Portrait : Boumsong, enfin un footballeur intelligent !

Portrait : Boumsong, enfin un footballeur intelligent !

A 28 ans, le défenseur de l’OL Jean-Alain Boumsong sera titulaire ce mardi soir en Ligue des champions face à Bucarest. Portrait de ce joueur atypique dans le milieu du football.

“En ce moment, je lis “Les pensées”, un livre sur les stoïciens, un courant de philosophie basé sur le vertus cardinales : courage, justice, tempérament et discernement.” Non, ce n’est pas le doyen de la faculté de philosophie qui parle. Mais un simple joueur de foot : Jean-Alain Boumsong. Et le pire, c’est qu’il ne donne pas l’impression de bêtement réciter une phrase apprise par cœur pour épater la galerie. Car pendant l’entretien d’une heure qu’il a accordé à un journaliste de Lyon Foot (groupe Lyon Mag), le défenseur de l’Olympique lyonnais va se révéler cultivé, fin, profond... Bref, intéressant. Comme quoi, tout peut arriver à l’OL !
Bien sûr, dans le milieu du foot, Boumsong passe pour un “intello”. Sous-entendu un mec chiant. La preuve, “on ne comprend pas toujours ce qu’il raconte”, avoue un de ses collègue de ‘l’OL. Il faut dire que son bac +2, chez les footeux, ça équivaut à  l’ENA !

Le bac à 17 ans
Né en 1979 au Cameroun dans une famille de six garçons, ce dingue de foot qui brille à l’école, en particulier en maths, arrive en France en 1994. Et a priori, il est mal parti pour devenir un premier de la classe. Hébergé chez un oncle, il dort par terre dans la chambre qu’il partage avec ses cinq frères au cœur d’une cité HLM de la banlieue parisienne. Et même sur les terrains de foot, il ne passe pas à l’époque pour un prodige. D’ailleurs il attendra 16 ans pour prendre sa première licence à l’US Palaiseau, alors que les meilleurs joueurs de sa génération font déjà des étincelles dans les centres de formation des grands clubs de football. Mais ce colosse, 1,90 m pour 88 kg aujourd’hui, va rapidement se faire remarquer. En 1996, il signe au centre de formation du Havre. La même année, il obtient son bac, avec un an d’avance. Et il s’inscrit alors en Deug de maths, tout en essayant de passer pro au Havre. Un sacré défi pour ce jeune Camerounais.

“Ça a été difficile car il fallait une sacrée organisation”, avoue Boumsong en précisant : “A 8h30, j’étais à la fac, puis je repartais en bus à l’entraînement à 10h30, avant de retourner en cours en début d’après-midi et parfois j’avais encore un entraînement en fin de journée !” Et alors que les autres pensionnaires font la bringue, lui, il reste dans son coin pour réviser sagement ses cours. Une détermination qui va payer, puisqu’il atteint ses deux objectifs : il décroche son Deug et devient pro en 1998.  “Rien ne pouvait m’arrêter. Je voulais mon diplôme. D’abord, parce que mon avenir footballistique était alors incertain. Ensuite, parce qu’il n’y a pas que le foot dans la vie !” explique Boumsong.

Globetrotter

Après avoir joué au Havre et à Guingamp, il rejoint en 2000 l’AJ Auxerre de Guy Roux. Un entraîneur paternaliste, qui va beaucoup compter dans la carrière de Boumsong. Ce qui lui permettra de s’imposer comme un des meilleurs défenseurs du championnat et de remporter une Coupe de France. Mais en 2004, il décide de partir à l’étranger. L’Ecosse d’abord chez les Glasgow Rangers, puis Newcastle en Angleterre et enfin la Juventus de Turin en Italie. Coaché par Didier Deschamps, il aide ce club mythique à remonter en première division en 2007. Mais la saison suivante, le nouvel entraîneur ne lui fait pas confiance. Du coup, il signe à l’Olympique lyonnais en janvier 2008.

“Après six mois très durs à Turin mais aussi une expérience anglaise qui a mal fini, j’avais envie de retrouver du calme et de l’harmonie. Or l’Olympique lyonnais était un club stable, encore en construction mais ambitieux, qui voulait enfin dépasser le niveau des quarts de finale en Ligue des champions”, raconte Boumsong, qui doit relancer sa carrière. Et pour cela, il doit jouer. Mais, en début de saison, il se heurte à nouveau à l’entraîneur, qui ne lui fait pas confiance. Victime de sa réputation d’intello ? En tout cas, Claude Puel préfère faire jouer un milieu de terrain, Mathieu Bodmer, à sa place en défense. D’où le coup de gueule de Boumsong : “Je ne suis pas un simple substitut.” Et de lancer un avertissement à ses dirigeants que s’il n’est pas plus souvent titulaire, il préfère changer de club. Une franchise rare chez un joueur, qui s’était fait remarquer dès ses débuts au Havre en s’accrochant avec son président qui ne le payait que 7 000 francs par mois. Alors qu’il annonçait que cet espoir valait au moins de 40 millions de francs !

“Je suis différent”
Il faut dire que le personnage en impose. Toujours très calme, Boumsong parle d’une voix grave, en pesant ses mots, toujours simple et précis. Rarement une phrase en l’air. Un peu le style sage africain. “C’est vrai que dans le milieu du foot, je suis différent. Je suis certes un sportif, mais je me considère avant tout comme un citoyen du monde… Car dans la vie, on apprend en échangeant, en écoutant, en dialoguant avec les autres”, explique ce père de trois enfants, qui vit avec sa compagne dans une belle maison à Collonges-au-Mont-d’Or.

Du coup, ce passionné d’opéra et de littérature a parfois du mal à cohabiter avec les autres joueurs lyonnais. “C’est sûr que face à la génération Playstation-rap, je suis en décalage ! En fait, les jeunes sont moins cérébraux, mais j’apprends aussi à leur contact car ils sont plus spontanés, plus instinctifs que moi. Mais quand je défends mon point de vue, je passe pour “l’intello” parce que je m’exprime bien. Mais ce n’est pas parce qu’on parle bien qu’on a toujours raison !” souligne le défenseur lyonnais, qui ajoute : “Mais très souvent, il n’y a pas de retour : ils se moquent de moi sans aller plus loin dans la discussion. Ce décalage peut parfois devenir affligeant. Alors je discute plutôt avec les kinés ou mes amis !” Il est ainsi capable de partir dans de grandes envolées avec son frère, Serge “Abad” Boumsong, qui est poète.

Résultat, Boumsong est marginalisé aujourd’hui dans le vestiaire lyonnais. Alors que les nouvelles stars de l’équipe sont des as de la console, lui préfère lire Le Figaro, Le Monde ou Les Echos. Féru d’égyptologie, il dévore aussi les biographies des grands personnages historiques : Napoléon, Kennedy, Alexandre le Grand... Et quand les autres footeux collectionnent les voitures comme les femmes, ça le fait bien marrer. “

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