Sous Philippe Auguste, le royaume s'étend de la Lorraine jusqu'à la Saône. Princes et barons règnent sur ces territoires. Et s'ils reconnaissent la souveraineté du roi de France, ils sont complètement indépendants.
Les villes commencent à se développer et la bourgeoisie prend de l'importance. Mais les outils et les moyens de transports restent à un stade très primaire. L'arbalète n'a pas encore fait son apparition et les combats de soldats se font à l'épée et à l'arc. Quant au voyage entre Lyon et Paris, il faut compter une dizaine de jours à cheval…
Lyon est une ville relativement importante, avec environ 20 000 habitants. Elle a un statut de ville commerciale, étape obligée entre les Flandres et l'Italie qui sont les deux grands pôles économiques de l'Europe.
Jusqu'au XIe siècle, Lyon faisait partie du Saint Empire romain germanique. Mais l'empereur allemand Frédéric Barberousse trouvait que la ville était trop loin, et avait accordé indépendance et souveraineté à l'archevêque par la célèbre "bulle d'or" en 1157. Depuis cette date, le véritable seigneur du comté de Lyon est son archevêque.
C'est lui qui fait construire les ponts, lève les impôts, rend la justice… Il dispose d'une garde et des hommes d'armes pour maintenir l'ordre dans la ville.
L'ennemi forézien
Mais les frontières du comté sont disputées avec celles du voisin du Forez. Et ça tourne parfois à l'affrontement armé. Mais en 1173, un traité est signé entre les deux parties.
Et 20 ans plus tard, quand le fils du comte de Forez, Guigues II, est élu archevêque de Lyon par son chapitre primatial, c'est un évènement majeur. Car Renaud de Forez est en position de liquider définitivement le contentieux entre les deux territoires voisins.
Renaud de Forez est le fils cadet du comte de Forez. Comme c'est souvent le cas dans les fratries, celui qui suit l'aîné est destiné à une carrière ecclésiastique.
Il grandit dans ce territoire qui correspond à peu près au département de la Loire d'aujourd'hui, avec Feurs et Montbrison comme villes principales. Le comté possède de belles forêts et une agriculture solide dans les plaines, avec de l'élevage. Son père le comte de Forez est un fidèle du roi de France, qui s'appuie sur lui pour accroître son influence et son autorité dans le Sud-Est.
Renaud de Forez reçoit une instruction très rudimentaire. Il apprend à lire et à écrire, comme tous les enfants de la noblesse, mais il apprend surtout à monter à cheval et à se battre. Et évidemment, il est incollable sur les traditions historiques de sa famille, afin de bien distinguer ses amis de ses ennemis.
Confié au chapitre primatial de Lyon, Renaud devient chanoine puis abbé de Saint-Just en 1182. Ce chapitre est constitué d'une trentaine de chanoines, originaires de familles nobles du Sud-Est de la France. Son rôle est d'assurer le culte à la cathédrale Saint-Jean, et d'élire l'archevêque de la ville.
Lyon est alors séparée en deux par la Saône : la ville ecclésiastique à Saint-Jean et la ville bourgeoise en Presqu'île.
La noblesse y est absente, car lorsqu'un bourgeois est anobli, il quitte Lyon. Le comté ayant appartenu très tôt à l'Eglise locale, la seigneurie est surtout ecclésiastique. C'est un des traits fondamentaux de l'histoire de Lyon, qui n'est pas une ville de noblesse, mais bien de bourgeoisie. D'où son dynamisme commerciale et son caractère un peu terne. Là où le noble tient à son rang, le bourgeois lyonnais veut travailler, gagner de l'argent et qu'on lui fiche la paix.
En devenant archevêque de Lyon en 1193, Renaud de Forez succède donc à Jean Belles-mains, un Anglais assez pieux mais peu actif. Forez et Lyon sont désormais liés par des intérêts communs, mettant fin à des décennies de tensions.
Un archevêque qui ne se laisse pas faire
Homme entreprenant et organisateur, il vit de manière très rustique dans le palais épiscopal de Saint-Jean. Le comté est parcouru à cheval, notamment pour surveiller les travaux qu'il ordonne.
Sa foi est ardente, l'époque est propice à une dévotion qui pousse d'ailleurs l'Eglise à chasser la sorcellerie et les hérésies.
En 1193, lorsqu'il est élu archevêque, Renaud de Forez conclut un traité avec les bourgeois lyonnais. Il leur reconnaît un certain nombre de droits et de libertés, leur accorde des garanties de sécurité, et supprime des taxes ou coutumes. En échange, les bourgeois lui consentent un prêt important de 20 000 sous forts, car il a besoin d'argent.
Mais le premier conflit éclate dès 1208. Car les bourgeois accusent Renaud de Forez de violer ses engagements, notamment en tentant de créer de nouvelles taxes. Ils prennent les armes et occupent les points fortifiés de Lyon, bloquent le pont de Saône - l'actuel pont Maréchal Juin - qui est un passage stratégique. L'affaire a un retentissement régional, et tous les puissants voisins du comté de Lyon interviennent : les évêques, l'archevêque de Vienne, l'évêque de Genève, celui de Mâcon, les abbés cisterciens de la Chassagne en Dombes et de Bonnevaux dans le Dauphiné… Et même le duc de Bourgogne !
Les bourgeois avaient pris conscience de leur importance et supportaient de plus en plus difficilement la tutelle et la puissance de l'archevêque de Lyon.
Sollicités par les deux parties, les seigneurs de la région rendent un arbitrage en faveur de Renaud de Forez. Et les bourgeois s'exécutent, libérant les points fortifiés de la capitale des Gaules.
C'est une victoire pour Renaud de Forez, mais aussi un avertissement pour l'Eglise. D'ailleurs, 60 ans plus tard, le conflit éclate à nouveau, et l'archevêque de Lyon perdra son pouvoir au début du XIVe siècle, laissant le roi s'emparer de la ville et lui donner une autonomie municipale.
En parallèle, Renaud de Forez remet de l'ordre dans l'administration de son diocèse. Il organise d'abord la chancellerie officiale, c'est-à-dire la justice ecclésiastique qui joue un rôle important sur le plan religieux et le plan civil. Puisqu'il n'y a pas encore de notaires, c'est l'officialité qui reçoit les testaments par exemple.
Il organise également des archiprêtés, un ensemble de paroisses placées sous la responsabilité d'un archiprêtre.
Et favorise l'implantation à Lyon de deux ordres mendiants : les dominicains et les franciscains, à une époque où saint François et saint Dominique sont encore vivants.
La force comme arme
Mais Renaud de Forez exerce aussi pleinement son pouvoir seigneurial sur le comté de Lyon où il conforte son autorité. Pour assurer la bonne protection du territoire, surtout après le conflit avec les bourgeois lyonnais, il lance un programme ambitieux de construction de plusieurs châteaux à Pierre Scize pour surveiller la Saône, et à Anse, Lissieu, Chasselay et Yzeron. Il fortifie un certain nombre de villages comme Ternand, Val d'Oingt, Lentilly, Pollionnay, Rive de Gier, Francheville ou Condrieu. Le comté est alors bien défendu.
Et le comté de Lyon fait un exemple de sa force en s'en prenant à la seule seigneurie qui pouvait menacer son autorité : l'abbaye de Savigny. Comme toutes les abbayes bénédictines, elle avait reçu quantité de donations et avait ainsi acquis une véritable puissance, lorgnant sur une certaine autonomie. De plus, elle disposait de quatre forteresses : l'Arbresle, Bessenay, Sain-Bel et Montrottier.
En 1202, Renaud de Forez obtient de Philippe Auguste une sorte de contrôle sur l'abbaye. Mais l'abbé de Savigny refusant de se soumettre, fait alliance avec le sire de Beaujeu. Un scénario à la Game of Thrones qui constitue une menace directe pour Renaud de Forez, qui réplique.
L'archevêque de Lyon rassemble des troupes qui s'emparent des forteresses et saccagent l'abbaye. La guerre s'achève en 1204 et Savigny est soumise.
Renaud de Forez symbolise très bien ce Moyen-Âge où il n'y a pas de séparation entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, entre le politique et le religieux. A une époque où la ville et le comté de Lyon sont assez vulnérables, l'archevêque assoit leur indépendance en s'appuyant sur l'influence et la puissance de l'Eglise.
De lui, on ne sait finalement que peu de choses, pas même sa date de naissance. Seul un vitrail le représente, encore visible dans la cathédrale Saint-Jean qu'il a contribué à bâtir.
Après plus de 33 ans de règne, il meurt le 16 octobre 1226 à Lyon, puis est enterré en l'église Saint-Irénée. Un décès qui relancera rapidement les dissensions entre Lyon et le comté de Forez…
Pourquoi donc est ce que LyonMag honore ce pathétique prêtre wokiste et inclusif ?
Signaler RépondreNous ferions mieux d'honorer les grands hommes de droite qui ont contribué a faire grandir l'église.
Comme Torquemada et le Père Preynat.
C'est Sydney Govou.
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