Billaud-Simon : de la pub à la vigne

Billaud-Simon : de la pub à la vigne

Ancien directeur artistique, Bernard Billaud-Simon a décidé à 50 ans de revenir à Chablis pour reprendre l’exploitation viticole familiale. Interview de ce passionné de vin.

Pourquoi avoir arrêté de travailler dans la pub ?
Bernard Billaud-Simon : Après avoir obtenu mon Cafas, le diplôme des beaux-arts, je me suis lancé dans la publicité. Et je suis devenu directeur artistique. Je travaillais en free-lance pour des studios de création comme Studio K à Montmartre. Puis dans les années 1980 je me suis installé à Lyon, car c’est là que ma femme souhaitait vivre. Et j’ai surtout travaillé pour GL Events, un groupe spécialisé dans l’événementiel. Mais à l’approche de la cinquantaine j’en ai eu marre de cet univers de la communication que je trouvais beaucoup trop superficiel. Et où je ne trouvais plus trop ma place.
Pourquoi avoir choisi le monde du vin ?
Parce que je suis né dans le vin. Ma famille est propriétaire d’un domaine viticole à Chablis depuis 1815. Quand j’étais enfant, je vivais dans les vignes. Je garde des souvenirs magiques des chevaux qui traînaient les bassines en bois dans lesquelles on mettait le raisin. Les gens discutaient, rigolaient, c’était génial. J’en garde des images mais aussi des odeurs extraordinaires.
Alors pourquoi vous n’avez pas travaillé tout de suite dans le vin ?
Comme dans la plupart des familles, c’est l’aîné qui restait sur les terres. Du coup, à 11 ans j’ai dû quitter le domaine et je suis parti faire des études à Orléans, puis Dijon et Paris.
Comment vous avez pris la décision de revenir au domaine ?
Après la publicité j’ai eu envie de revenir à mes origines. Mais finalement je n’ai jamais vraiment quitté le monde du vin, car je suivais le travail de mon père et de mon frère, et j’allais faire les vendanges chaque année. D’ailleurs quand j’habitais à Paris, je rentrais très souvent à Chablis, car je n’avais que une heure trente de route.
Vous avez pris votre décision rapidement ?
En 1991, je me suis rapproché de mon père et de mon frère pour leur proposer de réfléchir à ce que pourrait être le vin de demain. C’est à cette époque que j’ai rencontré sur une foire aux vins Jean-Pierre Lédé, un des meilleurs œnologues français et nous avons longuement discuté. Il avait une expérience énorme, car il était allé aux Etats-Unis, en Australie et en Afrique du Sud pour voir comment on produisait le vin. Du coup, on a décidé de travailler ensemble, car on avait les mêmes exigences. Et je suis retourné définitivement à Chablis en 1996. D’autant plus que mon frère est mort, ce qui a renforcé ma décision de revenir au domaine.
Comment ont réagi vos proches ?
Ma femme et mes enfants sont restés à Lyon dans leur univers et moi je suis retourné dans le mien. Mon épouse qui est traductrice et professeur d’allemand est une intellectuelle et elle ne se voyait pas vivre à Chablis. Du coup, je reviens à Lyon chaque week-end pour la voir.
Votre journée type ?
Je me lève tous les matins à 4h30. Et je profite de ce début de matinée pour jouer du piano et me détendre avant de commencer ma journée vers 6 heures. La plupart du temps, je m’occupe de l’aspect commercial et marketing du domaine. Une activité qui peut me prendre l’ensemble de la journée. Du coup, je ne me rends pas forcément dans les vignes. Sauf pendant les vendanges où je participe à la récolte. Et je me couche tôt, vers 21 heures.
L’importance de votre domaine ?
Vingt hectares situés à Chablis même, sur lesquels travaillent une dizaine de personnes, des vignerons, des œnologues... Ce qui nous permet de produire 145 000 bouteilles par an.
Votre chiffre d’affaires ?
On réalise un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros dont 80% à export. Nos principaux clients, ce sont les Anglais et les Belges qui sont fous de chablis. Mais en France on vend surtout nos vins à des restaurateurs et à des épiceries fines.
Et la crise qui touche les vins français ?
Ceux qui travaillent bien ne sont pas touchés par la crise. C’est-à-dire ceux qui ne chaptalisent pas leur vin, qui ne cherchent pas le rendement à tout prix... Mais produire un vin de qualité, cela exige une discipline dans le travail.
Le prix d’une bouteille de chablis ?
Pour un petit chablis il faut compter entre 7 et 9 euros la bouteille et jusqu’à 12 euros pour un chablis traditionnel. Pour les premiers crus il faut compter de 15 à 30 euros la bouteille et de 35 à 60 euros pour les grands crus. Le chablis est un vin qui peut se garder plus de trente ans.
Vous gagnez beaucoup d’argent ?
C’est très aléatoire, car tout dépend de la météo. Mais l’année dernière, en 2007, on a perdu de l’argent, car on a eu de gros orages de grêle qui ont massacré près de 800 hectares de vigne à Chablis.
Vous ne regrettez pas votre reconversion ?
Absolument pas. Je suis parti du vin pour revenir au vin. Et même si j’ai beaucoup perdu financièrement par rapport à ce que je gagnais dans la pub, j’ai gagné en qualité de vie. Aujourd’hui je peux prendre du temps pour moi et profiter de la vie. D’autant plus que mon neveu travaille aujourd’hui avec moi, ce qui permet au domaine de rester dans la famille.

Propos recueillis par Nadège Michaudet

L’entreprise
Domaine Billaud-Simon
Forme juridique : SCEA
Date de création : 1815
Implantation : Chablis (89)
Activité : Production de vin
Capital : 2 millions d’euros
Effectif : 11 salariés
Chiffre d’affaires : 1,3 million d’euros

L’homme
Bernard Billaud-Simon
63 ans, marié, 2 enfants
Lieu de résidence : Chablis
Diplômes : Cafas des beaux-arts et diplôme national des beaux-arts
Loisirs : musique jazz, grand fan de Miles Devis
Revenu mensuel moyen : 5 300 euros

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