IADE : vers une radicalisation du mouvement aux HCL ?

IADE : vers une radicalisation du mouvement aux HCL ?

Elles vous endorment, maintiennent votre anesthésie. Elles vous intubent, vous extubent. Elles, ces sont les infirmières anesthésistes diplômées d’Etat. A l’appel des syndicats spécifiques à leur profession, elles manifestent vendredi à Paris. Objectif : le maintien de l’exclusivité de leurs compétences, et la reconnaissance « grade Master» de leur formation. Et si elles ne sont pas entendues, elles pourraient bien déserter les blocs opératoires dès lundi. Agnès Moreaux, IADE aux HCL, a bien voulu nous détailler les menaces qui planent au-dessus de sa profession.

Lyon Mag : Pourquoi les IADE de Lyon montent à Paris vendredi ?
Agnès Moreaux :
Nous nous sentons en danger. Le protocole voulu par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, met notre profession en danger. Il met aussi en danger la sécurité des patients lors d’une pratique anesthésique. Nous tirons la sonnette d’alarme depuis février. Nous sommes reçus par les autorités, mais rien ne change.

De quels dangers parlez-vous ?
Pour accéder à notre profession, il faut passer par une formation d’infirmier-anesthésiste, qui dure deux ans. Avec le protocole Bachelot, notre pratique médicale serait accessible par une validation d’acquis d’expérience. L’anesthésie n’est pas une mince affaire. Le risque zéro n’existe pas. Et la sécurité des patients vaut bien un minimum de deux années d’études supplémentaires au diplôme d’infirmière pour être acteur de l’acte d’anesthésie.

Le grand public ne connait pas vraiment votre profession. En quoi consiste-t-elle ?

Prenons l’image de l’aviation. Le commandant de bord, c’est le médecin anesthésiste. Et le rôle du copilote est tenu par les IADE. Nous sommes capables de piloter : nous vérifions les matériels, nous surveillons les patients. Nous sommes en mesure de réinjecter les drogues, du surveiller une anesthésie, de la maintenir. Ces compétences spécifiques, nous les avons acquises grâce à notre spécialisation. C’est un acte médical, indiqué par le médecin anesthésiste, que nous exécutons. De l’induction jusqu’au réveil, nous avons cette compétence exclusive.

Quels sont les gestes médicaux, de la compétence exclusive des IADE, mis en danger par le protocole Bachelot ?

C’est une globalité et le protocole reste très vague. Le protocole ouvre une accession à notre profession par la validation des acquis d’expérience. Cela veut tout et rien dire. Cela voudrait dire que nos compétences seraient accessibles sans passer par l’école d’anesthésie. Le texte de loi qui protège notre exclusivité de compétence mentionne que pour tout acte d’anesthésie générale ou loco-régionale, seuls sont habilité à la pratiquer, en présence d’un médecin, une infirmière anesthésiste diplômée d’Etat ou un étudiant en voie de spécialisation. Il s’agit de l’article R 4311.12 du code de la santé.

La pratique d’un acte médical, relevant de la compétence des IADE, et effectué par un autre personnel a-t-elle déjà été relevée ? Est-ce un état de fait ?
Je ne pourrai vous l’affirmer. Mais nous avons ouï-dire que certaines cliniques sont dans la complète illégalité, en effectuant sous couvert des médecins anesthésistes, des surveillances à des infirmières qui ne sont pas formées. J’évoque cet état de fait dans le privé exclusivement. Dans le public, une telle pratique est illégale. Nous n'avons aucune preuve, les gens qui nous font par de ces témoignes le font anonymement car ils ont peur de perdre leur emploi.

Votre compétence est exclusive. Comment pourrait-elle être mise en danger par une validation d’acquis, sachant que tout autre personnel infirmier que les IADE qui la pratiquerait serait hors-la-loi ? Cette validation d’acquis est théoriquement impossible ...
C’est effectivement un point d’incompatibilité. Nous avons peur qu’il y ait une ouverture sur l’exclusivité de compétence. Mme Bachelot nous explique que nous ne risquons rien en tant que IADE.La loi de modernisation sociale du 12 janvier 2002, ajoutée au protocole de la ministre de la Santé, va permettre, par des formations courtes, l’accès à certaines de nos compétences. Nous craignons que les patients, qui n’ont pas tous forcément des anesthésies générales, puisse être surveillés par des personnes qui ont fait des formations de quinze jours. Ils n’auraient pas la compétence suffisante pour faire face à des complications.

Ce protocole Bachelot n’a qu’une motivation de rentabilité ?
Elle semble surtout dictée par un souci d’économie. Les études d’infirmière-anesthésistes sont financées au niveau de la formation. Elles coûtent cher et durent deux ans. Actuellement, il y a un différentiel de salaires de 300€ entre une infirmière et une IADE dans le public. Avec ce protocole, le différentiel sera complètement lissé. Il n’y aura plus d’attractivité pour notre profession.

La reconnaissance de votre niveau d’étude à Bac +5 pose également problème ?
Nous avons reçu des courriers de Mme Pécresse qui nous dit que cette reconnaissance est en bonne voie. Nous avons deux années de spécialisation à temps plein, avec 700 heures de théorie. Et contrairement à ce qu’affirme Mme Bachelot, c’est largement suffisant pour valider un niveau Master. Nous avons en plus 1450 heures de formation pratique, et la rédaction d’un mémoire pour valider le diplôme d’IADE. Et nous ne demandons même pas le niveau Master, nous demandons une reconnaissance du niveau grade Master, comme les infirmières ont une reconnaissance grade licence. Au niveau financier, on a jamais vu quelqu’un, à Bac +5 commencer avec un salaire de 1690€ bruts par mois.

Que vous dit Gérard Collomb, votre président aux HCL ?

Il ne s’est pas vraiment prononcé sur le mouvement spécifique aux IADE.

Si vendredi vous n’êtes pas entendus, quelle sera la suite du mouvement ?
Nous voulons une ouverture des négociations réelle vendredi. Nous en avons assez d’être reçus pour discuter. Nous sommes prêtes à radicaliser le mouvement dès lundi matin.

Cela signifie qu’il n’y aurait plus d’infirmières anesthésistes dans les blocs opératoires des HCL dès lundi ?
Effectivement, cela signifierait plus d’infirmières anesthésistes dans les blocs dès lundi. Cela représente, dans le domaine public, 80% à 90 % des IADE. Certains syndicats ont déposé préavis de grève illimité pour les IADE à partir de lundi.

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