C’est Mathieu Viannay qui a eu le culot de relever le défi. En laissant tomber son étoile de l’avenue Foch pour viser plus haut. Il est déjà dans le temple, reste à séduire Monsieur Michelin.
En tout cas, côté déco, il a mis le paquet. Cher, paraît-il. Tout a été repensé. Seuls les murs ont résisté à Alain Vavro, le magicien des brasseries qui a joué ce coup-là tout en rayures, dans les tons bleu et beige. Très chic, très british. Reste à accrocher quelques tableaux. Mais ici, on ne perd pas ses repères. Avec toujours ce même couloir étroit qui vous introduit au sanctuaire. A gauche, la salle à manger en carrelage blanc pour les habitués et la cuisine américaine, puis à droite le double salon et ses vénérables boiseries. A à l’étage, les petits salons. Un cadre immuable où se sont tramés tant de complots lyonnais.
Dans les assiettes, rien à voir avec la dernière carte de Jacotte Brazier, la petite-fille, qui a servi son ultime quenelle au gratin, un soir de juillet 2004. Car le jeune Viannay a pris le pouvoir. Et il a imposé son style, plus subtil, plus sophistiqué. Bien sûr, comme c’est un garçon bien élevé, il rend hommage à cette figure tentaculaire de la gastronomie lyonnaise. En rendant grâce et vie à quelques icônes. L’artichaut au foie gras qui a pris un coup de jeune avec son barigoule fourré d’une bille de foie gras. Ou la poularde qu’on peut redécouvrir accompagnée d’un homard. Des bons produits. C’est le fil rouge qui relie le jeune chef à la préhistoire de la Rue Royale. Mais on est loin de cette cuisine simple et familiale qui a bercé les bourgeois lyonnais. Les purées, les petits légumes, les boudins, les crêpes... Avec Viannay, c’est plus subtil, plus léger, plus original. Plus sophistiqué surtout. Bien sûr, ça démarre. Le service est un peu lent et il y a quelques ratés. Mais c’est prometteur. On parie donc sans réserve sur un retour des étoiles.