Avenir Finance : un succès cassé par la crise

Avenir Finance : un succès cassé par la crise

Le groupe lyonnais spécialiste des placements défiscalisés, qui a longtemps profité de la flambée de l'immobilier et de la Bourse, est durement touché par la crise. Enquête.

“On cherche tous du boulot”, avoue un cadre d’Avenir Finance. Il faut dire que ce groupe lyonnais est doublement touché par la crise immobilière et boursière. Fin novembre, l'action est tombée sous les 4 euros. Soit une baisse de 75% depuis le début de l'année. Pourtant Avenir Finance a toujours été très rentable. Grâce au dynamisme et à la créativité de son pdg, Danyel Blain, un financier atypique qui a commencé comme éducateur avant d’entrer en 1975 à l’Union financière de France (UFF), une filiale de Suez spécialisée dans la gestion de patrimoine. Vingt ans plus tard, ce travailleur acharné claque la porte pour monter sa propre entreprise, Avenir Finance, qui vend des produits financiers sur mesure à ses clients. Une dizaine de fidèles, des cadres de l’UFF, le suivent dans l’aventure. L’entreprise commence à distribuer des placements immobiliers et financiers défiscalisés pour des hommes d’affaires qui veulent obtenir un meilleur rendement de leur épargne tout en payant moins d’impôts. Et ça marche. En 2001, Avenir Finance réalise 17,9 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 1 million d’euros de résultat net. Danyel Blain ne s’arrête pas là, et l’année suivante, il rachète Sicavonline.com, un site internet qui distribue des portefeuilles boursiers et des produits de placement dans des PME non cotées en Bourse. Puis en 2005, il se lance dans l’introduction en Bourse de PME en créant Avenir Finance Corporate. Et c’est le jackpot : 1,9 million d’euros de chiffre d’affaires pour 520 000 euros de bénéfice dès la première année. L’entreprise lyonnaise qui emploie 132 salariés surfe sur le boom de l’immobilier et l’euphorie boursière. En 2006, le chiffre d’affaires atteint 42 millions d’euros pour 3 millions de bénéfice net. Mais en 2007, cette belle mécanique s’enraye. Le chiffre d’affaires recule de 7% à 39 millions d’euros alors que le bénéfice net est divisé par trois. Et la dégringolade s’accélère en 2008 : au premier semestre, le chiffre d’affaires est en chute de 35% et, pour la première fois de son histoire, le groupe affiche des pertes : 3 millions d’euros.

Débâcle

“C’est la faute de la conjoncture”, martèle Danyel Blain. Et c’est vrai que depuis le début de l’année, le CAC 40 a  perdu 40% de sa valeur. Les fonds gérés et distribués par Avenir Finance, qui sont constitués par des actions d’entreprises cotées en Bourse, n’ont pas résisté à cette débâcle. Aujourd’hui, ils sont tous dans le rouge. Du coup, depuis 18 mois, la rentabilité s’est effondrée. Dans la vente d’actions et de produits financiers, le résultat net a été divisé par deux alors que dans l’activité de gestion de placements financiers il a baissé de 56%. Mais il n’y a pas que la conjoncture. Aujourd’hui, avec la crise boursière, les investisseurs recherchent des placements sécurisés, avec capital et taux d’intérêt garanti. Comme les produits monétaires et les assurances vie en euros. Mais Avenir Finance n’en distribue pratiquement pas.
Et c’est encore pire dans l’activité de conseil aux entreprises, Avenir Finance Corporate, qui introduit notamment des PME en Bourse. Le chiffre d’affaires a été divisé par deux l’année dernière, d’où une perte de 472 000 euros. Pourtant, quand Avenir Finance s’est lancée sur ce créneau en 2005, elle a réalisé 11 introductions boursières. Et pour s'imposer sur ce marché, le groupe lyonnais avait recruté les meilleurs spécialistes. Mais l’année suivante, la plupart de ces cadres ont quitté l’entreprise quand Danyel Blain a créé Avenir Finance Securities, une activité de courtage chargée d’analyser, d’acheter et de revendre des actions de PME cotées en Bourse. L’idée est cependant judicieuse, car jusqu’ici, les financiers d’Avenir Finance ne faisaient que préparer les dossiers d’introduction pour que les autorités boursières accordent leur visa. Un travail indispensable mais qui ne permet pas de réaliser des marges importantes. Alors qu’au contraire la vente d’actions d’entreprises auprès des investisseurs avant leur introduction en Bourse était réalisée par des courtiers qui prélevaient une commission de 5% sur le montant des capitaux levés. Du coup, Danyel Blain veut se charger lui-même de la vente des titres. Mais plusieurs cadres refusent cette stratégie et démissionnent en estimant qu’il y a mélange des genres : “Vous ne pouvez pas à la fois introduire une entreprise en Bourse et inciter les investisseurs à acheter des titres de cette même entreprise. Car il y a conflit d’intérêt”, estime un ancien cadre d’Avenir Finances.

Cette véritable fuite des cerveaux va paralyser Avenir finance Corporate puisque, entre mai 2006 et mai 2007, elle réalisera quatre introductions en Bourse seulement. De plus, en lançant sa propre activité de courtage, Avenir Finance concurrence les entreprises du secteur... Lesquelles font tout pour flinguer ce nouvel intrus. “Quand on a commencé à travailler, on s’est aperçus que toute la place financière faisait pression sur les investisseurs pour les empêcher de travailler avec nous : ils disaient que nous n’étions pas crédibles car plusieurs cadres avaient quitté l’entreprise. Ce qui était complètement faux mais ça a été efficace. D’autant plus que dans le milieu de la finance, les rumeurs vont vite”, raconte un cadre d’Avenir Finance. En tout cas, avec les mauvais résultats de ses activités de conseil, de distribution et de gestion d’actifs, Danyel Blain perd énormément d’argent. Même le cœur de l’activité, Avenir Finance Immobilier, qui représente 43% du chiffre d’affaires est menacé. Car l’une des spécialités de l’entreprise, c’est d’acheter puis de revendre à des hommes d’affaires des bâtiments classés par l’Etat. Ensuite, les investissements réalisés pour la rénovation de ces bâtiments sont exonérés d’impôts. C’est la fameuse loi Malraux. Or cette loi est aujourd’hui dans le collimateur du gouvernement, qui veut s’attaquer aux niches fiscales en plafonnant les exonérations fiscales. Le Parlement devrait se prononcer début 2009.

38 millions de dette
Pour affronter cette crise, Danyel Blain a augmenté de 50% le nombre de ses commerciaux. Il espère ainsi relancer la vente de ses produits financiers et immobiliers. En effet, pendant plusieurs années, Avenir Financ

“Serein”
Pour Danyel Blain, Pdg d’Avenir Finance, la situation de son groupe n’est pas catastrophique.

Pourquoi cette baisse de votre chiffre d’affaires ?
Danyel Blain : Parce que la crise économique est exceptionnelle. En 32 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça ! Plus personne n’a confiance dans l’avenir : les achats de biens immobiliers se sont pratiquement arrêtés, les achats de voitures aussi...  Ce qui pénalise les entreprises. En plus, depuis 4 mois, l’essentiel de l’épargne s’est déplacé vers des placements où le capital est garanti et vers des comptes sur livret comme le livret A... Du coup, notre activité est en baisse dans le conseil aux entreprises et la distribution de produits financiers. Enfin, dans l’immobilier qui est notre principale activité, les acheteurs ont du mal à trouver un crédit ce qui nous pénalise là encore.
Vous êtes inquiet ?
Non, j’ai pris les décisions nécessaires et je suis serein pour 2009. Les gens ne pourront pas indéfiniment adopté cette position attentiste.
Et pour l’immobilier ?
Nous sommes sur une niche, l’immobilier haut-de-gamme, qui va mieux s’en sortir que l’ensemble du secteur. D’ailleurs, cette année, on fera mieux que le marché.
Les mesures que vous avez prises ?
Au 13 août 2008, nous avions recruté environ 13 commerciaux. Car jusqu’à présent, on commercialisait 40% de nos produits via des prestataires extérieurs. Du coup, on ne pouvait pas les motiver. Et en période de crise, c’est essentiel. Alors que le chiffre d’affaires de ces commerciaux indépendants est en baisse de plus de 80%, celui de nos commerciaux en interne progresse.
Et vous pensez les banques vont continuer à vous soutenir ?
Ça fait 13 ans qu’Avenir Finance existe et pendant 12 ans, on a toujours gagné de l’argent, ce qui nous donne un peu de crédit. Nous avons un savoir-faire et ça rassure les banques. Et puis je crois que la crise financière est passée car les pouvoirs publics ont réagi de façon vigoureuse. En revanche, il y a un blocage psychologique. Les entreprises et les consommateurs, qui ont peur, hésitent à investir et à consommer. Mais il faut dépasser ce blocage. Tout se jouera au premier semestre 2009.

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