le chef du maquis des Glières. Sans parler de l’abbé Pierre, lui aussi ancien élève des Jésuites.
L’influence des Jésuites après guerre ?
La faculté de théologie de

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