Les avocats du Barreau de Lyon attaquent la garde à vue

Les avocats du Barreau de Lyon attaquent la garde à vue

C’est ce lundi que les avocats du Barreau de Lyon plaideront la nullité de la garde à vue devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon. Ils entendent protester contre les abus liés cette procédure. 800 000 personnes ont été placées en garde à vue en France en 2009.  Ils demandent aux juges de la chambre des comparutions immédiates de rendre nuls tous les jugements prononcés à l’encontre de personnes gardées à vues. Pour Gaël Candela, avocat pénaliste au Barreau de Lyon, il s’agit de rendre a l’avocat son droit fondamental d’avoir accès au dossier du gardé à vue durant la procédure. Interview.

Lyon Mag : Vous débutez lundi une opération où vous allez plaider la nullité des gardes à vues ?
Gaël Candela :
Le Barreau de Lyon est arrivé au constat que les chiffres qui ont été annoncés par le ministère de l’intérieur concernant les gardes à vues était tout à fait inquiétant. Pour 2009, il a été annoncé 800 000 gardes à vues. Cela peut paraître peu, mais si l’on rapporte à la population concernée, cela représente globalement un français sur quatre. A partir de ce chiffre là, nous avons estimé qu’il y avait lieu de réagir. Il a été décidé une semaine d’action du Barreau.

C’est une action qui n’est que lyonnaise ou elle est aussi menée nationalement ?
Plusieurs avocats à travers la France ont déjà soulevé ce point. Nous avons décidé du côté de Lyon une action globale, elle est donc à l'initiative du Barreau lyonnais. La garde à vue telle qu’elle existe aujourd’hui est en oeuvre depuis 1958. C’est une pratique policière qui a été réglementée par la loi. Aujourd’hui, elle peut toucher n’importe qui, pour tout type d’infractions, et même des infractions mineures. A partir de là, il faut que la personne puisse bénéficier des droits réglementaires qui lui sont accordés.

Quels sont ces droits, notamment sur la présence d’un avocat ?

En matière de garde à vue, c’est un peu une partie de poker qui est imposée à la personne, sans que celle-ci n’ait le droit de refuser de jouer, et sans qu’elle ne connaisse les règles. C’est comme cela que se déroule la garde à vue. La personne va se retrouver plusieurs jours, jusqu’à six jours, retenue dans les locaux de la police, sans exactement savoir ce qu’on lui reproche. L’intervention de l’avocat est prévue, mais l’avocat se retrouve dans la même situation qu’un médecin qui ne pourrait ni ausculter, ni prescrire des médicaments à son patient. On est là sans avoir accès au dossier. C’est ce qui est dénoncé par les avocats. Nous voudrions que la personne qui est gardée à vue sache exactement ce qu’on lui reproche. Pour cela, il faut que l’avocat puisse lire le dossier de la procédure, et que la personne puisse rencontrer un avocat qui connaisse le dossier avant d’être interrogé.

La connaissance du dossier par l’avocat fait partie des droits que la cour européenne des droits de l’homme a rappelé à la Turquie ?

En France, cette pratique s’est tellement généralisée que l’on a perdu de vue les principes qui sont élémentaires et qui figurent dans la constitution française. La cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie pour absence de droits effectifs de l’avocat en garde à vue. Du côté du gouvernement, on a pu penser que la Turquie était assez loin. Du côté du Barreau de Lyon, nous pensons que les textes sont exactement les mêmes, et ceux qui sont applicables en France devraient imposer que l’avocat dispose de véritables droits pour protéger la personne qui est gardée à vue.

Avez-vous des exemples de ces infractions mineures qui ont débouché sur des gardes à vues ?

Je peux vous donner un exemple récent. J’ai une personne qui est venue me trouver, qui est allée  à sa compagnie d’assurance pour dénoncer l’incendie de son véhicule. La personne dormait chez elle, et son véhicule a été incendié. Les policiers ont pensé que cette personne pouvait être impliquée dans cet incendie. Du coup, la victime s’est trouvée 48h en garde à vue. Elle a par la suite été innocentée, mais cette personne a été complètement scandalisée et traumatisée par cette garde à vue qu’elle a ressentie comme une injustice et contre laquelle il n’existe aucune possibilité de contestation.

Aucune action en justice n’est envisageable pour dénoncer les gardes à vues trop zélées ?
Pour la loi, aucune action n’est envisageable contre les gardes à vues qui auraient été injustifiées. Du coup, ça reste un très mauvais souvenir. On est enfermé dans des conditions d’hygiènes qui sont souvent discutables. parfois avec des délinquants chevronnés, et toute une population pénale plutôt difficile.

Par rapport à votre action, quelles peuvent être les conséquences de plaider la nullité des gardes à vues ?
L’action du Barreau a été d’inviter les juges à donner leur vision, au regard des arrêts européens, sur ce que doit être la garde à vue. On leur explique, dans les conditions de nullité, que l’avocat n’a pas pu faire son travail, que l’avocat n’a pas pu effectivement assister la personne en garde à vue. Nous proposons diverses choses au tribunal. Le tribunal peut tout simplement et conformément aux textes européens, annuler toute la procédure, et soulignant la non-conformité de la procédure eu égard aux règles applicables en France, et donc l’impossibilité de fait de juger le dossier. Nous proposons également au tribunal d’autres solutions intermédiaires, d’annuler certaines auditions, ou de vérifier comment se déroule les mesures de garde à vue.

Qu’espérez-vous concrètement en terme de droit accordé au gardé à vue ?
Le but est simple. Nous voulons qu’en France, aujourd’hui, plus personne ne soit retenu de manière arbitraire dans des conditions qui peuvent pousser quelqu’un à avouer tout et n’importe quoi. On l’a vu dramatiquement dans l’affaire d’Outreau. Nous aurions pu aussi, à ce moment là, faire le procès de la garde à vue, car elle était elle aussi en cause.

Au moment du retrait du juge d’instruction, le climat n’est-il pas un peu tendu pour apporter une nouvelle revendication ?
La suppression du juge d’instruction est un chantier immense. Mais avant d’envisager une telle immensité, je crois qu’aujourd’hui, très raisonnablement, on peut revenir à de petites choses. La garde à vue, c’est le quotidien des français. Cela peut concerner, comme je vous l’évoquais, une personne sur quatre. Ce n’est pas rien, et c’est très important pour la vie civile, pour la société, que nous traitions ce problème avec des mesures relativement simples. L’accès au dossier, ça n’est pas compliqué ! Cela permettrait que

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