Expat : le chef lyonnais Christian Bacque au sommet du Mexique

Expat : le chef lyonnais Christian Bacque au sommet du Mexique

Après 20 ans au Passage à Lyon, le chef lyonnais Christian Bacque a tout plaqué pour Mexico, où il dirige un restaurant prestigieux situé au 51e étage de la plus haute tour d’Amérique du Sud.

Comment vous êtes arrivé à Mexico ?
Christian Bacque : Un grand groupe hôtelier mexicain m’a débauché il y a deux ans, alors que j’étais chef au Passage, un restaurant gastronomique situé près de la Place des Terreaux où je travaillais depuis près de 20 ans.
Vous vous ennuyiez au Passage ?
Pas du tout. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec Daniel Ancel, qui était le chef quand je suis arrivé à la fin des années 80. Une sacrée personnalité qui m’a appris à faire une cuisine plus créative. A l’époque, on avait une étoile au Michelin, puis on a été victime de la crise en 91, on a perdu notre étoile... Des moments difficiles mais on a su rebondir. Daniel Ancel, lui, est parti ouvrir son propre resto à la Croix-Rousse et moi je lui ai succédé.
Alors, pourquoi vous avez tout plaqué ?
C’est vrai que mes proches n’ont pas compris ma décision. Car j’ai fait toute ma carrière à Lyon, ce qui est assez rare dans le métier, où en principe, quand on débute, on bouge beaucoup. Moi, j’ai fait l’inverse. A 40 ans, j’ai décidé de partir ! Quand le groupe mexicain Cinbersol m’a proposé de diriger un de leurs restaurants, j’ai tout de suite été séduit par ce challenge. Il faut dire que c’est un des groupes les plus puissants du pays, avec déjà plusieurs restaurants haut de gamme, mais aussi des projets hôteliers dans les Caraïbes.
La particularité du restaurant que vous dirigez ?
C’est un restaurant de 200 m2 qui appartient au Club Piso 51, un club d’affaires ultra sélect où on entre uniquement sur dossier et recommandation, après avoir payé une redevance annuelle. Résultat, ce club réunit les plus grosses fortunes du Mexique : patrons, banquiers, politiques... D’ailleurs, quand mes clients viennent déjeuner, ils arrivent soit en voiture blindée, soit en hélicoptère car on a un héliport sur le toit du restaurant !
La déco de ce restaurant ?
Incroyable. Car ce restaurant est situé au 51e étage de la Torre Mayor, qui avec ses 250 mètres de haut, est la plus haute tour d’affaires d’Amérique latine. Je vous laisse imaginer le panorama. On voit bien sûr tout Mexico, qui s’étend sur 2 400 km2 ! Mais aussi les chaînes de montagnes, le volcan Popocatépeti... C’est vraiment magique.
Le style de cuisine que vous proposez ?
C’est très varié, car on est ouvert tous les jours, de 7h à minuit. Le matin, on propose un brunch typiquement mexicain : soupes, oeufs brouillés avec différentes sauces... Ensuite, on sert le déjeuner de 14 h à 17 h30, puis le dîner à partir de 20 h. On propose alors une cuisine gastronomique et  internationale, notamment un steak de thon au sésame, servi avec une sauce au miel et au soja, une nage de saint-jacques à la crème d’huîtres, un tournedos sauce foie gras... Mais on a aussi quelques spécialités mexicaines comme le Huachinango, un poisson local servi avec une sauce chili et des olives pilées.
Vous avez carte blanche ?
Pas totalement, car j’ai un cahier des charges à respecter. Mais ça ne m’empêche pas de proposer une cuisine créative. Et puis j’adore préparer des spécialités mexicaines, car c’est une cuisine très intéressante. En France, on la réduit aux tacos, alors qu’en fait, elle peut être très variée, car elle est issue d’un mélange de cuisine maya et espagnole.
Les Mexicains sont ouverts à la gastronomie ?
En tout cas, les clients de mon restaurant le sont. Peut-être parce que ce sont des hommes d’affaires qui voyagent beaucoup et qui sont ouverts sur le monde. D’ailleurs, ils adorent la cuisine française, même si je dois l’adapter à leur goût, c’est-à-dire la rendre plus épicée, plus riche...
Et ça a été facile de vous intégrer à ce pays ?
J’ai la chance de fréquenter des gens puissants et fortunés. Du coup, c’est plus facile de s’intégrer quand vous connaissez des gens bien placés. Mais j’avoue qu’au début, j’ai eu du mal à m’adapter d’autant que je ne parlais pas espagnol, la ville est immense... Sans parler du challenge professionnel que je devais relever. Car c’est difficile de motiver les Mexicains qui ne sont pas des gros bosseurs. Il faut toujours les surveiller, les encadrer... En plus, ils sont très bien protégés par les syndicats.
Et la vie à Mexico ?
Cette ville a la réputation d’être sale, polluée... Alors qu’en fait, c’est une ville très agréable à vivre. Avec beaucoup de parcs et d’espaces verts. En plus, c’est une ville très belle et très intéressante sur le plan culturel. Et j’ai la chance d’habiter dans un quartier résidentiel avec des musées, des théâtres, des restaurants...
Mais c’est quand même une ville très dangereuse !
C’est vrai qu’il y a tous les jours des meurtres, des kidnappings, des affaires de drogue... Du coup, il faut être vigilant et éviter certains quartiers. Mais moi, je n’ai jamais eu peur. D’ailleurs, depuis quelques mois, le gouvernement a intensifié la lutte contre les narco-trafiquants. Et on croise aujourd’hui davantage de patrouilles de police en ville.
Vous pensez faire votre vie au Mexique ?
Je ne sais pas. Le problème, c’est que j’ai le mal du pays. La France, c’est tout pour moi. Heureusement, je reviens souvent à Lyon, car ma famille et mes amis me manquent énormément.  Mais je suis conscient que sur le plan professionnel, mon avenir est à l’étranger. En France, il faut être fou pour ouvrir un restaurant gastronomique. A cause notamment des charges beaucoup trop fortes.

Propos recueillis par Stéphanie Pioud
s.pioud@lyonmag.com

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2 commentaires
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gastronome le 13/12/2009 à 08:11

Nous regrettons beaucoup le dpar de ce jeune chef lyonnais talentueux d une regularité et d une justesse impressionnante dans son travail!! que le mexique lui porte chance et nous esperons en tout cas son retour chez nous!! les gastronomes en culotte courte

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p'tite blonde le 24/06/2009 à 00:41

dommage pour nous ,lyonnais(es),mais quelle fierté que cet homme de talent représente notre ville à l'étranger ! ! on a perdu un excellent "cuistot" en la personne de Ch.Bacque ; j'avais eu l'occasion de diner quelques fois "au passage" à l'époque où il oeuvrait dans cet établissement (je me souviens encore du homard aux lentilles..... ) par contre, il semble très amaigri par rapport à quelques années en arrière : espérons que les mexicains ne nous le "tuent"pas à la tâche.... et qu'il a un peu de temps pour la détente et le sport.... FELICITATIONS y mucha suerte

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