Belkacem : "Cette régression culturelle va faire très mal"

Belkacem : "Cette régression culturelle va faire très mal"

Le budget de la Culture en France pourrait diminuer. Ce qui provoquerait des baisses de subventions et des annulations de spectacles. Réaction de la socialiste Najat Vallaud-Belkacem, déléguée régionale Rhône-Alpes à la Culture.

Votre réaction aux menaces sur le budget de la Culture ?
Najat Vallaud-Belkacem : Je suis atterrée. D’abord parce qu’on est dans un mouvement de fond extrêmement préoccupant. Pendant la campagne électorale présidentielle, Nicolas Sarkozy souhaitait d’ailleurs fusionner les ministères de la Culture et de l’Education nationale. On a finalement échappé à ce projet mais ça nous avait mis la puce à l’oreille car on avait compris que la Culture n’était pas pour lui un sujet prioritaire.
Le ministère de la Culture annonce pourtant une hausse du budget en 2008 !
Oui et c’est un discours qui n’est pas très sincère. Car si la ministre de la Culture Christine Albanel affiche une hausse du budget de 3,2 % en 2008, il y a en réalité une dégradation financière. Car dans les Régions, on nous a déjà annoncé des baisses de 6 % pour les institutions culturelles.
Comment cela se traduit en Rhône-Alpes et à Lyon ?
En Rhône-Alpes cette baisse de 6 % signifierait 2,4 millions d’euros en moins rien que pour le spectacle vivant. Ça ferait par exemple 240 représentations en moins et 15 000 jours de travail en moins pour les intermittents du spectacle en Rhône-Alpes. A Lyon c’est aussi 400 000 euros en moins pour l’Opéra et 100 000 euros supprimés pour la Biennale de la danse, dont le défilé est aujourd’hui menacé. Et on est déjà inquiets pour les budgets 2009, 2010 et 2011.
La culture est en danger ?
Oui. Et la culture dans son ensemble : l’architecture, les musées, les enseignements culturels, les chantiers de rénovation des monuments... La médiation culturelle, qui permet d’attirer un nouveau public, devrait même voir son budget diminuer de 50 % !
Mais l’Etat n’a plus d’argent !
Tout est question de priorités. Quand on gère un budget, on décide où va l’argent. Et depuis Malraux, le premier ministre de la Culture, on considérait que la Culture devait être une des priorités de la politique française. Surtout que la culture ce n’est pas que la création et les compagnies, c’est surtout le public. En tout cas c’est ce qu’on pense à la Région. Notre action culturelle c’est de faire en sorte qu’un maximum de personnes puisse avoir accès aux grandes œuvres et au patrimoine culturel, aux arts émergents... Et qu’elle puisse se forger un esprit de jugement pour avoir une meilleure perception des enjeux de société. Remettre en cause cette priorité aujourd’hui, c’est remettre en cause tous ces beaux défis auxquels tous les politiques, de droite comme de gauche, se disaient attachés. Et c’est extrêmement grave.
La culture n’est plus une priorité pour l’Etat ?
En fait il y a une vraie incohérence entre le discours officiel et la pratique. Dans la lettre de mission que le président Sarkozy a adressée cet été à la ministre de la Culture, il est déclaré qu’il faut un rééquilibrage budgétaire entre Paris et la Province. Mais aujourd’hui on enlève 6 % en Province et rien aux institutions parisiennes ! Le président demande aussi au ministère de réduire ses frais de fonctionnement. Et en 2008 on voit que le ministère ne fait rien sur ce point mais cherche au contraire à réduire les frais des institutions régionales.
Mais la culture doit faire des efforts !
Les institutions culturelles ont déjà fait tous les efforts possibles et fonctionnent avec le minimum.
Quelles sont les solutions ?
Je n’en vois pas beaucoup. On dénonce le retrait historique de l’Etat dans la culture et il faut en appeler à sa responsabilité. Quand l’Etat s’engage auprès de l’Opéra de Lyon et décide finalement de dénoncer la convention en réduisant ses subventions, ce n’est pas responsable. Et du coup l’Etat ne peut pas demander des obligations de résultats alors qu’il ne respecte pas ses engagements. En tout cas, une chose est sure, les collectivités locales et régionales, les communes, ne pourront pas pallier les défaillances de l’Etat. On ne pourra pas donner plus de subventions. En Rhône-Alpes, on est prêt à engager une concertation nationale sur la place de la culture, débattre des financements publics et privés... On est fermé à rien mais on ne supporte pas que les décisions soient prises en haut et sans concertation. En tout cas cette régression culturelle va faire très mal. Et il faut que l’Etat en soit conscient.

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