Touraine : « Le Médiator, c’est la partie émergée de l’iceberg »

Touraine : « Le Médiator, c’est la partie émergée de l’iceberg »

Le député du Rhône promet de faire toute la lumière sur l’affaire du Médiator, ce médicament pour diabétiques en surpoids, également prescrit comme coupe-faim,  et qui serait à l’origine de 500 décès entre 1976 et 2009. Esprit de lucre des laboratoires ou inconséquence consentie des organismes de vigilance de santé publique, il promet que la Mission d’information sur le Médiator et la pharmacovigilance qu’il a intégré, ainsi que dix autres parlementaires, n'occultera rien des dysfonctionnements, de la production au maintien de la commercialisation du produit.

Lyon Mag : Vous intégrez la commission parlementaire « Mission d’information sur le Médiator et la pharmacovigilance »  Quand et comment allez vous commencer votre instruction ?
Jean-Louis Touraine :
Nous allons analyser dès mardi ce qui a dysfonctionné à cette occasion. Il y a eu des problèmes similaires pour d’autres médicaments. La France compte parmi les pays qui ont connu de grandes difficultés en santé publique. Nous avons pourtant les structures pour contrôler et éviter un dysfonctionnement type « Médiator. » Mais aucune décision rapide et efficace n’a été prise pour enrayer la mécanique. Il faut analyser ce qui n’a pas fonctionné, mais également identifier les responsables et indemniser les victimes. Tout doit être fait dans la plus grande transparence.

On a beaucoup évoqué la collusion entre les laboratoires et les experts guidant politiques de santé publique...
Je salue la volonté exprimée par le ministre Xavier Bertrand de changer les choses. Mais nous ne devons pas nous contenter de l’effet d’annonce. La France n’a pas une relation saine avec les laboratoires pharmaceutiques. Je n’incrimine pas tous les laboratoires qui sont souvent animés d’un désir de santé publique. Il sont très conscients que, pour leur image, il est très important de maintenir une surveillance et une éthique. C’est leur intérêt financier. Il vaut mieux parfois perdre un peu d’argent en arrêtant l’évolution d’un produit incertain, plutôt que de perdre beaucoup en réputation et en image quand une grande catastrophe voit le jour. Ce n’est pas compliqué, il suffit de regarder autour de nous les exemples qui fonctionnent.

Par exemple ?
J’ai travaillé pendant deux ans aux Etats-Unis, en particulier sur des produits mis mondialement sur le marché. Je peux vous assurer que la Food and Drugs Administration (1) ne souffre ni laxisme, ni conflits d’intérêt. Les gens ne peuvent pas en même temps être payés par des laboratoires et avoir un avis d’expert. Tous les errements que nous avons connu dans notre pays auraient pu être évités si nous avions des règles très strictes. Cela représente un certain coût, puisqu’il faut se doter de moyens pour que cela fonctionne. Mais il ne faut pas oublier que nous parlons de vies humaines.

Peut-on anticiper scientifiquement la dangerosité d’un produit médicamenteux ?
Un médicament peut avoir des effets secondaires qu’il est difficile d’anticiper dans les études préalables. Lorsqu’un effet survient une fois sur 10 000, il n’est pas facile de l’identifier. Mais ce que l’on appelle la pharmacovigilance, qui est en veille juste après la mise sur le marché des produits, doit identifier les effets nocifs, et le cas échéant stopper nette l’évolution commerciale d’un médicament.

Qui est coupable dans cette affaire ?

Les autorités publiques et le laboratoire Servier sont en cause. Ces erreurs doivent être dénoncées, et les conséquences doivent être tirées. Mais tout ne peut pas être mis sur le compte du laboratoire Servier. C’est l’ensemble des institutions qui a fauté. Car un contrôle existe. Et si ce contrôle ne fonctionne pas, ce sont les organismes chargés de la pratiquer qui doivent être changés, de façon à garantir à l’avenir qu’une telle catastrophe ne se reproduira pas. Il nous faut nous doter de moyens et de personnes totalement différentes du passé.

Y a-t-il d’autres affaires sous-jacentes au Médiator ?

Le Médiator, c’est la partie émergée de l’iceberg. Nous avons au quotidien des informations qui remontent, sur d’autres produits. Il y a une certaine mode à considérer qu’il faut énormément de retours négatifs sur un médicament pour l’afficher comme dangereux. Il y a une inertie dans le système. Certains croient que tout produit à ses avantages et ses inconvénients. Un médicament, c’est le rapport du bénéfice sur les inconvénients. En cancérologie, les chimiothérapies ont des effets secondaires soutenus, mais le bénéfice tiré du traitementest largement plus grand. Au regard des effets très modestement positifs du Médiator, ces effets secondaires sont intolérables.

(1) Cet organisme a le mandat d'autoriser la commercialisation des médicaments sur le territoire des États-Unis d'Amérique.

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