A Lyon, le professeur Mélenchon choisit "les barbares"

A Lyon, le professeur Mélenchon choisit "les barbares"
Mélenchon entouré d'ouvriers d'Arkéma lors de l'Internationale - Photo LyonMag

Le candidat du Front de Gauche a livré mardi dans la salle du Double Mixte une prestation remarquable et remarquée par les militants venus en nombre. "Du jamais vu pour un meeting de la vraie gauche", se réjouit-il.

Jean-Luc Mélenchon - Photo LyonMag
Jean-Luc Mélenchon - Photo LyonMag

Hollande a eu son Bourget, Mélenchon son Double Mixte. Envahie par près de 10 000 militants, partisans ou simples observateurs, l’espace Double Mixte devait effectivement être "le seul endroit de France métropolitaine où il ne fait pas froid", comme l’a fièrement clamé le maître de cérémonie. En effet, la ferveur n’a cessé de s’intensifier au fil des minutes, face à l’imminence de l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon au lutrin. Les drapeaux CGT et Front de Gauche flottent à l’unisson, les Rio Tinto Alcan de Saint Jean de Maurienne sont coiffés de leur casque de chantier, les étudiants claironnent dans des vuvuzelas magentas. Certains ont choisi de déboucher une bouteille et de partager un bout de saucisson pour passer le temps. Les cheminots, les ouvriers d’Arkéma, Lejaby et Véninov ont aussi répondu présent. Chacun est venu ici pour trouver ses réponses. Valérian, étudiant en sciences politiques, "est là en tant qu’électeur, pour observer". "Je n’attends pas de nouveauté, explique Mick, une sexagénaire de la Loire, mais je suis là pour me faire du bien, entendre ce que j’ai envie d’entendre". "On est venu lui apporter notre soutien comme lui nous soutient", rapporte Julien, salarié d’Arkéma à Saint-Fons. La foule s’impatiente pendant que des titres de Manu Chao ou Zebda sont crachés dans les haut-parleurs.

Il est 20h20, le show est lancé. A peine arrivé face aux micros de la scène, Mélenchon souligne le caractère inédit du meeting : "C’est la première fois qu’on en fait un sur deux étages !" En effet, le candidat, victime de son succès, a dû aller saluer les 6 000 personnes installées dans la salle basse du complexe, avant de naviguer dans la foule et monter les marches de la grande scène installée dans la salle du haut et ses 4 000 têtes. Et ceux-là sont remontés. Danielle Obono, représentante du mouvement Convergences et Alternatives, et Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste, venus épauler leur candidat, n’ont pu prononcer le nom "Sarkozy" sans déclencher une horde de sifflets et de huées lors de leur intervention. Ici, les "résistances" sont scandées en lieu et place des habituels "Mélenchon Président". Et ce n’est pas pour déplaire au représentant de la gauche unie pour les élections présidentielles, abhorrant le culte du chef. On l’a compris, pour Mélenchon, c’est le collectif qui prime, alors qu’il se contredira quelques minutes plus tard, voulant calmer la foule dans son style si particulier : "Y’en a un qui parle, c’est moi. Maintenant écoutez-moi et prenez des notes". Les belles phrases de façades sont rapidement éclipsées par la personnalité débordante de l’eurodéputé.

Un discours maitrisé et incisif

Le candidat du Front de Gauche est un réel show man, maître dans l’art oratoire et manieur de mots hors pair. Durant près d’une heure et demie, il va enfin pouvoir dérouler son discours, sans obstacle. Il faut dire qu’ici, il prêche dans sa paroisse. Désormais, tous les yeux sont rivés sur la scène ou sur les deux écrans géants. Il commence avec un petit tacle bien senti pour les journalistes, ne laissant que trop peu de temps de parole à son parti : "Ne comptez que sur vous-mêmes. Le premier média, c’est le peuple lui-même". Le logement, l’écologie, la condition des femmes, les relations franco-allemandes, le revenu minimum, la retraite, tout y passe. Alors qu’il est critiqué parce qu’il adopterait un langage trop intellectuel pour les classes populaires, l’ancien professeur utilise constamment des images facilement identifiables. Il se montre très pédagogue lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi la législation du travail vaut mieux que le contrat, recommandé par les socialistes. C’est d’ailleurs une autre particularité de son discours : taper sur ses adversaires (Sarkozy, Le Pen) et ses concurrents (Hollande). L’ex-ministre socialiste préfère lancer des avertissements et des conseils au candidat du PS. Il oppose par exemple le poing fermé, "un vrai signe de ralliement", au geste créé par l’équipe de communication du PS, rappelant la gestuelle du haka néo-zélandais, qui signifierait "radio du thorax", selon le traducteur en langage des signes qui se tient à ses côtés. Ces déclarations plaisent au public. Cela se vérifie lorsqu’il tape sur Marine Le Pen, qui lui dispute l’électorat ouvrier. Le fin lettré lui a d'ailleurs dédicacé un vers de Victor Hugo : "La haine, c’est l’hiver du cœur". Il sent qu’il arrive à faire passer son message. Par instants, des parallèles s’établissent avec la place Tahrir, lorsque les premiers rangs crient "Dégage" à l’évocation du nom du président sortant, ou avec les Indignés de New York, quand Mélenchon répète "Vous êtes les plus nombreux", si proche du "We are the 99%". Certes, il n’appelle pas au Grand Soir, mais il prend date. Le 18 mars, début officiel des campagnes présidentielles, un grand meeting sera organisé sur la place de la Bastille, pour lancer "la révolution citoyenne qui se fera par les urnes et qui amènera la VIe République". Il conclut en contant au public une page des Misérables de Victor Hugo, comme un père raconterait une histoire à ses enfants avant d’aller au lit : "S’il fallait choisir entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares !". A 22h40, à peine l’Internationale et la Marseillaise chantées, Rachid, employé d’Arkéma, ressort du Double Mixte satisfait : "Il nous a dédié le meeting, ça nous fait plaisir. Ceux qui ont de la matière grise et un peu de jugeote ont tout compris ce soir".

A voir : Diaporama

M.R.

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34 commentaires
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Mounia le 08/02/2012 à 10:03

L'intelligence collective rayonnera bientôt partout ! Vive le débat, l'analyse, l'argumentation, l'esprit critique ! Vive la République ! Vivement la VIème ! Place au peuple !

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Agochetoute le 08/02/2012 à 09:50

Quand on prétend avoir des valeurs de gauche, il est impossible de ne pas regarder du côté de Mélenchon.
Regarder du côté d'Hollande, c'est regarder vers un système bobo autoproclamé humaniste qui n'est en définitif ni plus ni moins de l'UMP light.
PS = UMP édulcoré

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Fred le 08/02/2012 à 09:38

Mélenchon est le seul candidat valable de ces élections.
Lisez son programme avant de juger.

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louis le 08/02/2012 à 09:10

la bétise humaine a encore de beaux jours

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