Autoportrait : Raymond Domenech se livre

Autoportrait : Raymond Domenech se livre

Sélectionneur de l'équipe de France de football, le Lyonnais Raymond Domenech s'était prêté au jeu de l'autoportrait pour Lyon Mag. Un entraîneur assez atypique dans le milieu du football.

Son plus grand défaut. Ceux qui m'aiment trouvent que je n'ai pas de défauts ! Evidemment, ils exagèrent, même si je crois que je n'ai pas de défaut majeur. Au fond, mon plus gros défaut, c'est la ténacité. Quand j'ai décidé quelque chose, je m'accroche jusqu'au bout, même si je sais que je vais dans le mur. Parce que je suis persuadé que je suis plus fort que le mur.

Sa première qualité.
La franchise, mais ça peut me jouer des tours. Parce que la franchise c'est de la dynamite. En particulier dans le football, où les ego sont souvent surdimensionnés. Mais j'ai aussi une grande capacité d'adaptation. C'est mon côté méditerranéen, je suis assez fataliste. Si les choses doivent arriver, elles arrivent.

Ce qui lui fait péter les plombs. La bêtise. Et ça concerne beaucoup de monde ! D'ailleurs j'adore la chanson de Jacques Brel L'air de la bêtise, qui résume bien la connerie des gens. Notamment celle des fanatiques en tous genres.

Ses convictions. Je crois au destin, mais pas en Dieu. Car pour moi toutes les croyances ou les idéologies doivent être dépassées. Au fond, il n'y a rien de pire que ceux qui croient détenir la vérité. Là encore je vais citer une chanson, celle de Brassens, Mourir pour des idées. D'ailleurs on devrait apprendre cette chanson aux enfants. Il faut qu'on arrive à construire un monde plus tolérant. C'est utopiste ? Peut-être, mais ce sont les utopistes qui ont fait avancer le monde.

Son plus grand regret. Avoir pris conscience aussi tardivement des voies sans issues dans lesquelles je m'engageais, au fond à cause de mon côté provocateur. Le déclic a eu lieu au moment de la succession de Roger Lemerre à la tête de l'équipe de France de football. J'avais le profil parfait pour le remplacer, mais c'est Jacques Santini qui a été nommé, car il était plus consensuel que moi. Une immense déception pour moi, mais ça m'a permis de me remettre en cause.

Sa plus grande peur. Je n'ai jamais eu peur de rien. D'abord parce que je m'attends à tout, y compris au pire. Mais aussi parce que je ne m'accroche jamais aux choses, donc je ne peux pas avoir peur de les perdre. Surtout quand on sait que, riche ou pauvre, on partira sans rien. Du coup, je suis plutôt du genre à profiter de la vie au jour le jour. Sans me prendre la tête.

Son rêve. Connaître le secret de l'univers. D'ailleurs ça me réveille parfois la nuit. Les scientifiques disent que l'univers, c'est l'infini. Mais l'infini a forcément une limite ! Et je sais qu'un jour on répondra à cette question, car j'ai confiance dans le progrès.

Ce qui le fait rire. Les jeux de mots idiots, même si souvent ça ne fait rire que moi. Desproges ou Coluche m'ont beaucoup fait rire parce qu'ils étaient engagés et qu'ils disaient parfois des horreurs. Alors qu'aujourd'hui je trouve les comiques trop prudents, car ils ne veulent blesser personne. Du coup, ils sont assez chiants. Au fond, je suis d'accord avec Hara-Kiri qui affirmait qu'on avait le droit de rire de tout. Parce que l'autocensure, c'est déjà une victoire des extrémistes.

Sa musique préférée. J'écoute surtout des chanteurs de mon époque, comme Brel ou Brassens. Des artistes qui avaient des messages à faire passer. Quand j'entraînais l'équipe de France espoirs, j'ai essayé de m'initier au rap. Mais je n'ai rien compris à ce style de musique. C'est là que je me rends compte que j'ai vieilli.

Son film culte. Jonathan Livingstone de Hall Bartlett, l'histoire d'un goéland incompris et rejeté par les siens. Un hymne à la tolérance, mais aussi à la liberté individuelle. Bref, un film magnifique qui dit simplement que les seules limites sont celles qu'on s'impose soi-même.

Son Lyon préféré. Le Vieux Lyon, un quartier assez magique qui a été très bien rénové. Et je monte souvent à Fourvière pour la vue. Mais ce que je préfère, c'est retourner dans le quartier des Etats-Unis dans le 8e arrondissement, où j'ai passé toute ma jeunesse.

Son plat préféré. Pour moi manger, c'est plus une obligation qu'un plaisir. Mais j'adore me préparer un sandwich à ma façon : du pain croustillant, un filet d'huile d'olive, du bon saucisson, quelques tranches de tomates, des cornichons, un bout de fromage et des oignons. Bref, un sandwich mi-lyonnais mi-espagnol. Ce qui correspond à mes origines : lyonnaises par ma mère, et espagnoles par mon père qui a fui la guerre civile espagnole en 1936.

Son refuge. J'aime me retrouver seul en forêt, pour me balader ou pour courir. Pour moi c'est un vrai moment de décompression.

Comment il souhaite mourir. Je ne veux pas mourir ! Mais il paraît qu'on n'a pas trop le choix... Alors, s'il faut choisir, je préférerai mourir avant mes enfants. D'ailleurs je dis souvent à mon fils qu'un jour il ira à mon enterrement. C'est important qu'il comprenne que c'est inévitable.

Pulbié dans Lyon Mag en 2006

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