Interview : Jérôme Seydoux prévoit "deux années difficiles"

Président de Pathé et actionnaire de l’Olympique lyonnais, Jérôme Seydoux vient de publier “L’important c’est de gagner”, dans lequel il revient sur la crise financière.

Pourquoi vous avez fait ce livre ?
Jérôme Seydoux : Parce que j’avais envie de dire ma vérité sur un certain nombre de sujets qui me tiennent à cœur. Donc je parle de mon expérience à la tête de Pathé, du lancement de la Cinq auquel j’ai contribué, mais aussi de l’Olympique lyonnais dont je suis actionnaire à 22,8%... Mais je donne aussi ma vision de la France et de son économie...
Mais beaucoup de patrons ont déjà publié des livres du même genre !
C’est vrai. Mais je n’ai pas le sentiment d’avoir juste sorti un livre de plus, en répétant ce que d’autres ont déjà dit avant moi. D’autant que je m’exprime sur des sujets d’actualité comme la crise financière.
Comment vous expliquez la crise actuelle ?
C’est un dérèglement du système financier. Au début des années 2000, les taux d’intérêt étaient très bas aux Etats-Unis et en Europe, ce qui permettait aux banques de prêter de l’argent très facilement, que ce soit pour acheter une maison ou pour acheter une entreprise. C’était l’époque de l’argent facile. En plus, les financiers ont voulu réaliser des bénéfices de plus en plus importants en créant des produits financiers complexes et en s’accordant des bonus importants.
Mais c’est normal qu’une entreprise fasse des bénéfices !
Oui, mais le problème en ce qui concerne les banques, c’est que ces bénéfices étaient à la hauteur des risques encourus ! Or, le métier de banquier doit consister simplement à attirer l’argent des épargnants et à le prêter aux entreprises et aux particuliers. Au fond, cette crise est un mélange d’incompétence et de cupidité.
Les Etats ont eu raison de se porter au secours des banques ?
Oui. Si les Etats et les banques centrales n’avaient pas réagi en injectant de l’argent dans le système financier et en garantissant les prêts interbancaires, c’est tout le système qui sautait. Du coup, les économies se seraient arrêtées parce que l’argent n’aurait plus circulé et les entreprises n’auraient pas pu investir. Bref, on a échappé à un désastre mondial.
Et c’est normal que le contribuable doive payer ?
Mais le contribuable ne paiera rien. Car l’argent vient surtout des banques centrales, qui, en plus, ne donnent pas de l’argent aux banques mais leur en prêtent. En revanche si l’Etat nationalise une banque, ça, c’est l’argent du contribuable. Et pour l’instant en France, l’Etat n’est pas intervenu dans ce sens comme ça a été le cas aux Etats-Unis et en Angleterre.
Comment on peut tirer les leçons de cette crise ?
Le problème, c’est que le propre du capitalisme, c’est de produire régulièrement des crises parce qu’il provoque toujours les mêmes excès : il y a eu la bulle internet, cette fois-ci c’était une bulle financière et immobilière. Donc les Etats vont prendre de nouvelles mesures pour que certaines bêtises ne se reproduisent pas. Cette crise sera salutaire et le système va se remettre à marcher jusqu’à la prochaine bulle spéculative.
Les conséquences de cette crise financière ?
C’est impossible de prévoir l’avenir parce que quand vous faites une prévision, vous vous basez toujours sur le passé et vous n’anticipez pas les ruptures. Ce qui est sûr, c’est que cette crise financière va avoir des conséquences sur l’économie réelle et que beaucoup de secteurs vont être touchés : le BTP, l’automobile, la chimie... D’où un impact sur l’emploi, y compris chez les cadres qui pour l’instant n’ont pas été touchés. Car 2009 et 2010 vont être deux années difficiles.

Propos recueillis par Emmanuel Derville

Jérôme Seydoux, “L’important c’est de gagner”, entretiens avec Ghislaine Ottenheimer, éditions Panama, 263 pages. 20 euros.

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