Grand débat national : ils font comment ailleurs ?

Loin d'être réhabilitée comme ses créateurs faisaient semblant de le croire, elle a été contournée pour offrir l'illusion de la participation populaire. Privés, entre nous, du droit de réinventer la démocratie, nous allons voir comment la participation des citoyens se donne à voir ailleurs.

Comme le font par exemple les Algériens qui manifestent, dans des conditions jugées illégales par leur pouvoir, pour réaffirmer la souveraineté du peuple. Eux-mêmes, s’inspirant de notre Grand Débat National et des Gilets Jaunes français. Rendez-vous donc chez nos voisins pour emprunter des idées d'ailleurs. Ailleurs, ou chez nous, mais avant.

Qui sait, par exemple, que les conseils de prud’hommes ont été inventés il y a presque jour pour jour 213 ans, à Lyon, par une loi promulguée par Napoléon ? Chargés de régler les petits différends, ou de les juger si cela n’avait pas été possible, nous proposons donc de s’en inspirer pour modifier leur fonctionnement. Actuellement, dans la composition des bureaux de jugements des juridictions prud'homales la parité est de mise. Si le président du bureau est un conseiller prud'homal employeur alors il est flanqué d’un conseiller employeur et de 2 conseillers salariés : parité capital/travail. Nous proposons de modifier la composition de ces bureaux de la façon suivante : il n’y aurait plus 4 conseillers dans les bureaux de jugement mais 8 et la parité serait abolie. 2 conseillers employeurs, 3 salariés et 3 issus du secteur associatif. Adieu ainsi à l’écrasante majorité accordée aux représentants du patronat (qui ne correspond à rien démocratiquement parlant).

Restons dans les questions de Justice, mais quittons Lyon. Escale en Amérique du Nord, au temps des peuples premiers, car c’est avec les civilisations Inuits que l’on retrouve les premières traces de justice restaurative. Avant l’imposition du droit occidental aux peuples autochtones, ceux-ci pensaient que le rôle de la Justice était de remettre les condamnés dans le droit chemin et en les accompagnant. Cette approche de la justice cherche à impliquer la victime, le contrevenant et la communauté dans le processus de guérison afin de travailler vers le mieux-être de la communauté. Ce mode de justice veut mettre l'accent sur le rétablissement des victimes, la responsabilisation des délinquants et la participation des citoyens, de manière à créer des communautés plus saines et plus sûres. Chez nous, le pouvoir judiciaire appartient à une élite bourgeoise qui participe de ce fait à l’imposition d’une justice de classe qui sert ses intérêts et non ceux du peuple. Redonner le pouvoir judiciaire au peuple c’est garantir un meilleur fonctionnement démocratique de la société.

On peut tout de même relever une avancée majeure : l’introduction de la notion de justice restaurative dans la loi du 15 août 2014 qui définit la justice restaurative comme "toute mesure permettant à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction, de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction ”.

Maintenant - parce que la politique compte aussi - départ pour la Pologne, avec l’idée de contourner la démocratie représentative. Le mandat impératif polonais date du 18ème siècle. En France cette disposition est interdite par l’article 57 de la Constitution. Pourquoi ne pas la remettre au goût du jour, dans une nouvelle version ? Le principe est simple : confier un mandat à une personne ou une association pour une mission précise avec des objectifs. En cas de non-respect des engagements, c’est le renvoi du mandataire sans discussion. Moins loin de chez nous d’ailleurs, en Suisse, les citoyens ont la possibilité de révoquer leurs élus locaux. Ce qui permet un contrôle plus strict des représentants. Avec au moins 600 votes par canton, ou 10% des communes du canton qui se prononcent, on peut renvoyer un représentant.

On pourrait appliquer ce type de mesure aux députés français pour les inciter à représenter le territoire qui les a élus. Pétition à signer, en ligne ou par cahier en mairie, et si 25% des électeurs d’une circonscription n’en veulent plus, le député s’en va. Bien sûr, en plus du mandat impératif, on pourrait aussi vous proposer le référendum pour tous, mais un peu trop banal nous référons laisser ça pour le moment.

Soyons plutôt modernes et connectés. Et demandons-nous comment faire émerger une citoyenneté numérique qui fonctionne en plus (ou à la place) de la citoyenneté française et européenne. Francesca Bria, de la municipalité de Barcelone, utilise un outil appelé “Decidim” (“décidons maintenant” en catalan). Decidim est à mi-chemin entre une plateforme tournée vers la prise de décision, et un réseau social. Les habitants peuvent discuter et faire de la politique ensemble. Comment ça marche ? En utilisant des outils de participation, les Agoras (Decidim peut organiser des rencontres et géolocaliser chacun pour faciliter cela), les Initiatives (en lancer à plusieurs) et les Consultations (un petit référendum avec un système de vote sécurisé).

Faut-il fermer l’école Lévi Strauss dans le 1er arrondissement de Lyon ? A la moulinette Decidim ça donnerait des réunions des parents d’élève, une pétition du quartier, des tentatives d’interpellation des élus et un référendum métropolitain.

Voilà en quelques mots des moyens étranges et étrangers de mieux faire la démocratie chez nous. Nous n’en avons pas fini avec ça, dans un troisième et dernier épisode, nous proposerons ici-même nos propres idées pour rénover notre chère démocratie.

La Grande Déroute Notoire