Ansanay-Alex s'installe à Londres

Ansanay-Alex s'installe à Londres
Jean-Christophe Ansanay-Alex

Jean-Christophe Ansanay-Alex, le chef de l’Auberge de l’île, deux étoiles au Michelin, ouvre ce mois-ci un restaurant à Londres, l’Ambassade.

Pourquoi ouvrir un nouveau restaurant ?
Jean-Christophe Ansanay-Alex : Parce qu’à l’Auberge de l’île, ma cuisine ne fait que 18m2, ce qui est beaucoup trop petit. J’ai essayé de l’agrandir en achetant une maison juste derrière mais ce projet est trop coûteux car les normes européennes sont très strictes. Exemple : on a pas d’égoûts sur l’île donc j’ai une fosse sceptique avec deux bacs à graisse. Mais si je veux faire une nouvelle cuisine, il faut carrément que je construise une minie station d’épuration. Et vu que l’île est en roche, c’est pratiquement impossible. Du coup, ça m’a pousser à chercher un autre lieu.
Mais pourquoi avoir choisi Londres ?
Au début, je voulais m’installer dans le centre de Lyon mais je n’ai pas trouvé d’établissement qui me convienne. En fait, je rêve depuis toujours de m’installer à New York, car là-bas tout est grand. Mais c’est difficile de gérer un restaurant à New York et à Lyon. Du coup, je me suis rabattu sur Londres, une belle ville, qui bouge et que j’adore... D’ailleurs, ça fait plus de quatre ans que je vais à Londres 10 jours par mois pour essayer de trouver un emplacement.
Et vous avez trouvé ?
Oui, j’ai trouvé un petit établissement plein de charme, très élégant et discret, dans le quartier sud de Kensington. Car je voulais un lieu qui me corresponde. Je ne me voyais pas au pied d’un building ultra-moderne par exemple. Mais comme on est quand même à Londres, on va ouvrir un établissement un peu plus moderne et plus jeune qu’à l’île Barbe avec une déco dans les tons blanc et violet, un mobilier en chrome... On aura aussi une table du chef dans un esprit wagon en cuir blanc. Et c’est l’architecte Philippe Magnin qui va s’occuper de la déco.
Votre investissement ?
Deux millions de livres, soit près de 3 millions d’euros. Mais j’ai été soutenu par Marc Grosjean, un trader de la City qui travaille au Crédit Suisse et qui a fait ses études à Lyon. Il est tombé amoureux de cette ville et de sa gastronomie. Et comme il adore venir manger à l’Auberge de l’île, on est devenu ami. Il y a aussi Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais, qui a financé une partie de ce nouveau restaurant. Lui aussi est un très bon client de l’Auberge. Et il a tout de suite accepté de m’aider.
Le type de cuisine que vous allez proposer ?
Mes grands classiques : des noix de Saint Jacques avec une marmelade de griottes à la moutarde, une ligne de bar en écaille de courge butternut avec du lait de châtaigne à l’huile de truffe blanche, des dumpings de foie gras au zeste de citron confit avec un miroir de porto et un jus de truffe... Mais on va aussi revisiter certains plats anglais comme le traditionnel “fish and chips”, du poisson frit dans de la pâte accompagné de frites. Pour que ça soit moins gras, on les proposera à base de goujonnette de sole et de tubercules de radis noirs et de panet. Servis dans un papier de soie au lieu du traditionnel papier journal. En dessert, on va proposer une gelée à l’orange amère avec des fleurs de sureau et d’orangers confites servies dans un verre avec un sabayon de safran. Car les anglais adorent les gelées.
Mais les Anglais ne sont pas des amateurs de gastronomie !
C’est totalement faux. Les Anglais sont très pointus en cuisine. Mais en France, on pense toujours qu’on est les meilleurs. D’ailleurs, j’ai une importante clientèle londonienne qui vient à l’Île Barbe.
C’est plus facile de travailler en Angleterre ?
Non car il y a énormément de concurrence. Il ne faut pas croire qu’on arrive en terrain conquis. D’ailleurs les six premiers mois seront vraiment décisifs. C’est pour ça que j’y vais avec beaucoup d’humilité.
Votre personnel va vous suivre à Londres ?
Mes 14 salariés, dont mon second Philippe Haond, vont rester à l’île Barbe. En revanche, j’ai réuni d’anciens collaborateurs en qui j’ai confiance mais qui étaient partis aux quatre coins du monde et qui vont participer à ce projet. Notamment Sylvain Bouget, qui sera mon second. On sera une vingtaine à travailler à l’Ambassade pour servir une soixantaine de couverts par jour. Et au début je serai en permanence à Londres car on n’a pas le droit à l’erreur.
Pourquoi ne pas avoir lancé plutôt une brasserie comme Bocuse ?
Parce que je ne me situe pas dans cette dynamique. Je préfère privilégier la qualité au business.
Vous prenez quand même des risques !
C’est vrai que j’ai deux étoiles au Michelin, que mon établissement tourne bien et que je pourrais continuer ma petite vie lyonnaise. Mais j’ai 42 ans, ça fait 17 ans que je suis à l’Auberge de l’île et j’ai peur de m’installer dans une routine. J’ai besoin de me lancer dans un nouveau projet pour continuer à avancer.
Propos recueillis par Nadège Michaudet

3 000 Lyonnais à Londres
Il y aurait environ 300 000 Français qui vivent à Londres, dont près de 3 000 Lyonnais. Officiellement, les Lyonnais recensés au Consulat de France sont 1 394. Parmi eux, 862 sont cadres. Mais ces lyonnais ne sont pas regroupés en association, contrairement aux bretons ou aux alsaciens. Mais il se retrouve au bouchon lyonnais, un restaurant 100% lyonnais existe depuis 1985. Repris l’année dernière par Patrick Jacrot cet établissement propose une cuisine traditionnelle : quenelle, saucisson brioché, escargot, soupe à l’oignon... Et il diffuse aussi les matchs de l’OL. Deux anciens joueurs lyonnais jouent aujourd’hui à Londres : Steed Malbranque à Tottenham et Florent Malouda à Chelsea. Parmi les figures lyonnaises à signaler également, que David Baverez, le frère de l’économiste et essayiste Nicolas Baverez, est directeur général du hedge fund KDA Capital, un des fonds d'investissements les plus rentables du monde. Mais aussi Stéphane Pedrazzi, ancien chroniqueur sur TLM qui est aujourd’hui journaliste financier à la City. Autre restaurateur lyonnais installé à Londres depuis plusieurs années : Claude Bosi qui tient l’Hibiscus, un restaurant deux étoiles à Maddox Street qui propose une cuisine française traditionnelle : tartare de saumon, terrine de foie gras, tarte au chocolat...

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