Voyage au bout de la réforme des retraites

Voyage au bout de la réforme des retraites

Alors que la commission mixte paritaire a validé lundi le projet de loi sur la réforme des retraites, la sénatrice PS du Rhône Christiane Demontès, marathonienne du débat au Sénat, revient sur les différents artifices utilisés par le gouvernement pour faire passer en toute urgence ce texte, et couper l’herbe sous le pied de ses opposants. Interview.

Lyon Mag : Comment se sont passés les débats sur la réforme des retraites ?
Christiane Demontès
: Les débats se sont déroulés normalement au Sénat. Le Président Larcher y était attaché. Jusqu'à ce que l'on note certains incidents dans le déroulement. Le gouvernement a souhaité faire passer en priorité les articles sur les bornes d'âge : le recul de 60 ans à 62 ans sur l'âge légal de départ et de 65 ans à 67 ans pour l'obtention du taux plein. Cela arrive fréquemment que le gouvernement détermine une priorité qui ne suit pas forcément l'ordre du projet de loi. Vendredi, il y a eu une procédure appliquée, à l'initiative du gouvernement. La Constitution l’autorise. Il s’agit de l'article 44-3. Cela abouti à un vote unique sur l'ensemble des amendements qu'il restait à présenter. Cela nous a coupé l'herbe sous le pied, en particulier sur les propositions qui nous restaient à faire dans le débat, sur une réforme alternative.

Estimez-vous avoir été court-circuités par cette décision ?
Pas seulement, car nous avons été court-circuités à deux reprises. La seule possibilité que nous avions de faire des amendements sur nos propres propositions passait par des articles additionnels par rapport au projet de loi initial. Ces articles additionnels ont, dans un premier temps, été renvoyés à la fin du débat. Plutôt que de les discuter un par un, la présidente de la Commission nous a demandé de les renvoyer à la fin de la discussion sur 33 articles du projet de loi. C'est une première chose. Et vendredi, on nous annonce qu'ils ne seront pas discutés. Nous avions certes toujours la possibilité de les présenter, mais sans qu'ils soient discutés ! Ils feront l’objet d’un vote unique. Il y avait une centaine d'amendements sur ces articles additionnels. Sur cette centaine, tous ont été votés en même temps. Au Sénat, je n'ai jamais connu cette pratique. On nous a dit que le 44-3 avait été utilisé 250 fois sous la Vème République. Ce qui est clair, c'est que cette pratique a tronqué le débat. Je suis sûre que c'est une manœuvre du gouvernement qui voulait faire voter cette loi avant le départ en vacances et qui veut vite passer à autre chose.

Que reprochez-vous à ce projet de loi et qu'aurait-il été plus judicieux de faire ?
Cette réforme est injuste car elle pénalise ceux qui vivent de leur travail avec de petits salaires, qui ont des carrières longues. Elle pénalise également les femmes, ainsi que les séniors, qui étaient jusqu'à présent de jeunes retraités, et qui deviendront de vieux chômeurs. Maintenir dans l'emploi plus longtemps les séniors, cela empêche de faire rentrer dans l'emploi les jeunes. Ce sont les salariés qui vont payer, sous prétexte de maintenir la retraite par répartition. Mais le poids des salaires dans la richesse nationale est nettement inférieur au poids des revenus du capital. Cette méthode est inefficace, et je prends le pari qu'en 2018, rien ne sera réglé sur cette question. L'aveu d'impuissance du gouvernement, c'est d'engager une réforme systémique dès 2013.

La validation du texte va devoir passer sous l'autorité d'une commission mixte paritaire (CMP). Concrètement, comment cela doit-il se passer ?
On est dans une procédure accélérée. Normalement, un projet de loi est examiné à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. Si les deux textes qui en sortent sont différents, alors il revient en deuxième lecture à l'Assemblée nationale puis au Sénat. Au bout du compte, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot. Dans une procédure accélérée, il n'y a qu'une seule lecture dans chacune des Chambres. Pour le cas de la réforme des retraites, le débat à l'assemblée nationale a eu lieu il y a un mois, et le Sénat a voté vendredi dernier. Les deux textes sont différents puisque des amendements ont été introduits au Sénat. C'est donc une commission mixte paritaire, composée de sept députés et de sept sénateurs, qui se réunit pour trancher. J'en fais partie avec Jean-Pierre Godefroy. Nous avons été convoqués lundi matin à 9h au Sénat. Nous allons repartir du texte du Sénat, avec ses amendements propres. Il n'est pas impossible que le gouvernement veuille revenir sur l’article 4 (sur l'allongement de la durée des côtisations, modifé au Sénat par l'erreur d'un vote centriste - NDLR), rejeté au Sénat, et qu'il souhaitera sans doute réintégrer (l'article a été réintégré lundi en CMP - NDLR). Mardi, nous sommes convoqués au Sénat en séance publique pour présenter les conclusions de cette commission mixte paritaire. Mercredi, c'est l'assemblée nationale qui entérinera les conclusions de la commission mixte paritaire. A ce moment là, la loi sera votée définitivement. Elle partira ensuite au Conseil constitutionnel pour être validé ou invalidée.

Si ce calendrier est gardé, quand interviendra la promulgation de la loi ?
Le Conseil constitutionnel va être saisi jeudi. En principe, il prend trois semaines pour valider ou invalider un texte. Aura-t-il des pressions du gouvernement pour aller plus vite ? Nous verrons cela le moment venu. La loi ne devrait pas être promulguée avant le 15 novembre.

Le Conseil constitutionnel ne retoquera probablement pas le texte ?
Nous ne ferons pas de recours devant le Conseil constitutionnel puisque la légalité est respectée. Pour la légitimité, c'est une autre affaire. Mais il n'y a pas dans la loi des éléments qui nous paraissent inconstitutionnels. Il ya des éléments profondément injustes et inefficaces, mais qui ne vont pas contre la constitution.

Les manifestations de la semaine dernière n'ont finalement rien changé ?
L'ensemble des manifestations a montré au gouvernement que l'ensemble de cette réforme ne passait pas. Les gens ont pris conscience de l'ensemble des dangers que cette réforme représente pour eux, pour leurs enfants. Les jeunes, qui se sont aussi mobilisés au moment de la toute fin des débats est révélateur de ce malaise. Je pense que la procédure mise en place par le gouvernement avait un objectif immédiat. Dès vendredi soir, à l'issue des travaux du Sénat, Eric Woerth et Georges Tron se sont félicités que la réforme ait été acceptée. En termes de légitimité, l'opinion publique continue à penser très majoritairement que cette réforme est une mauvaise réforme. Le gouvernement prend ses responsabilités par rapport à cela.

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1 commentaire
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tieffo le 25/10/2010 à 15:48

On peut savoir pourquoi vous avez supprim? la photo de la s?natrice que vous interrogez??

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