Prêt immobilier : 10 banques testées par Lyon Mag

Prêt immobilier : 10 banques testées par Lyon Mag

Avec la crise financière, tout le monde répète que c’est aujourd’hui impossible d’emprunter à sa banque pour acheter un appartement. Lyon Mag a vérifié en testant 10 banques à Lyon. Surprenant.

Pour réaliser ce testing, Lyon Mag a pris rendez-vous avec les conseillers de 10 grandes banques à Lyon. Le scénario : un salarié de 27 ans, infographiste qui gagne 1 546 euros par mois, cherche un prêt immobilier de 150 000 euros sur 18 ans pour acheter un appartement de 45 m2 dans le 6e arrondissement. Il veut emménager avec sa compagne, une commerciale de 28 ans qui gagne 1 590 euros par mois. A deux, ce couple gagne donc 3 136 euros mais il n’a pas d’apport. A part les 10 000 euros nécessaires pour payer les frais de notaire. Un cas de figure plutôt favorable car les deux emprunteurs sont jeunes, travaillent en CDI depuis plus de deux ans... D’ailleurs, ce scénario a été élaboré avec un agent immobilier et un banquier qui considèrent le dossier comme solide. Bref, un refus serait inquiétant.
Résultat sur dix banques, trois vont donner leur accord de principe, quatre vont refuser d’entrée de jeu. Et trois vont hésiter. Révélateur de l’ambiance de crise aujourd'hui dans les banques.

OUI
BNP
Expédié.
C’est la directrice de l’agence Cours Vitton qui me reçoit. Une grande blonde qui visiblement n’a pas de temps à perdre. D’ailleurs, elle expédie mon dossier en 20 minutes en posant quelques questions simples : montant et durée du prêt, revenus, profession... Seule condition qu’elle impose : le paiement cash des frais de notaire, mais aussi d’une garantie de 1 700 euros pour ce prêt. Une somme que je ne pourrai récupérer à 75% qu’à la fin du crédit. Je refuse. Et après quelques minutes de négociation, elle cède : “On peut l’inclure dans le prêt mais on n’aime pas trop faire ça.” Au passage elle précise que ce n’est pas à cause de la crise mais que c’est un principe à la BNP.
Elle pianote ensuite sur son ordinateur et me propose un prêt à 5,19%, soit une mensualité de 1 103 euros qui inclut l’assurance à 50% du prêt. Ce qui représente environ 35% de mes revenus. Et si je m’assure à 100%, la mensualité monte à 1137,5 euros. Je sens qu’elle hésite : “A priori, il n’y a pas de problème. Votre dossier sera accepté. Mais je vous conseille quand même d’étaler le prêt sur 20 ans, ce sera plus confortable.” Je n’ai plus qu’à lui apporter les documents nécessaires. Avec une promesse de réponse dans la journée.

LCL
Pas d’enfants
. Grand, jeune, cheveux blonds en brosse, chemise blanche... Le conseiller financier de cette agence du 6e arrondissement a le profil type du jeune cadre dynamique. Et il me met très vite à l’aise. “L’essentiel, c’est que vous puissiez régler les frais de notaire. Vu la conjoncture, c’est même indispensable. Mais si vous n’avez pas d’apport, ce n’est pas grave.” Et il me précise que la banque peut avancer le coût de la garantie, 1 740 euros.
Après quelques questions sur mes revenus, la durée du prêt, ma profession, il réalise rapidement une simulation sur son ordinateur pour un prêt sur 18 ans. La mensualité atteint à 1120 euros, assurance 100% comprise. Soit 36% de mes revenus. Je fais semblant de m’inquiéter, car certaines banques ne dépassent pas les 35 voire les 33% de taux d’endettement. Mais il me glisse d’un ton rassurant : “Vous n’avez pas d’enfant, donc il vous reste 2 000 euros pour vivre et payer vos impôts. Pour moi, c’est tout à fait suffisant.”

Banque Rhône-Alpes
Facile
. Cette fois, je décide de changer un peu le scénario et je me présente comme photographe. Le conseiller qui me reçoit est un homme d’une trentaine d’années. Avec sa chemise bleu clair, sa cravate bleu foncé et son pantalon noir, il a un vrai look de banquier. Très aimable au départ, il me paraît inquiet quand je lui dis que je suis photographe : “Vous êtes indépendant ou salarié ?” Je réponds que je suis salarié pour Lyon Mag. Il esquisse un petit sourire. Visiblement, le fait que je sois journaliste a l’air de lui plaire. D’ailleurs au bout de quelques questions, il me fait une proposition très intéressante : un prêt de 150 000 euros à un taux de 5,25% sur 18 ans et une mensualité de 1108 euros. “C’est un peu juste comme montage, car votre taux d’endettement est de 35% mais ça peut passer”, explique t-il. D’ailleurs, il n’insiste pas pour que j’étende mon emprunt sur 20 ans. Je bloque un peu sur les frais de dossier, qui s’élèvent à 700 euros. Deux fois plus que les autres banques. Mais le conseiller me rassure : “Si vous transférez vos comptes chez nous, on peut négocier les frais et le taux d’emprunt à la baisse.” Etonnant alors que les banques concurrentes refusent de négocier le taux. Je me demande si Lyon Mag n’a pas facilité les choses !

Banque Populaire
Ouvert.
“Vous êtes sûr qu’il n’y a pas un loup ?” me lance, suspicieux, le conseiller de l’agence située grande rue de Vaise. Un appartement de 90 m2 vendu 150 000 euros... Ça lui paraît louche. Même à Décines ! Mais je lui explique que c’est le cousin de ma copine qui nous fait un prix. Ce qui, visiblement, le rassure. Mon interlocuteur est un jeune, la trentaine, costard-cravate, assez sûr de lui. Il m’explique ensuite qu’il ne faut pas croire ce que raconte les médias qui en rajoutent des tonnes sur la crise en répétant que les banques ne font plus de prêts. Et c’est vrai qu’il valide très vite ma demande de prêt : 150 000 euros sur 18 ans avec un taux de 5,2 %. Même s’il me prévient que ça représente quand même un taux d’endettement de 36 %, soit 1 145 euros sur un revenu mensuel de 3 100 euros à deux. En cas de coup dur, ça risque d’être difficile, souligne-t-il. Par contre, on doit tout payer : les frais de notaire bien sûr mais aussi la garantie réelle et les frais de dossier. “Par les temps qui courent, on n’offre plus rien” précise ce jeune banquier avec un petit sourire malin.



HÉSITANTS
Crédit mutuel
Surveillance.
“On ne prête pas plus de 150 000 euros. Donc, si vous voulez avoir toutes les chances de votre côté, il faudra payer les frais de notaire, de dossier et la garantie.” Assise derrière son bureau, rue de Vaise dans le 9e, la banquière qui me reçoit est une brune d’environ 30 ans, élégante... Et qui n’a visiblement pas envie de prendre des risques. Du coup, je vais être obligé de débourser 1 200 euros de plus que prévu. Mais elle me promet que si je remplis ces conditions, le Crédit mutuel acceptera le prêt. Avec un taux de 5,6%, soit une mensualité de 1 184 euros sur 18 ans, assurance à 100% comprise. Elle souligne quand même que mon taux d’endettement sera de 38%. “Beaucoup mais encore acceptable.” En revanche, on ne me prêtera plus rien ensuite. “Surtout qu’en devenant propriétaire, vous allez payer des charges de copropriété. Donc je vous conseille plutôt de prendre un prêt sur 20 ans.” J’essaye de négocier le taux. Mais elle résiste en ajoutant : “Vous devrez absolument domicilier vos comptes au Crédit mutuel pour qu’on puisse surveiller vos dépenses et réagir si on voit arriver un virement des Assedic, ce qui voudrait dire que vous seriez au chômage...”

Société générale
Limite
. C’est une grande blonde qui me reçoit, la quarantaine d’années, assez élégante, petite voix fluette, presque fuyante. A première vue, son offre est très séduisante : un prêt sur 18 ans à 5,12%, soit une mensualité de 1 095 euros, assurance comprise. Une des meilleures offres. En plus, avec cette mensualité, mon taux d’endettement n’est que de 35%. Mais je sens qu’elle hésite : “35%, ça fait beaucoup car la limite c’est 33%. Et en plus, vous ne pourrez plus emprunter après.” Elle me suggère d’emprunter sur 20 ans.” Mais j’insiste pour rester sur 18 ans, tout en demandant que la banque avance les frais de dossier et les frais de garantie, c’est-à-dire 1900 euros. Elle hésite toujours, s’absente quelques minutes, revient et finit par lâcher : “Je dois encore monter votre dossier de prêt pour vous donner une réponse définitive. Mais bon, je pense que c’est jouable.” Et elle conclut en précisant que je dois transférer mes comptes à la Société générale.

NON
Caisse d’épargne
10 % d’apport
. Rendez-vous à la Caisse d’épargne, rue de Vaise dans le 9e, je sens tout de suite que ça va être compliqué. Car le conseiller d’une quarantaine d’années, grand et massif, m’avertit d’emblée : “A moins de 10% d’apport personnel, je ne prête pas. Ce sont les consignes de la direction pour minimiser les risques.” Alors que moi, en payant les frais de notaire, je n’apporte que 7 % du budget. Insuffisant pour l’Ecureuil. En plus, quand il s’aperçoit que je ne peux pas bénéficier d’un prêt à taux zéro, il bloque. Tout en se rongeant les ongles, il pianote sur son clavier et, au bout de quelques minutes, il me propose un taux de 5,42% sur 18 ans. En incluant les frais de garantie et l’assurance du prêt à 100%,  la mensualité s’élève à 1 176 euros. C’est-à-dire presque 38% de mes revenus.” Trop élevé”, tranche t-il.
En plus, impossible de négocier l’assurance pour faire baisser la mensualité : “Si vous ne prenez pas d’assurance à 100%, votre dossier sera refusé.”
J’insiste en lui disant que tous les mois, on épargne 600 à 800 euros. Mais il persiste : “En payant plus de 1 100 euros par mois, vous risquez de devoir réduire votre train de vie. Le problème, c’est qu’on ne peut pas financer un prêt au-delà de 140 000 euros. Bref, il vous manque 10 000 euros d’apport.”

Lyonnaise de Banque
Futur chômeur.
“Vous avez droit au prêt à taux zéro ?” Je réponds que non. La conseillère de l’agence Lyon Parc, dans le 6e, fait une grimace. La quarantaine, cheveux bruns, tailleur noir, cette conseillère a l’air d’estimer que mon dossier n’est pas très sexy. “Et votre employeur, il cotise au 1% logement ?” Encore non. Re-grimace. ”Est-ce que vous avez un plan épargne logement ?” Non. Sceptique, elle sort sa calculatrice : “Sur 18 ans, ça fait une mensualité de 1 167 euros avec 80 euros pour l’assurance à 100% qui est obligatoire. Ça représente 37% de vos revenus. C’est beaucoup trop !” Et bien entendu, je dois avancer les frais de garantie et de dossier : soit 2 000 euros au total. J’essaye de faire baisser le montant de l’assurance en demandant une couverture du prêt à seulement 50%, mais elle reste inflexible. Et impossible de négocier le taux d’intérêt fixé à 5,4%. J’insiste : “On est jeunes et en CDI. On ne présente pas de risque.” Mais elle rétorque, définitive : “Aujourd’hui vous avez du travail, mais demain vous serez peut-être au chômage.”

Crédit agricole
Décourageant.
Je suis reçu par une petite blonde d’une trentaine d’années, un peu distante. Après quelques minutes et une dizaine de questions, elle me propose une mensualité de 1 172 euros sur 18 ans à un taux de 5,35%. Mais son ordinateur affiche immédiatement un message d’alerte : le taux d’endettement atteint 41% alors que la limite est de 33%. Car le Crédit agricole déduit de mes revenus le montant de mes impôts. Et si on ajoute 300 euros de frais de dossier et 74 euros d’assurance par mois, mon dossier ne passe pas. Elle m’incite donc à rallonger mon prêt sur 20 ans. J’essaye d’argumenter et lui demande un prêt à taux variable, moins coûteux mais plus risqué. Elle me dissuade tout de suite : “Le taux peut monter à 7,45% !” J’insiste : “Et si je souscris une assurance à 50% pour faire baisser les mensualités ?” Une fois de plus, elle essaye de me décourager : “Avant, on acceptait des dossiers avec une assurance à 50%, mais aujourd’hui, on le fait de moins en moins.”

La Poste
Retournement
. Au début, je suis assez confiant car cette banque n’a pas été touchée par la crise financière. Et rapidement, la conseillère qui me reçoit confirme mes intuitions. Petite, cheveux noirs et rouge à lèvres rose vif, cette femme souriante d’une cinquantaine d’années m’annonce : “C’est jouable. Théoriquement, votre capacité d’emprunt est de 143 000 euros. Donc vous êtes un peu au-dessus, mais l’écart n’est pas énorme.” Elle se lance alors dans des calculs et me présente sa simulation : 1 140,82 euros par mois sur 18 ans, assurance à 100% comprise. Le taux : 5,2%. Et il n’y a pas de frais de dossier. “Vous êtes en CDI, donc vous ne présentez pas de risque.” précise-t-elle, mais elle émet une réserve : “Vous aurez du mal à contracter un nouvel emprunt. Donc, je vous conseille plutôt un prêt sur 25 ans.” Mais surprise, quelques jours plus tard, un autre conseiller me rappelle : “Votre taux d’endettement est trop important : 36% alors que la limite est à 33%. Je suis désolé, mais votre dossier ne passera pas chez nous.”

Emmanuel Derville
e.derville@lyonmag.com

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1 commentaire
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bertrand52 le 24/07/2014 à 14:48

C'est un très bon article, dommage que les chiffres ne soient pas à jour...

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