"La vie quotidienne à Matignon est un harassement continuel sans vrais moments de liberté”, c’est ce qu’explique l’ancien maire de Lyon, Raymond Barre, dans le livre “L’enfer de Matignon” de Raphaëlle Bacqué. Cette journaliste du Monde a interviewé 12 premiers ministres, de Pierre Mesmer à l’actuel titulaire du poste, François Fillon. Seul Jacques Chirac a refusé d’évoquer ses deux passages à Matignon.
Tous ou presque avouent qu’ils rêvaient d’occuper cette fonction mais aussi qu’ils ont vécu l’enfer.
Du 27 août 1976 au 13 mai 1981, Barre est un de ceux qui ont résisté le plus longtemps. Sa nomination par Valéry Giscard d’Estaing sera pour lui une “surprise” et il accepte, sans vraiment se rendre compte des conséquences de sa décision. Barre évoque ensuite ses coups de fatigue, notamment sa crise d’hypertension après un opéra “médiocre” auquel il était obligé d’assister en compagnie du Premier ministre chinois. Et il raconte également une anecdote sur Chirac, venu dîner à Matignon et qui lui expliquera qu’aux élections législatives de 1978, le RPR va l’attaquer durement. Mais que ce ne sera pas une attaque contre lui mais contre le premier ministre !
Barre évoque également l’envers du décor à Matignon et notamment les trois “toutes petites pièces” où il a dû loger pendant près de 5 ans.
En tout cas, cette épreuve le laissera affaibli. D’ailleurs, il se souvient que le jour où il quittera cette “ fonction très éprouvante”, il avait le sourire et l’impression de retrouver enfin sa liberté. Après avoir repris le volant pour la première fois depuis 5 ans pour une balade dans Paris, il lancera : “voilà, je reprends enfin contact avec la réalité”.
"L’enfer de Matignon", de Raphaëlle Bacqué. 316 p. aux éd. Albin Michel. 20 euros.