Ferrari : un haut magistrat s'attaque à Lyon Mag

Ferrari : un haut magistrat s'attaque à Lyon Mag

Avocat général à la cour d’appel de Paris, Philippe Bilger s’en prend violemment, ce jeudi 28 août, à Lyon Mag et notamment à un blog de son directeur Philippe Brunet-Lecomte, en défendant avec vigueur Laurence Ferrari.

Dans son numéro de juillet-août, Lyon Mag avait publié une interview du père de la nouvelle présentatrice du JT de TF1 qui racontait l’enfance de cette nouvelle star, notamment le suicide de sa mère. Tout en dressant un portrait à la fois affectueux mais spontané de sa fille. A la suite de cette interview, la star a attaqué Lyon Mag pour “atteinte à la vie privée” en réclamant 40 000 euros de dommages et intérêts.

Auteur de nombreux ouvrages souvent polémiques, ce haut magistrat a requis dans un certain nombre d’affaires très médiatiques dont les procès de Bob Denard, Emile Louis ou Michel Fourniret, où il s’est distingué par ses réquisitoires souvent musclés.

Ci-dessous, le blog de Philippe Bilger.

Ferrari en piste !

"La lumière éblouit. Elle fascine ou exaspère. On la déteste ou on l'adore. On rêve de se tenir près d'elle et de profiter de ses rayons ou on n'a envie que de la réduire.

Bernard-Henri Lévy, le roi, est nu depuis sa tribune dans le Monde sur la Géorgie où le moins averti des lecteurs ne pouvait que percevoir l'imposture, la falsification. La lumière dans laquelle baigne cet essayiste - et l'ombre qu'il a su créer pour les autres qui ne l'aiment pas - a égaré même ce prestigieux quotidien qui va devoir se résoudre à examiner le fond de ce que lui proposera maintenant son illustre auxiliaire. La vérité ne sera plus cultivée comme en passant, en accessoire inutile et presque importun, mais deviendra le coeur du sujet.

La lumière qui a trop longtemps protégé - c'est le site de 20 minutes qui, après Rue 89, a révélé l'entourloupe dénoncée aussi par le Canard enchaîné - pousse au pire si on désire profaner son apparente pureté. En effet, c'est ce même site qui nous apprend que Laurence Ferrari a décidé d'assigner Lyon Mag pour violation de sa vie privée.

Cette nouvelle, à elle seule, ne constituerait pas une information bouleversante, même si elle concerne la nouvelle et brillante présentatrice du journal de TF1. Ce n'est pas non plus le fait que Laurence Ferrari réclame 40 000 euros de dommages intérêts qui surprend. On aurait préféré un euro mais son avocate a du lui déconseiller cette modestie peu judiciaire !

Ce qui frappe, c'est la nature même du préjudice qui a été gravement causé à Laurence Ferrari. Le père de celle-ci, Gratien Ferrari, dans une interview à Lyon Mag, entre autres considérations, révèle que son épouse - donc la mère de la journaliste - s'est suicidée. Laurence Ferrari ne s'était jamais exprimée sur ce douloureux sujet et évidemment avait toujours caché cette détresse intime.

Sans contester la véracité de cette impudique annonce faite par son père, elle décide d'assigner la publication qui a recueilli l'infamie. Car tout de même, on peut être un partisan farouche de la liberté d'expression et estimer pourtant qu'il y a des secrets ne relevant ni de la carrière ni d'une trajectoire personnelle qui l'expliquerait, et qui ne devraient jamais être divulgués. Ils ont en effet un lien si fort, si mystérieux, si impalpable avec l'être qui les abrite comme un trésor ou comme une souffrance qu'ils n'appartiennent qu'à lui et sont étrangers par essence à la grossièreté médiatique. J'ai éprouvé la même sensation d'intolérable intrusion quand un anonyme a photographié Ségolène Royal en prière en Italie - et Paris Match a accepté cette peu ragoûtante contribution !

Mais le comble réside à mon sens dans l'argumentation développée en réplique par le directeur de Lyon Mag, Philippe Brunet-Leconte, qui a justifié l'inadmissible en affirmant que "les interviews que Laurence Ferrari a accordées aux médias pour faire la promotion de son JT donnent une image d'elle-même très "clean", très lisse, très convenue au fond". Autrement dit, il était nécessaire de "casser" cette apparence, qui ne plaisait pas à Lyon Mag, en y instillant du traumatisme, de la réminiscence mélancolique, en répudiant le silence de la principale intéressée, en tenant pour rien son obstinée, délicate et compréhensible discrétion ! Cette grâce, paraît-il "trop lisse", il convenait de la blesser, ce côté "trop clean", il méritait d'être sali, cette personnalité "très convenue", il convenait de lui montrer ce qu'était la vraie vie : celle où les secrets enfouis au fond de soi DOIVENT être exposés à tous vents et à toutes curiosités.

Ce que peut-être elle avait réussi à assumer, à surmonter en pactisant avec le silence va être, au moins un temps, mis en miettes, en pièces. Ce n'est pas rien.

Après tout, pour une telle dévastation, si aigrement justifiée, 40 000 euros, c'est bien peu. Quel est le prix d'une paix déchirée, d'une tragédie remise à l'ordre du jour, en pleine lumière, d'un malheur ressuscité ?"

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