Le "oui si" à la mode des Universités lyonnaises

Le "oui si" à la mode des Universités lyonnaises
Romain Meltz - DR

Où en est-on du "oui si" ?

Cette réponse possible des universités aux lycéens ayant obtenu leur bac avait fait couler beaucoup d’encre lors de son invention, car certains y voyaient l’irruption de la sélection à l’entrée de l’Université. Car le "oui si" rappelle à l’étudiant que : "vous ne serez inscrit dans la formation [demandée] que si vous acceptez de suivre un dispositif pédagogique adapté pour vous accompagner vers la réussite".

Et aujourd’hui ?

Pas facile de repérer s’il reste encore de cette procédure "oui si" aujourd’hui dans les universités lyonnaises.

Peut-être à Lyon 3 ? Début septembre, Stéphane Pillet, Vice-Président de Lyon 3 expliquait : "Ce que l’on voudrait c’est que notre dispositif fonctionne avec au moins un groupe de 30 étudiants. Pour avoir une bonne chance de le remplir on a accepté pas loin de 100 étudiants en "oui si"". Et de pointer l’aléatoire des réponses faites par les étudiants à la proposition de son université : "Beaucoup d’étudiants ont du mal à reconnaitre qu’ils vont avoir des difficultés à suivre un cursus. C’est l’éternel question des études à l’université pour les lycéens qui viennent d’un bac pro dont le succès en droit est traditionnellement très faible. Mais rien ne dit qu’un étudiant que nous aurons accepté en "oui si" ne préfèrera pas aller faire du droit à Lyon 2 ou à l’UJM de Saint-Etienne qui l’auront accepté avec un "oui" sans le "si"".

Mais dans le cas où les futurs étudiants auront finalement accepté la place en "oui si" de Lyon 3, ils bénéficieront de tutorat par des étudiants de 4ème année, de rendez-vous de suivi avec un enseignant titulaire, et surtout de Travaux dirigés supplémentaires centrés sur les méthodes de travail.

Un nouveau "oui si"

Comme souvent en matière de politique publique, il y a les discours et la réalité, et les deux coïncident rarement.  Au départ destiné à offrir à un jeune lycéen une place en fac s‘il accepte de suivre des cours de soutien, du tutorat, de l’accompagnement ou une première année en deux ans, le "oui si", très présent dans la bulle anxiogène des élèves de terminales 2017/2018 a bien changé de plumage.

Lors de la conférence de presse de la rentrée, la rectrice de Lyon, avait pris acte du changement d’un "oui si" contraint vers un "oui si" vu comme une opportunité offerte à l’étudiant qui accepte d’être accompagné : "tout comme les classes passerelles, le "oui si" est amené à se développer car il permet à tous les élèves qui le souhaitent d’entamer et de réussir les études qu’ils désirent", rappelait Marie-Hélène Campion.

L’université Lyon 2 est bien d’accord puisqu’elle n’a pas utilisé la réponse "oui si" pour refuser des étudiants.

Et à Lyon 1 ? Traditionnellement les demandes en STAPS (sciences et sport) sont les plus fortes et excèdent les places que Lyon 1 peut offrir. Une partie des crédits supplémentaires accordés par le ministère avec Parcoursup a donc consisté à offrir des places supplémentaires en STAPS (+ 160 places ce qui porte le total offert à 640) et en DEUST :  + 50 places en "Animation des activités physiques et sportives" (diplôme en deux ans, comme une licence STAPS, mais en plus court et sans les sciences). Une autre partie des crédits sert à offrir un parcours renforcé aux étudiants persuadés de pouvoir tenir le coup en STAPS, même sans posséder un bac scientifique. En tout, 270 étudiants doivent bénéficier de solutions destinées à améliorer le début de leur parcours universitaire (de l’accompagnement).

Mais rien ne dit qu’il s’agit de "oui si" première formule, censés obliger les étudiants à suivre des cours pour être admis dans l’université de son choix. A Lyon 1 on reste évasif et on souligne "qu’une montée en puissance de ces dispositifs est attendue en 2019", et on s’estime globalement bien traité par l’année de lancement de parcoursup.

Montée en puissance

Du côté du rectorat, on confirme la montée en puissance du "oui si". Sur les 8 millions votés par le Parlement dans le budget 2018, Lyon et Saint Etienne ont reçu 500.000 € d’aide pour financer des dispositifs de ce type. C’est la Rectrice qui a organisé la répartition de cet argent en fonction des projets déposés par les différentes Universités. Lyon 1 en a déposé 9, Lyon 3 avait 6 projets, Lyon 2 en a proposé 2, comme l'UJM de St Etienne. Dans le budget 2019 de l’Etat (pas encore voté mais bien avancé) le total lyonnais devrait tripler et atteindre 1,5 million.

A quoi sert l’argent du "oui si" ?

En réalité, les Universités acceptent les aides de l’Etat pour accompagner leurs étudiants et cherchent la recette miracle pour éviter le décrochage des étudiants. Lyon 2, par exemple, va expérimenter un programme intitulé "CLEFS" (Créer, Lire, Ecrire et Faire de la Science à l’Université) rendu possible par ces fonds parcoursup mais dont la philosophie est très éloignée du "oui si" de départ.  CLEFS va concerner une quarantaine d’étudiants en Sciences sociales ou en Histoire et doit entrer en action à partir du mois de novembre 2018 au moment où devraient avoir été repérés des étudiants en difficulté, mais pas encore trop.

CLEFS est donc un programme ciblé au millimètre, devant agir après les programmes qui s’occupent des étudiants dont les statistiques disent qu’ils vont probablement échouer (programme type "contrat réussite" à Lyon 3) mais avant les programmes qui s’occupent de réorienter des étudiants qui ont décroché en cours d’année (de type "Rebond" à Lyon 2). Le programme CLEFS est soutenu par la Vice-Présidente Valérie Haas, et, derrière, par l’université Lyon 2 qui a obtenu du Rectorat deux postes de docteurs en science de l’éducation pour piloter ce programme – mais pas que.

En théorie cela ne peut fonctionner que sur un nombre restreint d’étudiants, alors que les Universités lyonnaises gèrent des masses considérables d’étudiants qu’elles ont souvent acceptées tout de suite quand d’autres formations peinaient à répondre.

Du sur mesure pour la massification ?

In fine le paradoxe des programmes d’aide aussi "luxueux" que CLEFS apparait particulièrement au moment où les coutures de l’Université craquent sous un afflux non anticipé de nouveaux étudiants. Mobiliser autant d’énergie et d’argent – comme le fait CLEFS - pour aider 40 étudiants en possible difficulté, sélectionnés parmi l’ensemble des étudiants de première année, est à mettre au regard des 45 étudiants de la vingtaine de TD d’introduction à la macroéconomie qui vont devoir lutter seuls contre les mystères de l’équivalence ricardienne et autre courbe à 45° de John M. Keynes.

Romain Meltz

@lemediapol

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4 commentaires
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Objectif Lune le 20/09/2018 à 21:16

Et pourquoi, on ne ferait pas comme dans certains pays nordiques, où on donne une bourse d'étude à des étudiants qui acceptent de faire jeune au-pair, ou d'être lecteur dans un lycée, avant de revenir au pays pour entreprendre des études supérieures ? Bon, ça coûterait un peu d'argent, mais ça diminuerait les effectifs en première année universitaire.

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Objectif Lune le 20/09/2018 à 21:13

Ce dispositif s'apparente à ce qu'on a appelé à une certaine époque "l'année zéro". Ces étudiants auront leur cursus avec une année de plus par rapport au timing d'un étudiant "brillant". C'est une manière de gérer la crise des sur-effectifs et d'obtenir des crédits supplémentaires pour accueillir le trop-plein d'étudiants.

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@problemo le 19/09/2018 à 21:02
Problématique de rentrée universitaire a écrit le 19/09/2018 à 15h19

Bravo pour le réalisme de la problématique soulevée pour l 'accueil des étudiants:
Chargé de td vacataire en sciences économiques , j 'avais près de 30 étudiants par groupe auparavant et j'ai le privilège d'en avoir plus de 40 par Td (pas de création de nouveaux TD pour raisons budgétaires)
Reproduire des cours de td dans les conditions d'un cours magistral pour des séances destinées à l'échange ,tutorat etc..est voué à l 'échec , sans faire de l'analyse pédagogique primaire.

Tant qu'elle ne mettera pas en place un minimum de sélection avant la première année, l'université française dans son ensemble restera vouée à l'échec, ou du moins à la médiocrité.

Il est absolument abberant que l'on considère encore en 2018 l'entrée à l'université comme un droit, octroyé à chaque bachelier, alors que le bac est donné à (presque) tout le monde.

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Problématique de rentrée universitaire le 19/09/2018 à 15:19

Bravo pour le réalisme de la problématique soulevée pour l 'accueil des étudiants:
Chargé de td vacataire en sciences économiques , j 'avais près de 30 étudiants par groupe auparavant et j'ai le privilège d'en avoir plus de 40 par Td (pas de création de nouveaux TD pour raisons budgétaires)
Reproduire des cours de td dans les conditions d'un cours magistral pour des séances destinées à l'échange ,tutorat etc..est voué à l 'échec , sans faire de l'analyse pédagogique primaire.

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