Un Cyrano farceur en ouverture des Nuits de Fourvière

Un Cyrano farceur en ouverture des Nuits de Fourvière
Ovation lyonnaise pour le Cyrano de Lavaudant à Fourvière - LyonMag

Cyrano de Bergerac ouvrait l'édition 2013 des Nuits de Fourvière ce mardi soir dans l'Odéon.

Il y a comme le rappelle le programme du spectacle deux façons d'appréhender  la pièce de Rostand : l'approche comique ou l'approche tragique. Georges Lavaudant, metteur en scène de cette création en première mondiale offerte au Festival lyonnais a choisit la première.

La farce intervient dès l'apparition de son Cyrano, incarné par Patrick Pineau. On est là face à un personnage immédiatement truculent, follement rustre et d'emblée bourru. Ce personnage que l'on ne présente plus peut être vu comme ce que l'on désigne familièrement par le terme "beauf". Et un beauf qui parle en vers acides mais toujours à propos, ça décoiffe. Le bougre déclame ses fracassants alexandrins comme il manie l'épée.
La pièce est un classique du répertoire français et Lavaudant le prouve en en mettant le texte dans la bouche d'un comédien au ton tonitruant. Il hurle, se trémousse, chante, brocarde et invective, toujours avec aplomb et panache, un panache superbe car vain, un panache magnifique à rendre Henri IV blanc comme un linge.

L'Odéon de Fourvière en a vu d'autres, et ce n'est pas le décor épuré tirant sur le vert qui l'aura surpris, c'est la tonalité du jeu qui s'en est chargée. Cyrano, maître d'armes gascon et poète d'instinct, renvoie par son seul nez à une dualité du sentiment amoureux étandable aux rapports sociétaux : la beauté physique est-elle gage d’attirance ou mieux, de qualité ? Car si le guerrier est déformé par son roc, son pic, son cap, que dis-je son cap... sa péninsule nasale, il est aimé de Roxane pour ce qu'il est en lui, à savoir un manieur de mots hors-pair capable d'exprimer bellement ce que chacun ressent quand il est amoureux, pour  mourir éconduit mais de son propre chef ! Le jeu de Pineau cisèle cette prouesse en le faisant pourtant sur un ton nonchalant.
Il faut de l'énergie pour un rôle pareil, il en a à revendre et les ruines antiques sont l'écrin acoustique de son généreux coffre. Il est d'ailleurs également puissant que Roxane (Marie Kauffmann) est juste dans sa retenue faussement non maîtrisée de jeune femme amoureuse d'un homme pour sa plastique. Ce duo fonctionne et palpite, n'en déplaise aux caciques de la tragédie qui resteront c'est vrai quelque peu sur leur faim. Ce Cyrano a pris très diaphanement le parti du comique, et tout comme chez Molière, Rostand nous fait du coup penser en faisant rire. Sous le balcon nuptial ou dans le siège d'Arras, l'assistance rigole mais rigole d'elle même, à gorge déployée quand on suggère le sexe ou de soulagement quand elle oublie la mort.

Bravo Georges Lavaudant pour cette mise en scène servie d'ailleurs aussi par d'épatants cadets, un De Guiche impayable et un Ragueneau génial.
Cyrano de Bergerac est proposé jusqu'au 12 juin, à 21h30, pétantes. Les coussins volent en fin de représentation, quand sonne minuit.

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