Un Figaro dans le théâtre lyonnais

Un Figaro dans le théâtre lyonnais

Le Figaro s’est distingué pendant la campagne des municipales en publiant chaque jour un bloc-notes drôle, mordant et assez décalé. Interview de l’auteur.

Votre première impression en arrivant à Lyon ?
Bertrand de Saint-Vincent : J’ai trouvé que c’était une ville aérée, avec ses deux fleuves, ses quais, ses places... Par rapport à Paris, j’ai eu l’impression de pouvoir respirer. Bref, j’ai été séduit, alors que je ne connaissais pas du tout Lyon dont j’avais l’image d’une ville plus austère, plus fermée, plus sérieuse...
Et les Lyonnais ?
Là aussi j’ai été très surpris, puisque j’ai reçu un accueil très chaleureux. J’ai trouvé les Lyonnais énergiques, dynamiques, avec une volonté de créer, d’innover... Et même leur réserve, j’ai bien aimé.
Et visiblement, la vie politique lyonnaise vous a beaucoup amusé !
Pour moi, c’est une vraie pièce de théâtre, avec ses acteurs, son décor, ses rebondissements... Et son Guignol bien sûr ! D’ailleurs, la place de l’hôtel de ville s’appelle la place de la Comédie. Ça ne s’invente pas !
Le personnage qui vous a le plus marqué ?
Une de mes phrases clés, c’est : “Méfiez vous de la première impression, c’est souvent la bonne.” Et dès le début, j’ai trouvé que Gérard Collomb était le meilleur acteur. Il connaissait son texte, son public, sa scène... C’est le genre d’acteur à faire monter son public sur scène tellement il s’y sent bien lui-même. Ce qui lui permet de jouer l’ouverture. D’ailleurs c’est ce qu’il a fait avec moi, alors que je ne l’avais pas épargné dans mon premier article.
Ce que vous aviez constaté ?
J’avais souligné sa diction, sa voix traînante et monocorde... Et surtout ses “euh” qu’on retrouve dans toutes ses phrases. Mais Collomb a pris mes remarques avec distance. Car cet agrégé de lettres sait qu’on juge avant tout un homme à son style.
Mais reconnaissez que pendant toute cette campagne il a évité son adversaire !
Non, il est simplement resté attentif, lucide, prudent... D’où son refus de monter sur le ring pour affronter Perben en débat. Et puis il a un entourage de qualité, avec notamment un type que j’ai trouvé très sympa, Jean-François Lanneluc, son directeur de cabinet : cultivé, ouvert, onctueux... Et humble. D’ailleurs, je l’ai appelé le Sun Tzu lyonnais, car il m’a cité ce penseur chinois : “Parais toujours plus faible que tu n’es.”
Vous pensez que Collomb peut avoir un avenir politique national ?
Il a un côté province, une identité, des racines qui collent bien à l’époque. Collomb, c’est un peu le Dany Boon de Lyon ! Ce qui aurait pu apparaître comme un handicap face à l’énarque Dominique Perben s’est en fait révélé comme un atout. Au fond, c’est ce côté sincère et authentique de Collomb qui explique son succès.
Et Perben justement ?
Ses tirades tombaient à plat, ses gestes en décalage avec la situation, il n’arrivait pas à être naturel... Bref, il jouait dans une autre pièce que Collomb. J’ai senti dès mon premier entretien avec lui que ce n’était pas le genre à se livrer, à fendre l’armure, même s’il m’avait donné rendez-vous dans un bistrot bien lyonnais, “Daniel et Denise”. Je l’ai également suivi sur un marché lyonnais. Il disait plus souvent “pardon” aux gens comme s’il les dérangeait au lieu de leur dire simplement “bonjour” en essayant de les séduire. Il faut dire que son éducation lyonnaise et catholique, l’ENA, son expérience ministérielle... Ça n’apprend guère à faire le trottoir !
Ça n’a pas agacé Le Figaro que vous soyez aussi dur avec le candidat UMP !
Vous connaissez la devise du Figaro : “Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur”... J’ai pu écrire avec une grande liberté ce que j’ai vu, ou plutôt ressenti. Sans dureté, me semble-t-il. Avec un certain détachement, car plus qu’un chroniqueur politique, je suis un homme de culture.
Les autres figures qui vous ont marqué ?
Amaury Nardone, que j’ai appelé “l’ennemi public numéro 1”. Et il en était fier, puisqu’il m’a cité un proverbe japonais : “On connaît la valeur d’un homme au nombre de ses ennemis.” C’est un bon orateur, flamboyant, cassant... Mais son parcours s’est achevé par une claque, comme au théâtre. Avec l’autre milloniste Denis Broliquier, il forme un tandem redoutable qui me fait penser au bon et au méchant flic. Broliquier est plus rond, plus attentif, plus aimable. Alors que Nardone c’est le bad guy, plus sec, plus agressif.
Et Michel Havard, le successeur de Perben à la tête de l’UMP ?
C’est l’homme qui monte doucement. Ce qui m’a frappé, c’est que personne ne m’a dit du mal de lui. C’est rare à droite où tout le monde se tape dessus à Lyon. En fait, c’est peut-être le plus fin stratège. Et c’est un vrai Lyonnais, discret, poli, réservé... Du genre passe-partout.
Il n’est pas un peu transparent face au duo Nardone-Broliquier ?
Son défi, ça va être de monter en puissance pour résister à ce tandem. Il va donc devoir prendre de l’assurance. Et être suffisamment ferme derrière sa gentillesse naturelle pour s’imposer. Si j’étais son manager, je commencerais par le relooker. Car il a toujours un air un peu dépassé, même quand il veut paraître branché.
Le personnage le plus loufoque ?
Je ne dirais pas le plus loufoque, mais le plus insaisissable : c’est Michel Mercier, un personnage rond que j’ai baptisé “la tour de contrôle”, parce qu’il a un côté massif. D’ailleurs à un match de l’Olympique lyonnais où je suis allé, tout le monde tournait autour de lui : Collomb, Perben, Queyranne... Gerland, c’est aussi la commedia dell’arte, à la lyonnaise, c’est-à-dire sans effusions superflues. Avec Mercier qui répétait, souverain : “Je ne fais plus de politique.” Alors que c’est l’Obélix de la politique, il est tombé dedans quand il était petit !
Et qui incarne le mieux Guignol ?
Azouz Begag, qui distribue des coups de bâton à Sarkozy. C’est un vrai show-man qui n’a généralement pas grand-chose à dire, mais il fait rire, il est charmeur... Et puis un Guign

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