Que devient la boule lyonnaise ?

Que devient la boule lyonnaise ?
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Ce week-end, la ville de Lyon accueille la 101e édition du tournoi de Pentecôte, la plus grande compétition annuelle de boule lyonnaise.

Jacques Faresse - DR
Jacques Faresse - DR

Plus de 6 200 joueurs sont présents pour pointer la Longue dans le demi, obligatoirement avec un tir aérien. Ces termes vous semblent peut-être incongrus ou singuliers. Puissent-ils sonner comme le dialogue intensif entre deux ingénieurs élaborant un algorithme ? Et pourtant, ces quelques mots sortent bien de la version bouliste du Larousse. A vous faire perdre la boule ? Peut-être pas. Mais cela prouve en tout cas que la boule lyonnaise a bien changé.  Dorénavant – et depuis 1981 -, appelez-la sport-boules, même si vous pourrez toujours la désigner comme boule lyonnaise, jeu de boules, jeu National ou encore la Lyonnaise. 
  
Le temps du haut niveau

Elle paraît bien loin l’époque où ce sport était reconnu comme discipline de haut niveau. Cela remonte à près de 40 ans. Et plus exactement en 1976, lorsque le ministre des sports Jean-Pierre Soisson reconnaissait cette discipline à sa juste valeur. Avec des signatures de conventions avec le ministère, des nominations de cadres techniques ou encore des paramètres administratifs et humains à définir. Bref, toute la paperasse nécessaire pour attribuer un certain statut à la Lyonnaise. En ces temps-là, on recensait facilement plus de 160 000 boulistes licenciés dans tout l’Hexagone. Le pied pour ce sport ancré dans la Région et dont les origines remontent à l’Antiquité. Certes, on a du mal à imaginer Jules César viser le cochonnet à Lugdunum, mais pourtant, les prémices de cette discipline s’approchent de cette date.

Aujourd’hui, le sport-boules se compose en six épreuves de référence : deux épreuves physiques de tir, deux épreuves mentales de duel ainsi que deux jeux plus traditionnels en simple et en double. En 1984, seuls quatre clubs se sont affrontés pour la première édition du championnat de France. Ils sont à l’heure actuelle plus de 200, avec la possibilité pour les 16 meilleurs de se défier dans une compétition majeure : le Super 16. Avec à la clé une qualification pour la Coupe d’Europe.

De 160 000 à 58 000 licenciés en 40 ans

Et comme tout sport qui se respecte, le sport-boules possède lui aussi sa propre Fédération. Pas aussi grands que ceux de la Fédération de football, pas aussi chics que ceux de la Fédération de tennis, les locaux nationaux de la boule lyonnaise, situés à Villeurbanne, n’ont rien à envier à leurs homologues. Ici, on y ressent toute la ferveur de ce sport si traditionnel. Sur chaque meuble figure au moins un trophée, sur chaque mur figure au moins un poster. Au fond se distingue un vaste bureau ouvert. C’est celui de Jacques Faresse, le Directeur Technique National. Grand gaillard, bel orateur, cet ancien professeur de sport du Lycée Frédéric Faÿs s’adonne à sa passion depuis septembre 2009. Sa mission : mettre en place des moyens humains et financiers pour que le haut niveau de la boule lyonnaise soit le plus performant possible.

Mais le cinquantenaire veille également sur le développement du sport, le suivi médical des joueurs et surtout sur la formation. Un secteur qui fait défaut depuis quelques années, puisque le nombre de licenciés ne cesse de décroître. De 160 000 à 1976, le sport-boules est passé à 64 900 en 2009 puis à 58 000 cette année, avec une moyenne d’âge aux alentours de la soixantaine. A cette importante baisse, le DTN y voit une explication mathématique : "D’abord, la discipline est moins ouverte sur l’extérieur qu’auparavant, elle se pratique d’avantage dans des boulodromes couverts, ce qui réduit le champ d’exposition. Ensuite, le recrutement se réalise en très grande partie dans le monde des joueurs et généralement en famille. Mais de ce fait, le potentiel de recrutement s’épuise avec le temps et devient de plus en plus faible. Avant, près 80% des fils de boulistes jouaient aux boules. Aujourd’hui, ce pourcentage s’est énormément réduit".

Ce père de deux enfants regrette d’ailleurs qu’aucun de ses fils ne joue à son sport favori. Pour remédier à cette importante perte de joueurs, Jacques Faresse et la Fédération travaillent étroitement avec l’UFR STAPS par des modules ludiques en compagnie d’étudiants intéressés, ou avec des écoles primaires. "Avant, je faisais cela avec les jeunes de mon lycée qui étaient footballeurs à Tola Vologe", se souvient le DTN, avant de poursuivre, encore étonné : "certains présentaient même de belles qualités pour devenir boulistes". Ainsi, Jérémy Clément, Sidney Govou, Karim Benzema ou encore Maxime Gonalons ont titillé le cochonnet sous les ordres de Jacques. 

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Vers un regroupement avec la pétanque ?

Mais à l’heure actuelle, ce sport qui a connu un véritable essor dans la région lyonnaise au début du 20e siècle, écumant bistrots et tavernes, s’organise d’une manière bien plus structurée qu’auparavant. "En terme d’administration, la Fédération française de sport-boules est affiliée à la Fédération Internationale de boules qui regroupe elle-même 56 pays membres, répond Jacques Faresse. Sportivement, des pays sont plus forts comme l’Italie, la Croatie, la Slovénie ou la France, mais on constate l’émergence de pays tels que l’Argentine, la Chine ou encore la Turquie sur le haut niveau". Une véritable reconnaissance pour le seul sport dans lequel le terme lyonnais figure dans la dénomination, qui sera une nouvelle fois présent aux prochains Jeux Méditerranéens et aux futurs Jeux Mondiaux.

D’ailleurs, la discipline aux 58 000 licenciés se rendra à ces compétitions sous la bannière de la Confédération Mondiale des Sports de Boules, structure qui regroupe quatre sports de boules (la pétanque, le sport-boules, la raffaolo et la lawn ball). Un comble de se retrouver dans le même sac que le sport rival : la pétanque. "C’est marrant de voir des gens traverser place Bellecour lors du tournoi de Pentecôte et qui se disent : "Tiens, un tournoi de pétanque !"", sourit le DTN du sport-boules. La discipline type du sud de la France pique régulièrement la vedette à son homologue lyonnaise. La faute à une réglementation trop difficile à appliquer qui joue sur la popularité des deux sports : "Quand on parle de la pétanque, tout le monde peut y jouer n’importe où. C’est très ludique, très convivial et très simple. On peut y réussir des choses assez rapidement même si on n’est pas un très bon joueur. Alors qu’en boule lyonnaise, même si le point est similaire, le tir demande de l’entrainement et est techniquement difficile. On ne devient pas spontanément un bon tireur en boule lyonnaise".

Pourtant, les deux meilleurs ennemis de la boule pourraient se fédérer en une même Fédération dans les années à venir. "Se regrouper avec la pétanque ? C’est politique, réplique Jacques Faresse. Il faut voir entre les élus pour que les deux sports ne perdent pas leur identité. Mais à un moment donné, on ne pourra pas y échapper et on devra être regroupés nationalement sous la bannière de sports de boule"

Le Meeting GDP Vendôme, une chance médiatique à saisir

Une telle fusion pourrait notamment permettre la réduction des frais de dépense ainsi qu’une plus large couverture médiatique, chose dont le sport-boules souffre terriblement. "Le sport sur les chaines publiques n’existe plus, concède le DTN, fataliste. Nous n’avons pas les moyens financiers pour figurer sur certaines chaînes, même si ponctuellement, on arrive à être présents grâce à de courts reportages. Deux membres de la Fédé se sont également lancés dans la retransmission de parties à l’aide d’une Web TV".

Il est vrai que la Fédération ne vit que par le biais de ses propres licenciés, ce qui représente 90% de son budget, les 10% restants provenant d’une subvention de l’Etat. Mais depuis l’année dernière, le sport-boules connaît une deuxième jeunesse médiatique grâce à la société Grail-Laposta-Gobertier, fondée par deux anciens internationaux de boules en collaboration avec le numéro un français des maisons de retraite. Les trois acolytes ont mis en place le Meeting GDP Vendôme, compétition se disputant entre une vingtaine d’équipe sur trois 3 étapes. Et l’intégralité de ces tournois est diffusée sur la chaîne cryptée Sport +, généralement le dimanche matin. Un joli coup de pub pour un sport qui en manque cruellement.

Maintenant, il ne reste plus qu’à pérenniser la discipline. Lourde tâche a priori. Mais pas impossible. Parmi les principaux objectifs édictés par la Fédération figure notamment l’amélioration du volet féminin. Récentes championnes du monde (3 médailles d’or, une médaille d’argent et une médaille de bronze sur 6 disciplines), les Bleues représentent un réel potentiel d’avenir, elles qui ne sont que 10% dans la part de licenciés. "C’est un sport qui convient parfaitement aux filles, justifie Jacques Faresse. Elles sont à l’aise dans cette discipline qui demande de la stratégie plus que de l’effort physique. Le sport tend d’ailleurs à se féminiser, puisque les performances des filles deviennent de plus en plus intéressantes". Pourquoi pas un développement semblable à celui des autres sports, tels que le handball ou le volleyball donc. Redorer l’image du sport-boules. Dépoussiérer une discipline qu’on envoie si facilement aux oubliettes. Voilà ce qui attend Jacques et ses collègues dans les années à venir. Pour pouvoir continuer librement de pointer la Longue dans le demi.

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1 commentaire
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christophe le 22/05/2013 à 14:02

Le lien de la WebTV en question dans l'interview, montée par deux licenciés de la discipline :
http://www.sport-boules-diffusion.com/
Vous y retrouverez l'intégralité des archives des compétitions filmées depuis deux ans.

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